Les gadgets aux oubliettes

Les défenseurs d’achats « durables » se jetent dans une nouvelle bataille. Utile et provocatrice, en période de fête et de cadeaux

Des tourne-sucettes électriques. Des baskets clignotantes. Des porte-clés siffleurs. Des bougies musicales. Des tasses qui poussent la chanson, etc.: à l’Observatoire bruxellois de la consommation durable (OBCD), on commence à en avoir ras le bol de ce genre de gadgets. En cause: leur gloutonnerie extrême. Car la plupart de ces objets puisent leur énergie de piles cachées, non identifiables par le consommateur et qui se retrouvent souvent dans la nature.

Les piles? Eh oui! On croyait ce problème résolu de longue date. Grâce à la loi sur les écotaxes (1993), la Belgique est devenue une championne européenne en matière de collecte et de recyclage. Chaque année, les Belges utilisent… 100 millions de piles! Environ 20 000 points de collecte gratuite, installés par « Bebat », parsèment aujourd’hui le territoire national. Vraiment gratuite? Non. La collecte et le recyclage coûtent au consommateur, en moyenne, 5 francs par pile. En fait, Bebat permet à une majorité de producteurs de piles d’échapper à l’écotaxe de 20 francs.

En apparence, chacun s’y retrouve donc. Mais voilà, le système a ses limites. D’abord, si 65 % des piles mises sur le marché belge sont effectivement reprises et recyclées, le reste passe entre les mailles du filet. Et cela, par la négligence du consommateur ou parce qu’il est mal informé: la plupart des gadgets ne mentionnent pas la présence de la pile. Même si l’utilisateur peut raisonnablement deviner son existence, encore doit-il réussir à l’ôter sans s’arracher les ongles. Face à une montre ou une machine à calculer obstinément hermétique, tout le monde ne peut pas s’improviser roi du bricolage! Ensuite, les messages d’écoconsommation manquent parfois de finesse: « Le remplacement des piles jetables par des piles rechargeables est probablement l’un des plus mauvais conseils qu’on a donné aux consommateurs » a-t-on entendu dire, d’une façon un peu excessive, lors d’une récente table ronde organisée par l’Observatoire. Explication: tous les appareils électriques ne s’accommodent pas nécessairement des piles rechargeables. Une tentative avortée, et voilà les consommateurs démotivés.

Réunis pour l’occasion, des écoconseillers, des marchands de jouets et une partie de la grande distribution ont pris le taureau par les cornes. L’air de rien, le problème est vaste: ces gadgets sont aussi, le plus souvent, fabriqués dans des pays où l’on n’est pas trop regardant sur les droits sociaux, notamment sur le travail des enfants. L’autre difficulté, c’est le nomadisme croissant de nos sociétés modernes, qui multiplie le nombre d’appareils électriques mobiles: rasoirs, jeux, ordinateurs portables, etc.

Comment réagir? Primo, renforcer la qualité de l’étiquetage des appareils et des jouets. Secundo: interdire un maximum de gadgets qui contiennent une pile intégrée ou cachée. Tertio: continuer à encourager les piles rechargeables, mais uniquement sur le conseil du fabricant et en dernier ressort, après d’autres alternatives telles que l’énergie solaire, mécanique ou… l’électricité du « secteur » (nettement moins chère). Certains n’hésitent pas à prôner le retour aux montres et aux horloges à remontoir, puisque certains dangereux métaux lourds restent tolérés dans les piles.

La quatrième piste est évidemment de longue haleine. « Il faut combattre, même avec de faibles moyens, le rouleau compresseur de la publicité, explique Jean-Pierre Hannequart, directeur de l’Institut bruxellois pour la gestion de l’environnement (IBGE). Lutter contre la société du gaspillage et de l’éphémère. Matraquer un autre mode de consommation. » De fait, sont-ils vraiment indispensables, ces pèse-personnes, ces ouvre-boîtes ou ces réveils à piles? La pile, bien utilisée, regagnerait alors ses lettres de noblesse. Et « le plaisir redeviendrait compatible avec le développement durable ». Chiche!

Philippe Lamotte

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