Les nouvelles gammes de l’Opéra

La restauration et la modernisation des locaux de l’Opéra royal de Wallonie se doublent d’une diversification de ses activités. Changement de cap ou initiatives destinées à toucher un plus large public ?

Après deux ans et quatre mois de travaux, l’Opéra royal de Wallonie, établi au sein du Théâtre royal de Liège depuis 1967, a subi un lifting en profondeur. Pour une enveloppe totale de 31 millions d’euros, le bâtiment a été restauré et l’équipement technique de sa salle principale modernisé. Construit en 1820, l’édifice néoclassique a retrouvé une certaine jeunesse. Et parce qu’il vise, précisément, à conquérir la jeunesse et d’autres nouveaux publics, c’est désormais bien plus qu’un magnifique écrin destiné à accueillir une cinquantaine de représentations d’opéras par an.

La cure de jouvence de celui qu’on surnomme volontiers l’ORW s’accompagne donc d’un élargissement de ses activités. Les prestigieux locaux accueillent désormais des événements privés en tout genre comme des concerts, des conférences, des dîners d’affaires et même un tournage de film – celui de Patrice Leconte à l’automne dernier. Dans cette optique,  » l’entrée principale a été transformée en espace d’accueil du public et le hall a été ouvert pour accueillir des réceptions. Quant à l’ancienne billetterie, elle a été transformée en espace VIP « , détaille Claudine Dumez, chargée de communication au sein de l’institution.

Le bâtiment a même été rehaussé de quelques étages, pour offrir plus d’espaces disponibles. Comme cela se pratiquait déjà dans les deux autres grandes maisons d’opéra du pays (la Monnaie à Bruxelles et De Vlaamse Opera à Anvers et Gand), une salle ou la totalité de l’édifice peut être louée par des entreprises ou des particuliers, le temps d’une soirée. Et la demande suit. Pour des tarifs allant de 1 000 à 10 000 euros,  » l’apport financier s’élève à plusieurs dizaines de milliers d’euros par an « . Mais l’enjeu principal est ailleurs.  » Par le biais de ces locations, nous pensons surtout que l’opéra, en tant qu’acteur culturel et économique, peut contribuer au développement, à la notoriété touristique et économique de Liège, et donc renforcer sa position sur le plan international « , poursuit Claudine Dumez.

A l’instar de ses grands frères de Paris ou Lyon, l’Opéra royal de Wallonie ouvrira d’ailleurs prochainement un restaurant dans son foyer fraîchement rénové  » afin d’attirer un public qui viendrait pour d’autres raisons que l’opéra « . Le concept proposé sera original : un menu facturé 25 euros pour une demi-heure de table.

Technologie innovante

Trop ringard pour le public moderne, l’opéra ?  » Que nenni ! rétorque Stefano Mazzonis di Pralafera, le directeur des lieux. Nos taux de remplissage ces derniers mois avoisinent les 98 % et sont comparables à ceux de grands théâtres européens. Beaucoup de Wallons, de Français mais aussi de touristes viennent à Liège pour passer une soirée à l’opéra.  » Le fruit, selon lui, d’un effort de découverte et d’originalité permanent.  » A chaque saison, nous tentons d’explorer des ouvrages peu connus du grand public. Nous choisissons évidemment des titres connus et appréciés comme la Traviata, la Bohème ou la Walkyrie, pour attirer des gens qui n’ont parfois jamais mis les pieds dans un opéra, tout en contentant les aficionados qui recherchent sans cesse la nouveauté. J’essaie aussi d’attirer de grandes vedettes qui peuvent nous apporter une visibilité internationale, car la concurrence mondiale est rude.  »

La modernisation des machines de la salle principale va par ailleurs permettre d’accueillir des opéras plus contemporains. L’institution s’est non seulement adaptée aux standards en vigueur, elle est même devenue avant-gardiste.  » La cage de scène a été rehaussée pour y placer une machinerie informatisée, gérable à distance, et le système Spiralift permet de bouger les quatre plateaux à une vitesse record, sans bruit, comme dans les établissements de Las Vegas.  » Un bon point pour les finances du théâtre qui pourra désormais louer des productions extérieures ou reprendre ses productions personnelles sans devoir les reconstruire.

Décloisonner l’opéra

En marge de la mise à disposition de ses locaux, l’Opéra royal de Wallonie se veut de plus en plus accessible aux non-initiés. Claudine Dumez :  » Nous avons un public fidèle mais nous nous intéressons aussi aux gens qui n’ont jamais mis les pieds chez nous. Les concerts, portes ouvertes et ventes de costumes sont des occasions pour ces personnes-là, au pouvoir d’achat parfois différent, de découvrir les lieux avec moins d’appréhension et, peut-être, d’y revenir par la suite.  »

Divertissement de niche très prisé par une élite cultivée et fortunée, l’opéra était pourtant, à ses débuts, un art populaire où toute la société se côtoyait. C’est à cet esprit originel que veulent revenir les responsables de l’ORW. Une politique tarifaire destinée aux jeunes a donc été mise en place et les soirées Néo, les Nuits de l’Electronique et de l’Opéra, ont transformé à deux reprises le théâtre en un immense night-club.  » Le but était d’exprimer la mixité des genres et les deux éditions ont très bien marché. Le projet sera peut-être réitéré prochainement…  » Une opération séduction qui porte ses fruits : les moins de 32 ans représentent déjà 28 % de la fréquentation actuelle de l’institution.

Et pour tenter de contrer l’abondante offre de divertissement disponible sur Internet, l’Opéra royal s’est attelé à la diversification audiovisuelle. A l’exemple de l’Opéra de Paris ou de New York, Liège retransmet aussi ses spectacles sur le Web.  » De janvier 2010 à juin 2012, nous retransmettions en simultané une des représentations de chaque série de spectacles, sur Dailymotion. Depuis septembre 2012, nous captons une représentation et la diffusons à une date ultérieure sur Arte Live Web où elle reste disponible gratuitement en VOD. Nous les diffusons également sur la Deux et la Trois RTBF.  » Les recettes de ces retransmissions serviront notamment à combler une partie du déficit de 1,5 million d’euros de ce haut-lieu culturel.

ANNABELLE DUAUT

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