Les dindons de la farce

Christine Laurent
Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

QUI DONC S’Y RETROUVE DANS TOUT CE FATRAS ? Dans cette course à l’échalote balisée par de bien petits calculs politiciens ? A sept mois des communales, les esprits s’échauffent dans les états-majors des partis. On s’agite, le grand stratego a commencé. Les experts en tout genre tentent de sortir les meilleures martingales de leurs sacs à malices. Le tout au nez et à la barbe du citoyen. Prenons, au hasard, le MR. En quelques semaines à peine, voilà l’une de ses  » stars « , Didier Reynders, propulsée à Uccle. Promis, juré, il mouillera sa chemise, il siégera bien au conseil communal. Entre-temps, il a  » dégagé  » à Liège, sa personnalité à l’emporte-pièce bloquant, dit-on, un accord probable MR-PS dans la Cité ardente. De fait, l’ex-ministre des Finances et actuel ministre des Affaires étrangères, ne fera pas tache dans cette commune haut de gamme, il a le profil de l’emploi. L’endroit idéal pour se poser avant de se lancer dans la bataille des législatives de 2014, son objectif n° 1. Un transfert précieux pour le parti libéral quand on sait les dégâts que le divorce avec le FDF a entraînés pour lui dans la capitale. La contre-attaque se veut de choc.

Ce dossier rondement mené, voilà les spots qui se déplacent sur une autre commune bruxelloise, nettement moins favorisée, Schaerbeek. Là, c’est carrément la castagne. Une partie du MR a fait sécession pour soutenir l’actuel bourgmestre, le FDF Bernard Clerfayt, l’autre est entrée en résistance et l’on parle avec insistance d’un nouveau coup d’éclat avec l’arrivée d’un candidat inattendu, le député européen Louis Michel en personne, qui abandonnerait subitement Jodoigne,  » son fief, ses racines « , pour la capitale. A peine croyable ! Mais que viendrait-il donc faire dans cette galère ? Mettre de l’ordre au sein de son parti ? Pousser Clerfayt (qui n’a pas démérité, semble-t-il) dehors ? Pour mieux se rapprocher de la socialiste Laurette Onkelinx, une parachutée elle aussi dans la Cité des ânes en 2001 ? On murmure même qu’une alliance MR-PS serait déjà scellée. Une de plus qui viendrait conforter celles déjà passées, prétend-on, dans plusieurs autres villes, tant en Wallonie qu’à Bruxelles.

L’histoire est d’autant plus piquante que, dans l’opposition au niveau régional au Sud (mais au pouvoir au fédéral), le MR multiplie les scuds contre le parti socialiste.  » Après le printemps arabe, je rêve d’un printemps wallon « , nous a confié, cette semaine, Didier Reynders en fustigeant, au passage l’Etat PS. Des amabilités systématiquement retoquées par les socialistes, jamais en retard d’une provocation à l’égard des libéraux. Ambiance. Autant de faux durs et de faux mous autour d’une vraie stratégie de l’ambiguïté. Mais les propos, ressassés en boucle et aussitôt démentis par les faits, lassent. L’électeur a ainsi la désagréable impression de revoir un vieux film avec, au c£ur de l’intrigue, les mêmes combines. Pourquoi aller voter quand les jeux sont faits, les dés jetés ? Et que seule compte la lutte pour le pouvoir au détriment des idées, des projets ou des programmes ?

Antidémocratiques, ces  » belles  » man£uvres pratiquées avec maestria par tous les partis sans exception ? Bien sûr, surtout si elles ne sont pas clairement affichées avant le vote, ce qui est presque toujours le cas. L’électeur en a assez d’être le dindon de cette triste farce. Marre de signer des chèques en blanc. S’il n’est pas entendu, c’est dans l’urne qu’il pourrait bien se révolter, enfin.

CHRISTINE LAURENT

Pourquoi aller voter quand les jeux sont faits, les dés sont jetés ?

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