Les ratés du made in China

Fauteuils qui démangent, jouets qui intoxiquent, médicaments qui tuent. La liste des produits chinois non conformes ou carrément dangereux ne cesse de s’allonger. Le nouvel atelier du monde doit apprendre à concilier quantité, prix bas et qualité.

Ces derniers temps, entre le lait qui tue, les fauteuils qui irritent, les chaussures qui grattent et les joujoux qui étouffent, les consommateurs ont appris à se méfier du made in China. Difficile d’y échapper. En une décennie, l’empire du Milieu est devenu un atelier mondial incontournable. En 2007, il a assuré environ 16 % des importations européennes. Un chiffre trompeur : les fabricants chinois dominent, de la taille et des épaules, certains secteurs, comme les jouets et le petit matériel électroménager. Dès lors, pas étonnant que des produits frelatés se glissent dans les millions de conteneurs que la Chine déverse chaque année sur les quais des ports occidentaux. Sur les 1 605 notifications de retrait ou de destruction publiées en 2007 par le système européen d’alerte rapide (Rapex), 1 sur 2 concernait un objet fabriqué en Chine. La Chine serait en outre à l’origine de 15 % des alarmes alimentaires. Tout le monde reconnaît la rigueur des contrôles. Mais leur système, très pointu, de recoupement des données (provenance, pedigree des importateurs et des fabricants, etc.) n’empêche pas certaines pièces douteuses de leur échapper.  » Tant qu’on laissera de tout petits importateurs travailler en funambules, il y aura des problèmes « , affirme un expert. Pensez donc ! Même les poids lourds de l’importation savent qu’il ne faut jamais baisser la garde. D’évidence, les poids plume, eux, n’ont pas les moyens d’aller sur place ou de se payer les services de sociétés spécialisées dans le contrôle, comme AsiaInspection. Ils en sont donc réduits à faire confiance – un exercice très périlleux, compte tenu du tissu industriel chinois.  » Si vous ne vous montrez pas, tout peut partir très vite à vau-l’eau « , commente Sébastien Breteau, fondateur d’AsiaInspection. De fait, le respect intégral des normes n’est pas encore inscrit dans la mentalité chinoise :  » Il y a toute une éducation à faire en amont. Si les Chinois respectent 95 % du cahier des charges, ils ne voient pas, naturellement, pourquoi ils dépenseraient davantage pour monter à 100 % « , pointe un spécialiste. Et nul n’est à l’abri d’une défaillance – innocente ou due à la cupidité – du sous-traitant du sous-traitant. Les acheteurs les plus fragiles sont d’autant plus vulnérables qu’ils sont, comme les autres, légalement responsables de la mise sur le marché. En cas de pépin, ils courent donc le risque de rester avec une marchandise – payée d’avance mais invendable – sur les bras. Certains tentent donc leur chance. A ce titre, les ports du nord de l’Europe, comme Anvers et Rotterdam, seraient moins regardants que les autres et, d’un coup de camion, la marchandise non conforme peut se retrouver dans une solderie n’importe où en Europe ou au Maghreb. Quoi qu’il en soit, Pékin paraît désireux de restaurer son image de marque. Le 17 novembre dernier, à Bruxelles, la Chine s’est entendue avec les Etats-Unis et l’Union européenne pour développer la conformité et la sécurité du made in China. Il est vrai que, pour la première fois depuis 2001, les exportations chinoises accusent le coup.

