Les mille et une facettes de l’art ottoman

Barbara Witkowska Journaliste

Des trésors jamais vus sont présentés à la Fondation Boghossian : 300 objets qui témoignent de la diversité des influences dans l’Empire ottoman depuis le xve siècle jusqu’à l’aube du xixe siècle.

L’Empire ottoman, c’est une histoire immense étalée entre 1299 et 1922 dont l’âge d’or se situe au xvie siècle, sous le règne de Soliman le Magnifique,  » le Louis XIV de la Turquie « . C’est aussi un espace non moins immense qui s’est étendu au carrefour de trois continents, autour du  » lac  » de la Méditerranée. Il couvrait une superficie de près de trois millions de kilomètres carrés et allait du Danube à l’Euphrate et de l’Atlas au Caucase. Vingt races différentes et une quinzaine de religions y vivaient côte à côte.

A une époque où les politiques expansionnistes conduisaient les souverains à raser les villes conquises, les Ottomans font plutôt figure de  » pacifistes « . Lors de la prise de Constantinople en 1453, Mehmet II le Conquérant conserve tout l’héritage byzantin, rétablit le patriarcat orthodoxe et maintient la religion chrétienne. Bref, l’Empire ottoman ne détruit pas, il intègre. Retracer cette fabuleuse épopée de l’évolution de la culture et de l’art depuis lexvie siècle, tel est le propos de cette riche exposition qui réunit 300 objets, demeurés secrets jusqu’à aujourd’hui, et issus des collections privées à Genève, à Paris, à Aix-en-Provence et à Bruxelles.  » Les pièces que nous proposons montrent bien ce lent métissage, nourri des apports multiples, et qui débouchera sur l’art et l’art de vivre de l’Empire ottoman, souligne Christophe Dosogne, conseiller artistique de la Fondation Boghossian. L’intégration et l’assimilation des modèles venus d’ailleurs, consacrés par le temps et les traditions et, in fine, leur sublimation, sont des traits frappants de l’art ottoman et de son génie. « 

Les influences perses et byzantines sont évidentes dans la création et la production textile. Le style byzantin, mâtiné de tradition grecque, se manifeste encore dans les somptueuses pièces d’argenterie. La beauté et la délicatesse de la céramique d’apparat indiquent le savoir-faire importé de Chine. En revanche, la céramique à usage courant, produite à Kuthaya, est largement inspirée par le style des manufactures arméniennes. Sans oublier les nombreuses influences alliées au raffinement de l’islam. Les moments forts de l’exposition ? Par exemple, cette rare collection de 150 cuillères sacerdotales en argent et en écaille. Elément important d’eucharistie sous l’Empire byzantin, elles ont été transformées en objets usuels chez les Ottomans.

Epinglons aussi une très belle icône byzantine du début du xve siècle (conservée au trésor de la cathédrale de Liège), un meuble à coran du xvie siècle façonné au Caire, des miniatures et des tableaux évoquant l’art de vivre au quotidien, des pièces de céramique aux décors rarissimes, des soieries, des textiles, des bijoux et des argenteries qui puisent à différentes sources… Les Ottomans semblent nous dire que, pour bien se connaître, il faut s’ouvrir aux autres, même aux plus différents.

Exposition Couleurs d’Orient. Arts et arts de vivre dans l’Empire ottoman, du 18 novembre 2010 au 27 février 2011, tous les jours, sauf le lundi, de 10 heures à 18 h 30.

Fondation Boghossian (villa Empain), 67, avenue Franklin Roosevelt, 1050 Bruxelles.

www.fondationboghossian.com et www.villaempain.com

BARBARA WITKOWSKA

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire