Les journalistes entre deux feux

Couvrir le Proche-Orient, c’est s’exposer à la contestation permanente. Tant les pro-israéliens que les propalestiniens accusent les médias de partialité.

Informer sur le conflit israélo-palestinien : un dur métier. Que l’on donne raison aux uns ou aux autres, que l’on tente d’adopter une impossible  » équidistance  » entre les deux camps, les reproches fusent de toute façon. Pour Ziyad Abualrob, journaliste palestinien qui prépare une thèse de doctorat à l’UCL sur la couverture médiatique du conflit israélo-arabe,  » l’image des Palestiniens reste négative dans la presse européenne, car c’est toujours le vainqueur qui écrit l’histoire, Israël en l’occurrence « . En réalité, les médias occidentaux sont loin d’être univoques. Ils approuvent parfois les positions palestiniennes. La riposte de lecteurs pro-israéliens est alors vive : protestations, lettres indignées, désabonnements… » Les journaux demeurent prudents : ils peuvent rapidement être taxés d’antisémitisme. Ce chantage fonctionne très bien « , avance Abualrob.

Bref, les médias sont pris entre deux feux. Comment y voir clair ?  » Les exemples de désinformation sont nombreux, et les exceptions, très rares « , affirme Michel Collon, analyste des médias et proche de l’extrême gauche. Si ses positions antiaméricaines peuvent irriter, Collon a débusqué plusieurs  » média-mensonges  » avérés sur les guerres d’Irak, de l’ex-Yougoslavie et du Proche-Orient.  » Il faudrait un Hoaxbuster politique « , plaide-t-il, en faisant référence au site quidécrypte les rumeurs quicirculent sur le Web.

Les suspicions n’épargnent pas les correspondants de la presse francophone à Jérusalem. Ainsi, très peu d’entre eux sont d’origine arabe.  » Beaucoup de journalistes juifs écrivent des analyses bien plus justes sur la Palestine que des non-juifs « , tranche Bichara Khader, professeur de géopolitique à l’UCL, d’origine palestinienne. Pour preuve, Charles Enderlin (France 2) a été la cible d’extrémistes juifs. Son épouse, Danièle Kriegel (RTBF),s’insurge :  » Répertorier les journalistes juifs ou arabes ? Rien de plus dangereux ! Les individus ne réagissent pas seulement en fonction de leurs racines. Le véritable enjeu, c’est de bien faire son métier.  »  » Journaliste juif ou arabe, ce n’est pas une grille de lecture pertinente « , poursuit Abualrob. Tout en nuançant :  » Les reporters ne sont pas des extraterrestres. Ils sont influencés par leur sensibilité, leur histoire.  » La Flandre ne reproche-t-elle pas aux journalistes français travaillant à Bruxelles d’être trop influencés par les thèses francophones ?  » Cela dit, les Palestiniens ne s’opposent pas aux juifs, mais à un système colonial qui les opprime depuis des décennies. Je ne cesse de le répéter aux jeunes d’ici qui crient des slogans inadmissibles comme  » Mort aux juifs  » « , conclut le chercheur.

F.J.O.

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