Les parias de l’été

En cinq ans, le Pakistan a subi deux catastrophes majeures. En octobre 2005, un tremblement de terre a enlevé la vie à près de 80 000 personnes et en a laissé 3,5 millions sans abri. Depuis la fin du mois de juillet, des intempéries ont tué 1 600 habitants et ont affecté pas moins de 20 millions de Pakistanais, un huitième de la population. Plus que les pertes humaines, bien que le bilan risque de s’alourdir, ce sont les dégâts matériels qui font de ces inondations la plus grande catastrophe de l’histoire du pays. L’illustrent le nombre d’habitations à reconstruire, 723 000 selon des chiffres de l’ONU, et le préjudice incalculable aux récoltes et aux réserves de nourriture.

Malgré ce tableau qui devrait légitimement alarmer et favoriser la solidarité, l’aide, tant publique que privée, tarde à se mettre en place. Ce n’est pas nouveau dans le cas du Pakistan. Le phénomène avait déjà été observé lors du séisme de 2005. Et cette apathie tranche crûment avec l’incroyable élan observé à l’égard des populations du Sud-Est asiatique lors du tsunami de décembre 2004 (quelque 220 000 morts) et d’Haïti après le tremblement de terre, en janvier de cette année (230 000 morts). Les Pakistanais mériteraient-ils moins que les Haïtiens ou les Indonésiens de bénéficier, en ces circonstances exceptionnelles, de la compassion de la communauté internationale ?

C’est peu dire que le Pakistan, pays avec la religion musulmane pour fondement dans une région ô combien stratégique, pâtit actuellement d’une image peu enviable en Occident. Pour s’en convaincre, il suffit de rappeler que, début août, alors que les inondations avaient déjà fait leurs premiers morts dans le nord du pays, le président pakistanais Asif Ali Zardari en était réduit à se défendre, à Paris et à Londres, des accusations de collusion avec les talibans afghans qui frappaient ses services secrets après la divulgation par le site WikiLeaks de rapports américains confidentiels. Tous les Pakistanais seraient-ils extrémistes et corrompus et devraient-ils être, à cette aune, frappés d’infamie et privés de la moindre aide humanitaire ? Le recours à l’amalgame est toujours une injure à l’intelligence et une perversion des relations humaines.

Mais au-delà même du problème moral que pose, encore plus pour des Etats, la non-assistance à population en danger, l’abandon à son sort du Pakistan au nom de la lutte contre les extrémistes islamistes serait contre-productif. Car il contribuerait au contraire à renforcer les plus radicaux des Pakistanais par l’exploitation délibérée de la détresse humaine à des fins idéologiques. Pour autant, une aide internationale ne doit pas empêcher le contrôle. Pour éviter les détournements de fonds observés par le passé et qui ont aussi scandalisé des Pakistanais, toutes les forces politiques du pays sont convenus de créer une commission indépendante multipartite chargée de la collecte et de la redistribution des aides. La démarche ne justifie-t-elle pas le respect et une certaine confiance ?

Il sera temps, une fois l’urgence passée, de suggérer à des Pakistanais éclairés, comme certains l’avaient fait à l’égard de leurs amis américains pour tenter d’expliquer la haine que traduisaient les attentats du 11-Septembre, de s’interroger aussi sur les raisons d’une telle méfiance à l’égard de leur nation.

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Pourquoi les Pakistanais bénéficieraient-ils de moins de solidarité que les Haïtiens ou les Indonésiens ?

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