E Temps de cochon pour l’héparine

80 décès en avril 2008 aux Etats-Unis : des médicaments anticoagulants commercialisés par Baxter contenaient de la fausse héparine chinoise. L’héparine de bonne qualité est extraite des muqueuses intestinales du cochon. Mais, à la suite d’épidémies dans les porcheries, la production chinoise avait fortement chuté en 2007. Pour compenser, certains producteurs ont donc employé des extraits de trachée et de cartilage d’autres animaux, qu’ils ont assaisonnés d’acide sulfurique. Ce qui donnait à ces composants les mêmes pouvoirs que l’héparine, mais au prix d’effets secondaires meurtriers. De telles substances contaminantes ont été retrouvées dans certaines héparines en Europe, y compris en Belgique, mais en quantité infiniment moindre que dans les préparations fatales américaines. Il n’empêche : au regard de cette tricherie mortelle, le retrait, en 2007, de pâtes dentifrices contenant de l’antigel est de la petite bièreà

E Mélamine : le scandale permanent

Rien de comparable, chez nous, au scandale chinois du lait infantile plombé à la mélamine, une résine toxique utilisée dans les plastiques, qui renforce également artificiellement la teneur d’un aliment en protéines. La récente découverte, en France, de 293 tonnes de tourteaux de soja frelatés prouve, cependant, que le trafic mafieux continue. En Corée, les autorités sanitaires ont décelé trop de mélamine dans des M&M’s et des Snickers fabriqués par le groupe Mars, qui possède une usine au nord-est de Pékin. En Belgique, l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (Afsca) a signalé, en octobre, une quantité non conforme de mélamine dans des biscuits de la marque Koala. En décembre, la Commission européenne décidait d’interdire toutes les importations chinoises de produits contenant du soja destinés aux enfants. Pour le reste, l’augmentation des importations alimentaires – asperges, fraises, champignons, surgelés, coulis de tomates ou bases de confitures – amène son lot d’alertes et de retraits. Plus inquiétant : alors que le Grenelle de l’environnement s’est engagé à diminuer de moitié les pesticides (nuisibles à la santé), les paysans chinois en utiliseraient cinq fois plus que les Français, déjà détenteurs du triste record de l’Union.

E La panoplie du petit chimiste

La vache rose marrante avec ses cornes vertes qui servait de sac à dos a été priée d’aller brouter ailleurs : une de ses poches, en plastique, contenait infiniment trop de phtalates, nuisibles à la croissance, qu’il n’était permis. Depuis trois mois, des dizaines de jouets made in China sont retirés du marché. Certes, après les rappels massifs, en 2007, de produits non conformes, les industriels (Mattel, Hasbro et Disney en tête) ont sécurisé leurs usines chinoises. Mais il reste toujours possible de trouver des brèches en démarchant sur Internet un petit fabricant pas cher qui souhaite, lui aussi, gagner sa vie.

E Meubles, lunettes, chaussures : la petite boutique des horreurs

Adieu les fauteuils qui grattent  » grave  » ou les chaussures qui filent des boutons ! Bonne nouvelle : le diméthylfumarate (DMF), le produit à la base de ces sérieux ennuis de santé, est désormais interdit. En Belgique, au moins sept personnes ont cependant fait les frais de cet anti-fongique contenu dans des petits sachets glissés à l’intérieur des ballerines ou des canapés en provenance de Chine. Difficile de dire combien d’autres victimes, soudain couvertes de placards rouges au dos, au cou ou au creux des genoux, auront identifié correctement la cause de leur allergie : une centaine de milliers de fauteuils chinois sont vendus chez nous chaque annéeà Et d’autres fronts restent ouverts : des guirlandes aux 40 fleurs multicolores qui vous électrocutent et vous brûlent, des lecteurs de DVD qui vous font vivre Piège de feu en direct, des ustensiles de cuisine enduits de substances nocives (nickel, manganèse, chrome) susceptibles de contaminer tous vos petits plats mijotés. Les malfaçons chinoises concernent aussi bien les fourches de bicyclette en carbone qui cassent que les machines de massage transformées en chaises électriques ou les colles à base de chloroforme qui scotchent les poumons. Il y a aussi les raquettes de ping-pong douteuses, les T-shirts au formaldéhyde et les lunettes de soleil qui mélangent les couleurs. Sauf le jaune d’or ?

Georges Dupuy (avec V.C.)

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire