Les enfants de l’Apocalypse

Plus de vingt-cinq ans après la fin de la guerre, l' »Agent Orange » fait encore des victimes au Vietnam. Des milliers d’enfants y souffrent de graves handicaps, physiques et mentaux. Témoignage photographique

Washington, le 30 novembre 1961. Il y a quarante ans, jour pour jour, le président des Etats-Unis, John Fitzgerald Kennedy, donne son feu vert à l’opération « Ranch Hand » (« ouvrier agricole »). En fait d’ouvrier, ce sont des millions de litres d’herbicides extrêmement puissants qui sont répandus sur le Sud-Vietnam par l’aviation américaine. L’objectif? Détruire les récoltes et affamer ainsi la population civile comme les maquisards du Vietcong. Et anéantir des centaines de milliers d’hectares de forêts pour mettre à découvert les combattants communistes embusqués dans les profondeurs vertes. L’opération durera dix ans. Dix années pendant lesquelles, à côté de la guerre classique, pleine de tourments et de fureur, en sévit une autre, plus cruelle encore, bien que silencieuse: une guerre chimique expérimentale, sans précédent.

Jusqu’en 1971 – alors qu’en 1964, déjà, la Fédération des scientifiques américains avait condamné l’opération, la considérant comme une « expérience chimique injustifiée » – quelque 70 millions de litres de défoliants ont ainsi été déversés sur le sol sud-vietnamien. Parmi ces terribles produits, le fameux « Agent Orange » – il doit son nom à la couleur des fûts dans lesquels il était stocké – contenant une forme particulièrement virulente de dioxine, à l’origine d’une multitude de pathologies: troubles nerveux et respiratoires, cancers, maladies de la peau, diabètes, etc. Pis: l' »Agent Orange » perturbe également les fonctions hormonales de l’organisme, altère gravement certains gènes et entraîne des effets dévastateurs sur le développement du foetus et du cerveau, et sur le système immunitaire.

Certes, sur le terrain, la nature a repris ses droits et s’est en grande partie reconstituée. Mais les produits chimiques se sont infiltrés dans le sol et les nappes phréatiques, accumulés dans les sédiments des lits des rivières: la chaîne alimentaire est donc durablement contaminée. C’est en particulier le cas des poissons, l’une des principales sources en protéines de ce pays pauvre et peuplé de près de 80 millions d’habitants. Résultat? Bien après la fin de la guerre (1975), des dizaines de milliers d’enfants sont nés – et naissent encore – avec de graves handicaps physiques et mentaux.

Plus d’un quart de siècle après la fin de la guerre, le Vietnam continue de découvrir ces « enfants de l’Apocalypse ». Le photographe belge Olivier Papegnies a arpenté le Vietnam, et particulièrement la province de Tay Ninh, intensivement bombardée durant la guerre. Il s’est également rendu dans des hôpitaux, à Hô Chi Minh-Ville, anciennement Saïgon. Les images qu’il en a rapportées lui ont valu d’être désigné lauréat du prix spécial du jury au Festival international du scoop et du journalisme, décerné à Angers le 24 novembre dernier. Ses photos témoignent, surtout, de la profonde horreur d’une guerre qui n’en finit pas…

Isabelle Philippon

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