Les poumons de Liège ne sont pas qu’en acier

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Le dernier désengagement de Mittal précipite la reconversion de Liège. Vrai ou faux ? FAUX. Après le chaud, Mittal pulvérise les lignes du froid à Liège. Mais la ville n’a pas attendu ce coup de grâce pour se construire un avenir.

Faudra-t-il un jour, sans cynisme aucun, être reconnaissant à Lakshmi Mittal, ce géant de la sidérurgie mondiale, d’avoir lâché Liège et de l’avoir ainsi obligée à se reconvertir ? Non.  » La reconversion d’une ville ou d’une région ne doit pas se justifier par la fermeture d’un outil « , lâche Nico Cué, le patron des métallurgistes wallons de la FGTB. D’ailleurs, les forces vives liégeoises (politiques, syndicales, patronales, enseignantes) n’ont pas attendu que la multinationale annonce, en janvier 2013, sa volonté de fermer plus de la moitié de ses lignes de froid et la cokerie pour se demander de quoi leur avenir serait fait.

Car on ne peut pas dire que cette annonce ait surpris. Cela fait dix ans que la sidérurgie liégeoise évolue à l’ombre d’une guillotine. En 2003, le groupe Arcelor, racheté par Mittal trois ans plus tard, annonce une première fois la fin de la phase à chaud. Aussitôt, une vaste réflexion se met en place à Liège et se structure, notamment autour du GRE (groupe de redéploiement économique), lancé en 2004. Lorsque la demande d’acier reprend, Mittal relance les hauts- fourneaux liégeois pour y répondre. Pendant ce temps, la réflexion ne s’arrête pas, elle ralentit.  » Les Liégeois ont vite compris qu’il ne fallait pas s’arrêter en chemin « , souligne Didier Van Caillie, professeur à HEC-Ecole de Gestion de l’Université de Liège.

Finement anticipé. Car les hauts-fourneaux sont remis en repos forcé en 2008. Et, en octobre 2012, la fermeture de la phase à chaud est confirmée. Avant les coupes dans le froid, quelques mois plus tard. Ne restera de ce bassin, qui employait jadis des dizaines de milliers de personnes, que quelques lignes du froid et 945 emplois.

Hormis pour ceux qui perdent leur travail, la dernière décision de Mittal ne modifie guère la donne en termes de reconversion de Liège. Sauf qu’elle libère de la place pour d’autres acteurs économiques.  » Peut-être que sans cette décision, certains politiques auraient opté pour la facilité et laissé les choses en l’état ?  » s’interroge Jordan Atanasov, le secrétaire régional des métallos liégeois de la CSC.

Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, le portefeuille d’activités économiques recensées à Liège est nettement plus équilibré qu’auparavant. On y trouve des services, du commerce, de l’industrie encore, de la logistique. Ses fers de lance s’activent dans le fret aérien depuis l’aéroport de Bierset, l’agroalimentaire sur la zone de Bressoux-Droixhe, les machines-outils (comme Joskin), ou le parapharmaceutique (Mithra Pharmaceuticals, par exemple). Ces activités ont des cycles de vie complémentaires, ce qui permet à Liège de mieux résister désormais à des chocs extérieurs.

 » Certains secteurs sont en nette croissance, insiste Thierry Castagne, directeur général d’Agoria Wallonie en pointant la défense et la sécurité (représentées par des entreprises comme la FN ou CMI), l’aéronautique et le spatial (Techspace Aero ou Spacebel), et les technologies de l’information (EVS).

La sidérurgie n’en est pas pour autant une activité du passé : les produits de pointe (bobines d’acier laquées, tôles magnétiques, etc.) sont porteurs d’avenir et de valeur ajoutée.  » Mais en perdant Arcelor, ou Carsid, on perd une partie de la réorientation possible dans le secteur de l’acier de pointe, déplore Thierry Bodson, patron de l’interrégionale wallonne de la FGTB. Ça, ça m’inquiète. A Liège, on a bien anticipé ce qui se passe aujourd’hui, notamment sur le plan de la recherche et de la formation. Mais en termes de concrétisation industrielle, ça commence à traîner.  »

LAURENCE VAN RUYMBEKE

 » Aujourd’hui, le portefeuille d’activités économiques recensées à Liège est nettement plus équilibré qu’auparavant « 

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