Les obligations ? Obligatoires !

Placement « à revenu fixe », l’obligation est l’un des piliers de toute stratégie de placement. Mais ce n’est pas un instrument aussi simple qu’il y paraît

Un portefeuille équilibré doit comporter, dans une proportion variable, des actions (ou des sicav d’actions) et des obligations (ou des sicav obligataires). C’est particulièrement vrai en cette période d’hésitations boursières, plus particulièrement pour les portefeuilles de taille modeste ou moyenne.

Deux catégories

Une obligation n’est rien d’autre qu’une créance qu’un investisseur détient sur une société ou un pouvoir public. L’initiative vient de l’émetteur, qui propose une monnaie, un taux et une durée. L’intérêt est payé chaque année à date fixe, tandis que le remboursement du capital se fait à l’échéance. Celle-ci peut-être plus ou moins éloignée : les plus courtes sont de deux ans, les plus longues vont jusqu’à quinze ans.

En gros, on peut ranger en deux catégories les divers types d’obligations disponibles sur le marché des particuliers.

– Les Fonds d’Etat. Ce sont les obligations émises par les pouvoirs publics ou les organismes qui en dépendent, qu’ils soient internationaux, nationaux ou régionaux. En Belgique, depuis la disparition des  » Philippe  » (prénom de l’ancien ministre des Finances), les épargnants n’ont plus guère droit qu’aux bons d’Etat, disponibles aujourd’hui avec deux échéances possibles : 5 ans (extensible à 7 ans) et 8 ans, à taux fixe dans les deux cas. En raison du  » bon rating  » des émetteurs (jugés très solides), ces obligations sont assorties des taux d’intérêt les plus bas du marché (aujourd’hui en dessous de 5 %).

– Les corporate bonds. Ce sont les obligations émises par les entreprises. Il s’agit le plus souvent d’institutions financières (banques et assurances) ou de grands groupes multinationaux (dans l’automobile, les télécoms, la distribution, etc.). Ici, les taux varient (entre 5 et 7 % actuellement) en fonction de la solvabilité de l’émetteur. Les sociétés financières, dont les bilans sont placés sous haute surveillance, offrent les rendements les moins intéressants. Ces emprunts sont qualifiés d' » euro-obligations  » lorsqu’ils sont émis simultanément dans plusieurs places financières.

Les cas particuliers

Il existe aussi des formes particulières d’obligations, qui répondent à des attentes bien spécifiques de certains investisseurs :

– les obligations convertibles : à l’échéance, le détenteur a le choix entre le remboursement du capital ou la livraison d’une action de la société émettrice (voire d’une autre société) ; en contrepartie de cet avantage, il n’a droit qu’à un intérêt réduit ;

– les  » reverse convertible «  : c’est le principe inverse. A l’échéance, en général deux ans après la souscription, c’est l’émetteur qui décide en fonction de son intérêt : ou il rembourse le capital de départ, ou bien il délivre une action ou une valeur indicielle, qui a servi de sous-jacent ( lire plus loin) ;

– les obligations à coupon zéro : ici, pas de coupons annuels, mais, à l’échéance, un capital remboursé supérieur à la mise de départ. Ce type d’obligations intéresse surtout les investisseurs qui spéculent sur les variations des taux d’intérêt et qui sont prêts à revendre avant l’échéance pour encaisser une plus-value.

Sans risque, vraiment ?

Dire qu’une obligation est un produit sans risque est tout à fait erroné. Certes, le potentiel de perte est moins élevé que dans le cas d’une action, mais il n’est pas nul. En fait, trois types de risque doivent être envisagés.

– Le risque « émetteur ». Ce qui est en cause, c’est la solvabilité de l’émetteur, c’est-à-dire sa capacité de faire face à ses obligations, qu’il s’agisse du paiement des intérêts ou du remboursement du capital. Les agences de notation (Moody’s, S&P, BBL, etc.) décernent aux émetteurs des  » ratings  » (estimations), qui sont des labels : de AAA à A pour les émetteurs de qualité excellente à bonne, de BBB à B pour les émetteurs de qualité moyenne, C et en dessous pour les émetteurs de mauvaise qualité.

