Les incorruptibles

Guy Gilsoul Journaliste

Entre les collages d’André Stas, les Vanités de Pierre Lahaut et les Encres d’Antoine Mortier, un point commun: l’irréductibilité de leurs créateurs

Antoine Mortier

Par trois fois, Antoine Mortier fut approché par le célèbre marchand Kahnweiler qui lui demandait de rejoindre son « écurie », à Paris. C’était mal connaître le peintre qui, sous l’apparence chétive mais sévère d’un instituteur de village, défendait avec hargne sa liberté de vivre et de vendre à ses seules conditions. Même le groupe de la Jeune Peinture qui, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, permit à tant d’autres de se faire connaître, ne put l’inscrire dans ses rangs que quelques mois. Isolé volontaire, ignoré par la critique, il fut pourtant, dès la fin des années 40, un pionnier de l’expressionnisme abstrait et, sans aucun doute, un géant, qu’aujourd’hui chacun reconnaît à l’égal d’un Franz Kline aux Etats-Unis ou d’un Pierre Soulages en France. Les Encres réunies à la galerie Pierre Hallet ont été réalisées au milieu des années 50. Par le caractère des tracés et cette façon d’encadrer et de presser la lumière des fonds, elles sont héritières de l’art de Permeke. Ces cernes et jets de l’encre, ces mouvements et enfermements magnifient bien, sans jamais le nommer, la quitessence d’un visage ami, d’une attitude, d’un paysage.

Bruxelles, galerie Pierre Hallet, 33, rue Ernest Allard (Sablon). Jusqu’au 12 décembre. Tous les jours, sauf le lundi et le vendredi, de 14 h 30 à 18 h 30. Dimanche, de 11 h 30 à 13 h 30. Tél.: 02-512 25 23.

Pierre Lahaut

Au départ, la peinture paraît simple. Ce sont des cônes, des cubes, des clepsydres, des coupes et des fruits noirs posés sur un support de bois, devant un fond plus noir encore. Puis, tout se complique. La géométrie hésite, la forme se délite, l’ordonnance hoquètte. Pierre Lahaut n’appartient pas à l’expressionnisme mais à cette génération qui, dès les années 70, et par le biais d’un retour austère à la discipline du dessin, chercha une sorte de virginité perdue. Il nous entraîne, cette fois davantage encore, en un lieu mental dont il goûte l’inachèvement, la maladresse, la résonance lointaine d’un ancien cataclysme. Le brun, souvent dominant, ne séduit pas, n’évoque pas une matière, le bois ou la terre par exemple. Lahaut ne cherche pas non plus à stimuler l’une ou l’autre lueur métaphysique. Il ne vise pas davantage à rejoindre une poétique dont Giorgio Morandi serait le modèle. Mais, peut-être, une sorte d’indifférence poétique, une sagesse en amont de la vie.

Bruxelles, galerie Orion, 19, rue aux Laines (Sablon). Jusqu’au 22 décembre. Du mardi au samedi, de 14 heures à 18 h 30. Tél.: 02-512 63 55.

André Stas

Le collage façon André Stas relève du travail de la dentellière: précis, chirurgical, obsessionnel. Mais, aussi, tellement drôle et irrévérencieux. Exemple, cette feuille de timbres-poste à l’effigie d’Albert II, dont chaque image est métamorphosée par l’ajout provocateur d’un béret alpin, d’un masque à gaz, d’un turban arabe, d’une toque en fourrure ou de tout autre galurin. Avec beaucoup de gourmandise, Stas attaque ainsi à la colle et au cutter les héros du sport et ceux de la politique ou de la culture. Mais il construit, de même, ses tours de Babel, ses visions, ses récits jouisseurs. Des collages-fourmilières à contempler, le soir, à l’abri de regards trop pudiques…

Bruxelles, galerie La Papeterie, 2, rue Cluysenaar (Saint-Gilles). Jusqu’au 23 décembre. Du mercredi au dimanche, de 14 h 30 à 19 heures. Tél.: 02-534 03 43.

Guy Gilsoul

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