Les encyclopédies usées par le Web

Quand il suffit de saisir un mot clef pour que s’affichent 20 pages de sites sur le sujet, à quoi bon s’acheter des livres ou des cédéroms?

Bataille… Napoléon… Belgique… Margot hésite. Finalement, elle tente le tout pour le tout et tape « Waterloo » sur son moteur de recherche, juste pour voir. Moins d’une seconde plus tard, plus de 20 pages de sites Internet s’affichent sur l’écran de son ordinateur, dont celui d’un passionné, exclusivement consacré à l’objet de ses recherches. Sa mère peut ranger ses encyclopédies: le temps d’imprimer le document et de télécharger deux ou trois photos, la jeune collégienne vient de boucler en dix minutes son prochain exposé d’histoire-géo.

Pour les éditeurs d’encyclopédies, la leçon est sévère. Les 12-24 ans ne cachent plus leur préférence pour Internet quand il s’agit d’enrichir leur culture générale. Délaissant les 28 volumes de l’Universalis, ils sont aujourd’hui de plus en plus nombreux à puiser directement sur la Toile la source de leurs inspirations scolaires. Quitte à bachoter davantage. Les efforts d’adaptation des maisons d’édition ont beau être réels, rien n’y fait. Face à la puissance d’un Yahoo! ou d’un Google, leurs volumineuses encyclopédies, même gravées sur cédérom, ne font pas le poids. « Dans les années 80, nous vendions plus de 30 000 collections complètes par an; l’année dernière, nous en avons écoulé à peine 2 200 », souligne Denis Fasse, directeur commercial d’Encyclopaedia universalis. Et les versions encyclopédiques interactives ne se portent pas mieux. Après avoir investi plusieurs dizaines de millions de francs sur ce créneau, Hachette, Universalis, Atlas, Havas, et même Microsoft, assistent, impuissants, à la chute généralisée de leurs ventes. « En un an, nous avons augmenté de plus de 5 % nos volumes de ventes, mais nos revenus ont baissé de 10 % », reconnaît Delphine Lehmann, chef de produit Encarta chez Microsoft. « Le segment culturel sur cédérom perd chaque année du terrain, au profit des jeux et des films en DVD », confirme Steve Crasnianski, chargé d’études sectorielles chez GFK.

« Je suis convaincu de la suprématie d’Internet sur le multimédia! » lance Jérôme Braud, directeur de la première encyclopédie française gratuite sur Internet, Webencyclo (filiale des éditions Atlas). Pionnier en France sur ce nouveau marché, il se veut le fer de lance d’une nouvelle génération d’éditeurs en ligne. Convaincu, il défend un modèle d’accès gratuit à l’ensemble des fonds encyclopédiques, et la rémunération des sites culturels par la publicité.

Ses concurrents restent pourtant sceptiques. Lancé en décembre 1999, Webencyclo ( www.webencyclo.com) compte certes plus de 200 000 visites par mois. Mais comparée aux scores des fournisseurs d’accès – 1 million de visites mensuelles pour Wanadoo – la performance est toute relative. Prudent, le groupe Hachette a choisi de lancer une encyclopédie gratuite en ligne, mais en partenariat avec Wanadoo et Club-Internet. Histoire de limiter la casse.

Car rien ne dit que l’encyclopédie sera plus rentable en ligne qu’ailleurs. Minés par le déclin de leurs collections papier et le faible succès de leurs produits multimédias, les éditeurs hésitent à livrer en pâture leur fonds de commerce à la masse des internautes. A l’exemple d’Hachette, Larousse, Microsoft et Universalis défendent le « prix de la qualité », et un accès payant aux fonds encyclopédiques. « On est passé d’une version papier en 15 volumes vendue au minimum 48 000 francs à une version cédérom à moins de 3 500 francs, souligne Yves Garnier, directeur des encyclopédies générales chez Larousse-Kléio. Aujourd’hui, Internet nous permet encore de baisser les prix – 950 francs par an pour Kléio.fr – mais nous oblige aussi à des investissements massifs, notamment pour la mise à jour quasi permanente des contenus. » Reste à savoir si la demande suivra.

Julie Joly

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