Les particuliers doivent rester dans la zone  » A « . Prudence toutefois : ces notations ne valent qu’au moment de l’émission de l’emprunt et peuvent être modifiées par la suite.

– Le risque « devise ». Ceux qui, ces dernières années, ont souscrit des obligations libellées en dollar américain doivent l’essentiel de leurs gains à l’appréciation du billet vert par rapport à l’euro. Un portefeuille obligataire équilibré doit, aujourd’hui, comporter une majorité de produits libellés en euros (ou en couronnes danoise, suédoise et norvégienne), car le potentiel d’appréciation de la monnaie américaine (et des dollars canadien, australien et néo-zélandais) est très faible à l’heure actuelle. Les devises  » exotiques  » sont à proscrire.

– Le risque « cours ». La toute grande majorité des euro-obligations et des fonds publics est cotée en Bourse, que ce soit à Bruxelles, Luxembourg ou ailleurs. Leur cours varie en fonction de leur propre rendement et des taux d’intérêt sur le marché : si le premier est plus élevé que les seconds, le cours de l’obligation montera au-dessus de la valeur faciale (le « pair ») de l’obligation et vice versa.

Comment acheter ?

– La première manière d’acquérir une obligation est de l’acheter sur le marché primaire, c’est-à-dire au moment de son émission. Comment savoir qu’une obligation va être émise ? Il suffit, pour cela, de lire les rubriques financières de la presse quotidienne ou hebdomadaire. En général, la période de souscription dure de deux à quatre semaines. Vous pouvez aussi demander à votre banquier de vous tenir informé des prochaines émissions.

– Deuxième possibilité : l’achat sur le marché secondaire, c’est-à-dire en Bourse, d’une obligation déjà émise. Exactement comme vous le feriez pour acheter une action. En effet, une fois émises, les obligations sont cotées sur une ou plusieurs places financières. Les fonds publics belges (les bons d’Etat notamment) sont cotées sur Euronext Bruxelles. Les euro-obligations sont le plus souvent cotées à Luxembourg, mais vous ne devez pas vous y rendre pour vous les procurer. Ici, encore, il suffit de s’adresser à son banquier ou à sa société de Bourse.

– Troisième possibilité : vous pouvez investir dans les obligations de manière indirecte, en optant pour des sicav obligataires, c’est-à-dire des sicav investies en obligations. C’est d’ailleurs la solution recommandée si vous voulez vous décharger de la gestion de votre portefeuille d’obligations sur des professionnels. Ces derniers souscrivent pour vous, encaissent les coupons, se font rembourser le capital, revendent et achètent sur le marché secondaire… Vous avez le choix entre des fonds obligataires  » généralistes  » (un peu de tout) ou spécialisés (selon la devise, selon la qualité de l’émetteur, selon la durée des obligations, etc.). Vous pouvez également choisir entre sicav de distribution (avec un coupon annuel) et sicav de capitalisation (les intérêts sont réinvestis automatiquement, sans taxe).

Une précision importante : au contraire des obligations classiques, les sicav obligataires n’ont pas d’échéance fixe. Autrement dit, lorsque vous vendrez, vous n’êtes pas certain de récupérer exactement votre mise de départ : tout dépendra de l’évolution des cours des obligations sur les marchés internationaux.

Quel rendement ?

Le taux d’intérêt des obligations dépend de trois facteurs : la qualité de l’émetteur, la devise et la durée.

