Les francs succès

Malgré la crise qui fait des ravages, quelques (rares) sites s’en sortent bien. Etude de cas

Pour ses premières vacances depuis quatre ans, Jacques Boucher est parti l’esprit tranquille. Publibook, la start-up qu’il a fondée avec quatre copains en août 1999, vient tout juste de devenir bénéficiaire. Imprimant uniquement les livres déjà commandés en ligne, cette maison d’édition virtuelle fonctionne sans stock. Et l’année prochaine, en multipliant ses ventes par cinq, la firme devrait dégager des profits de 12 millions de francs. Publibook est un des premiers sites francophones à gagner de l’argent. Du sonnant et du trébuchant.

Des bénéfices, enfin! Depuis le début de l’année, près de 250 sociétés Internet ont fermé leurs portes aux Etats-Unis, et beaucoup sont au bord de la faillite. Les sites profitables, eux, ne seraient encore aujourd’hui que 600 dans le monde, selon le Wall Street Journal. Même après trois ans d’existence, moins d’un site grand public sur trois est à l’équilibre, selon le cabinet ActivMedia Research. Qui sont ces oiseaux rares?

Il n’y a pas d’activité « miracle » pour dégager des bénéfices. On trouve les veinards du Net un peu partout, de l’édition à la Bourse, en passant par les voyages et, bien sûr, le porno… Ils ont pourtant un point commun: ce ne sont pas des stars d’Internet. Aucun n’a dépensé plusieurs centaines de millions de francs en publicité, comme l’ont fait, par exemple, les fondateurs du site de vêtements haut de gamme Boo.com, qui ont évité la faillite de justesse. La plupart, aussi, sont restés indépendants. Petit tour d’horizon, exemples à l’appui, des recettes du succès de ces quelques – rares – sites grand public qui tiennent la route.

Publibook.com

Envie de donner une seconde jeunesse à l’album de photos de votre arrière-grand-père, témoin des tranchées? Ou encore de rendre publiques les meilleures recettes de tante Gertrude? Publibook publie tout. Depuis six mois, l’éditeur en ligne a publié plus de 800 Mémoires, romans et autres journaux intimes. Et… il gagne de l’argent, en prévendant ses exemplaires avant de les éditer. Grâce à un accord spécial avec l’imprimeur, qui accepte de fabriquer des livres aussi bien à 15 exemplaires qu’à plus de 10 000. Résultat: aucun stock, et des comptes toujours positifs.

Chapitre.com

« Tous les livres français, même les introuvables », prévient la page d’accueil. Surtout les introuvables. L’édition originale du plan de Turgot de 1735 (achetée par un internaute 330 000 francs). La thèse de doctorat de médecine de Céline (234 000 francs)… Cette librairie sur Internet gagne enfin de l’argent. « En vendant des livres anciens, nous dégageons des marges deux fois plus importantes que si nous nous limitions aux livres traditionnels », explique Juan de Corbion, ancien d’Actes Sud et fondateur de Chapitre.com. Son site, qui a réalisé 240 millions de francs (5,95 millions d’euros) de ventes cette année, devrait dégager 12 millions de francs (300 000 euros) de bénéfices l’an prochain, pour 360 millions de francs (8,92 millions d’euros) de chiffre d’affaires.

Dorcel.com

Au départ simple vitrine, Dorcel.com pourrait bien devenir le fer de lance du plus gros vendeur de vidéo porno en France. Aujourd’hui, en échange de 480 francs (11,9 euros) tous les deux mois, un internaute peut contempler à souhait les poses suggestives de Laure Sainclair ou de Julia Channel. C’est l’attrait de Dorcel.com: le site ne se contente pas de reproduire les milliers de photos qui circulent sur le Web, mais diffuse les images – exclusives – des acteurs déjà employés par la maison. Une recette qui marche: plus de 3 millions (74 370 euros) de profit pour 20 000 abonnés. A la fin de l’année, Dorcel.com va diffuser des films entiers sur Internet, à ses abonnés haut débit. En facturant de 180 francs (4,5 euros) à 480 francs (11,9 euros) la fiction, l’entreprise, couverte de hots d’or au Festival 2001 du film X à Cannes, compte multiplier ses bénéfices par quatre.

Kiwee.com

Ici, on ne paie pas en francs, ni en euros, mais en… vitamines. Le dernier disque de Garou, par exemple, en vente sur le site, vous coûtera 5 000 vitamines. Soit 480 francs (11,9 euros). Pour faire le plein de cette monnaie virtuelle, pas besoin de donner son numéro de carte sur le Réseau; l’envoi d’un chèque, par la poste, à l’adresse physique de Kiwee suffit. Et c’est là toute l’astuce de ce site qui a séduit 2 millions d’internautes – on y télécharge des sonneries de portables ou des jeux pour PlayStation… – il rassure. Après avoir levé 420 millions de francs (10,4 millions d’euros) en 2000, Kiwee.com vient d’ouvrir des antennes à Londres, Madrid et Milan.

Guillaume Grallet

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