Les » m’as-tu-vu » sont de sortie
La mégafusion des communes en 1977 réduit sensiblement les parts du gâteau remis en jeu à chaque scrutin. Poussé à se mettre en valeur, le candidat fait campagne sur sa petite personne. On affiche davantage sa bobine que ses idées.
Ceinture ! Au 1er janvier 1977, la Belgique passera de 2 359 à 596 communes (589 en 1983). Le rendez-vous électoral programmé en octobre 1976 doit anticiper le choc. Minirévolution dans l’air, à l’ombre de bien des clochers. Faute de combattants, les communes rurales peu peuplées s’étaient habituées à des scrutins sans affrontement, à des candidats proclamés élus sans avoir eu à lutter. 281 entités s’étaient encore épargnées une joute électorale aux communales de 1970. Désormais, la compétition se généralise. Elle ne fait plus qu’une exception au scrutin de 1976 : Herstappe, commune limbourgeoise à facilités, désormais la moins peuplée de Belgique avec 113 habitants.
Pourtant, c’est à ce moment que la campagne électorale achève de perdre ses accents belliqueux, que l’affiche délaisse pour de bon le registre de la vocifération et abandonne le terrain idéologique pour répandre un discours de plus en plus aseptisé. La réduction sensible du nombre d’entités augmente l’emprise des QG bruxellois des partis sur les stratégies communales. La politique locale se soumet davantage à des considérations nationales. Les fusions de communes dopent la formation de coalitions et la conclusion d’accords préélectoraux. Voilà les adversaires en lice obligés de se ménager car le rival du jour sera peut-être l’allié de demain. Dénigrer trop ouvertement devient une faute politique de mauvais goût.
Les bobines sont de sortie. Encore graves, déjà souriantes. Mues par un besoin pressant de se mettre en valeur : l’électeur est de plus en plus acquis au vote individualisé. Alors que la télé, en pleine ascension, fait les yeux doux aux ténors, notait le spécialiste en communication politique Gabriel Thoveron (ULB) (1), l’affiche devient la valeur refuge » de tous ceux, candidats de moyenne ou de petite importance, qui ne sont que peu ou prou invités dans les journaux imprimés, parlés, télévisés. Un moyen de montrer leurs visages et de nous devenir familiers. » C’est Elle ou Lui le produit, » les autres éléments représentés participent d’une mise en scène : la famille, l’équipe électorale, le chien, la commune, ce qui est censé le/la distinguer des concurrents et justifier qu’on le/la choisisse. » Le candidat FDF entouré de sa garde rapprochée s’affiche encore sans complexe, la clope entre les doigts. Jacques se vend en lauréat de l’émission culte de la RTB Visa pour le monde, comme le ferait aujourd’hui un finaliste de The Voice lancé en campagne.
(1) Un siècle d’affiches politiques en Belgique francophone, par Xavier Mabille, François Heinderyckx et Gabriel Thoveron, éd. du Céfal, 2003, 83 p.
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