1) La qualité. Plus le  » rating  » sera élevé, plus le taux sera bas. Par exemple, entre une obligation émise par un Etat occidental – un Etat  » normal  » ne tombe jamais en faillite et honore toujours ses dettes – et une obligation émise par une entreprise fort endettée (dans le secteur des télécoms, par exemple), la différence de taux peut atteindre 2 % (deux cents points de base, dans le jargon des spécialistes).

2) La devise. Indépendamment de la nationalité de l’émetteur, plus la monnaie est forte et stable, plus bas sera le rendement. Actuellement, pour une émission en dollar ou en euro, les taux varient entre 5 et 6 %. Mais si on s’aventure du côté des devises  » exotiques « , comme le rand sud-africain ou le zloty polonais, on grimpe au-delà des 10 %. Avec, bien évidemment le risque de dévaluation à clé.

3) La durée. En règle générale, plus l’échéance est éloignée, plus élevé est le taux. Entre une obligation à trois ans et une obligation à dix ans, le  » spread  » (l’écart) peut atteindre 100 points de base.

Le taux réel

Ce qui précède concerne le taux facial, c’est-à-dire le taux inscrit sur le coupon. Mais, pour obtenir le rendement réel, il faut tenir compte d’autres éléments. A commencer par le prix d’émission. Le plus souvent, les obligations sont émises  » au-dessus du pair « . Autrement dit, pour souscrire à une obligation d’une valeur de 100 (prix du remboursement à l’échéance), on doit souvent payer 101, 101,5 ou 102. Cela pèse évidemment sur le rendement réel, et ce d’autant plus lorsque la durée de l’obligation est courte. Sur dix ans, le rendement annuel n’est amputé que d’une petite fraction de pour cent. Mais sur trois ou quatre ans, la diminution peut atteindre de 0,5 à 1 %.

Egalement à prendre en considération, les frais et les taxes. Si vous vous adressez à un autre établissement que celui qui assure le service financier de l’obligation, des commissions vous seront demandées au moment de la souscription, lors du paiement des coupons et lors du remboursement du capital. Et elles seront plus élevées si vous avez demandé la livraison matérielle des titres.

Enfin, n’oubliez pas les taxes. A savoir la taxe sur les opérations de Bourse (TOB), 0,14 % à l’achat et à la vente, la taxe sur la livraison matérielle (0,2 %) et surtout le précompte mobilier libératoire (15 %) prélevé par l’institution financière si le coupon est payé en Belgique. Ce précompte est également retenu sur les obligations belges lorsque le coupon est encaissé à l’étranger. Bref, entre le taux facial brut et le rendement réel, l’écart peut facilement atteindre 1 % ou plus.

Belgique ou Luxembourg ?

Pendant de nombreuses années, la capitale grand-ducale a été le lieu de ralliement des épargnants désireux de souscrire ou d’encaisser des coupons à l’abri des regards du fisc belge. Cet engouement est un peu passé de mode. Surtout depuis que les contribuables sont tenus de déclarer l’existence de comptes bancaires ouverts en dehors de nos frontières. Cela ne joue évidemment pas lorsqu’on demande la livraison matérielle des titres. Mais ne perdez pas de vue que si vous essayez d’échapper au précompte, vous ne pourrez éviter les frais et commissions nettement plus élevés sur les bords de la Pétrusse que chez nous.

Plus fondamentalement, est-il vraiment important de détenir physiquement des obligations ? Sans parler des tracas qu’impliquent l’encaissement des coupons, le paiement du capital ou la revente avant l’échéance, rappelons qu’il est parfaitement possible d’effectuer un don manuel d’obligation (sans droit de donation) par virement d’un compte titres à un autre compte titres, moyennant quelques formalités très simples. Et si vous exigez la discrétion la plus absolue, il est également possible d’obtenir la livraison physique en Belgique.

Au surplus, sachez que, dans le cadre de l’harmonisation fiscale européenne, le Luxembourg retiendra, à partir de 2003, un précompte de 15 % sur les intérêts des obligations émises à partir de cette année.

Marc Charlet

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