1. Portrait posthume © DR

Les Romains de retour à Tongres

Malgré le Brexit et la crise sanitaire, le Musée gallo-romain de Tongres expose 250 des plus belles pièces des collections romaines du British Museum. La scénographie soignée plonge le visiteur dans une époque impériale très multiculturelle.

Statues grandeur nature de dieux et d’empereurs, bijoux et argenterie étincelants, armes, fresques, mosaïques…: plus de quinze siècles après la chute de l’Empire romain d’Occident, les Romains sont de retour à Tongres. Le Musée gallo-romain de la plus ancienne ville de Belgique (fondée vers l’an 10 avant notre ère) a réussi à mettre sur pied, contre vents et marées – le Brexit et la crise sanitaire -, une exposition autour de 250 pièces exceptionnelles issues des collections romaines du British Museum. La scénographie sobre et soignée du bureau bruxello-japonais SHSH met en valeur les trésors prêtés par l’institution londonienne.

Intitulée Face à face avec les Romains, l’exposition plonge le visiteur dans l’immense empire tel qu’il était à l’apogée de sa puissance, au début du IIe siècle de notre ère. Il couvrait alors une cinquantaine de pays actuels d’Europe, d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient et comptait cent millions de citoyens. La circulation des personnes et des biens y était intense. Il existait une langue et une monnaie communes, mais Rome autorisait le maintien des coutumes locales. Comment vivait-on dans ce vaste ensemble? Quelles opportunités offrait-il et à qui? Quel impact avait l’administration romaine sur le quotidien économique et religieux des habitants? Autant de questions autour desquelles s’articule l’expo.

2. Portrait posthume
2. Portrait posthume© DR

L’unité dans la diversité

« Nous avons voulu illustrer quelques-unes des multiples facettes de la culture romaine, explique Bart Demarsin, responsable du département des expositions. Le monde romain, c’était l’unité dans la diversité. » La présentation privilégie l’aspect humain: des vidéos de citoyens des quatre coins de l’Empire et de différentes classes sociales (campés par des acteurs d’aujourd’hui) racontent leur vie sous l’autorité romaine et font part de leurs réflexions sur la société. Parmi eux: un habitant de Rome évoquant la diversité culturelle de sa ville, un vétéran de Dacie, un prêtre isiaque d’Alexandrie, une vendeuse d’huile d’olive de Carthage, une esclave de Smyrne, un couple de Palmyre actif dans le négoce des produits de luxe orientaux, une commerçante de matières en laine venue d’ Atuatuca Tungrorum (Tongres). Les témoignages se fondent sur des textes d’auteurs romains ou des sources archéologiques.

3. Combat de femmes
3. Combat de femmes© DR

Face à face avec les Romains: au Musée gallo-romain, à Tongres, jusqu’au 1er août.

Cinq pièces exceptionnelles

1. et 2. Portraits posthumes

Le British Museum a prêté au musée de Tongres deux des plus anciens portraits peints au monde. Ce jeune homme en tunique romaine et cette jeune femme parée de bijoux vivaient en Egypte au IIe siècle de notre ère, mais pas à la même époque: il a une coiffure à la mode sous l’empereur Trajan (98 – 117), elle en a une en vogue à l’époque de Faustine la Jeune, épouse de l’empereur Marc Aurèle (161 – 180). Seuls les nantis pouvaient s’offrir ce type de représentation, posée sur le visage du défunt.

3. Combat de femmes

Trouvé à Halicarnasse (l’actuelle Bodrum, en Turquie), ce relief en marbre du Ier ou du IIe siècle est unique au monde: y figure le duel de deux gladiatrices armées d’épées et de boucliers. En dessous sont indiqués leurs noms, Amazon et Achillia. L’inscription du haut indique qu’elles ont pu quitter l’arène avec les honneurs au terme d’un affrontement indécis. Les combats de gladiatrices étaient très populaires dans l’Empire.

4. Calice en fluorine

Découvert en Cilicie (Turquie actuelle), ce bol en fluorine de la fin du Ier siècle est l’un des deux seuls exemplaires antiques connus. Le minerai de spath fluor était extrait en Perse. Très fragiles, les blocs ont rarement un volume suffisant pour qu’on puisse y sculpter un calice. L’élite romaine fortunée convoitait ces pièces hors de prix. Le vin y avait un goût particulier, les fissures du gobelet étant colmatées avec de la résine. Selon Pline, l’empereur Néron a payé un million de sesterces pour acquérir un tel objet, soit plus de 1 000 fois le salaire annuel d’un légionnaire.

5. Maudit soit Jules!

Quelques pièces des collections du musée gallo-romain de Tongres complètent l’exposition. Parmi elles, cette tablette en plomb de « défixion » (d’envoûtement) retrouvée à Tongres est unique en Belgique. Y ont été gravés des signes et formules magiques. Le nom de la personne maudite par l’auteur figure au bas de la tablette: Gaius Iulius Viator, un citoyen romain. Les deux trous latéraux suggèrent que la plaque était clouée sur une base en bois, sans doute accrochée à la maison de la cible du maléfice.

4. Calice en fluorine
4. Calice en fluorine© DR
5. Maudit soit Jules!
5. Maudit soit Jules!© DR

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