Les  » monstres  » de 2008

On attribue facilement l’étiquette de  » monstre  » pour éloigner un homme ou une femme de la communauté des gens  » normaux « . Petite galerie de portraits repoussants.

A quoi mesure-t-on la  » monstruosité  » d’un fait divers ? Au nombre de victimes ou aux caractéristiques de leur calvaire ? Avec Marc Dutroux, entassant ses proies dans une cache pour s’en servir à sa guise, un sommet dans l’horreur semblait avoir été atteint. L’évasion de la jeune Natacha Kampusch, 18 ans, séquestrée pendant huit ans par un déséquilibré, Wolfgang Priklopil, a ensuite braqué tous les regards vers une Autriche blafarde.

En avril 2008, c’est à nouveau l’Autriche qui a honte, comme la Belgique en 1996. On apprend qu’à Amstetten, à une centaine de kilomètres de Vienne, Josef Fritzl a séquestré sa fille pendant vingt-quatre ans dans une enfilade de caves minuscules, sous l’immeuble où il vivait avec son épouse. A 18 ans, Elisabeth Fritzl, qui avait été violée dès l’âge de 11 ans, a été droguée par son père et enfermée dans ce bunker de 60 mètres carrés. Sept enfants sont nés de ces relations incestueuses, dont un décédera peu après sa naissance. Trois autres vivotaient auprès de leur mère, dont une jeune fille de 18 ans, dans un état pitoyable.

C’est l’hospitalisation en urgence de l’adolescente – acte de mansuétude dont se glorifia Fritzl – qui a permis de libérer les occupants de la cave. Trois autres enfants incestueux avaient été pris en charge par les pa-rents Fritzl, grâce à un subterfuge auquel les services sociaux, très critiqués, n’ont vu que du feu. Les spécialistes considèrent qu’il faudra plusieurs années pour que les enfants nés en captivité, n’ayant jamais vu la lumière ni beaucoup bougé, apprennent à vivre normalement.

L’affaire Fritzl a provoqué un séisme dans la société autrichienne, habituée à vivre dans le mythe de son harmonie sociale, refusant de regarder en face son solide fond de xénophobie. Certains observateurs rappellent que, pendant la Seconde Guerre mondiale, près d’Amstetten, se trouvait un camp de concentration pour femmes et que des hommes du village en étaient les gardiens. Josef Fritzl avait alors 10 ans. Ce drame refoulé, comme tout ce qui touche au national-socialisme, a-t-il laissé des traces dans l’inconscient collectif ? Accablée, la petite bourgade n’a trouvé qu’un moyen de se dédouaner d’avoir engendré et porté en son sein le  » mons-trueux  » Fritzl : organiser une manifestation.

Michel Fourniret, lui, n’appartenait à aucune communauté. Vivant dans les Ardennes, à cheval sur la frontière belgo-française, c’était un traqueur solitaire. Son tableau de chasse compte vraisemblablement plus de victimes que les sept jeunes filles qui, de 1987 à 2001, ont payé de leur vie sa fascination perverse pour la virginité. Dépourvu d’empathie, méticuleux et patient, il s’est vanté, auprès d’une gamine qui lui a échappé, d’être  » encore pire que Dutroux « . Lors de son procès à Charleville-Mé-zières, en mars 2008, le psychopathe n’avait pas renoncé à impressionner la galerie. Cependant, il est resté très discret sur son enfance, auprès d’une mère tyrannique et incestueuse, puis sur son passage dans les commandos de l’armée française, pendant la guerre d’Algérie.

 » Sainte  » ou  » salope  » ?

Le 8 décembre 2008 s’est ouvert le procès de Geneviève Lhermitte, à Nivelles. Une  » sainte  » comme l’avance son avocat, Me Xavier Magnée ? Ou un  » monstre  » qui, le 28 février 2007, en moins d’une heure, a égorgé ses cinq enfants  » adorés  » ? Frappée par une épidémie de grossesses non désirées suivies d’infanticides (trois en 2008, pour la seule Flandre), la Belgique ausculte, en cette fin d’année, les tréfonds de la maternité et la condition des femmes au foyer. En ligne de mire, aussi, la  » communauté atypique  » que formaient Lhermitte et Moqadem, son mari, avec le Dr Schaar, soutien financier de la famille. Cela suffit-il à expliquer un crime unique dans les annales judiciaires belges ? Toutes les crises familiales ne finissent pas en carnage…

Quant à Jean-Marie Pirotte, 53 ans, en instance de divorce, il avait tenté de tuer ses trois enfants. Repentant, il a comparu devant les assises de Liège décentralisées à Verviers et a été reconnu coupable, le 19 novembre. Il est sorti libre, après les aveux d’amour émouvants de ses gosses.

Marie-Cécile Royen

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