Les diaboliques

de ghislain cotton

On doit à l’Américaine Judith Jance, une Mil-gahn (Blanche) longtemps enseignante dans une réserve indienne d’Arizona, ce polar noir et musclé qui, façon Columbo, dévoile d’entrée de jeu l’identité des coupables : un duo horrifiant de criminels en série qui n’est pas sans rappeler certaines affaires plus proches de nous.

Le médecin Larry et sa femme Gayle sont blancs et ils forment un couple honorablement connu et admiré pour avoir fondé à Tucson une entreprise à but philanthropique. Lui, quand il pratiquait dans la réserve des Indiens Tohono O’odham, a violé et mis enceinte une jeune fille. Pour étouffer un inévitable scandale, Gayle l’enlève, la tue, la dépèce et l’abandonne dans une glacière en plein désert. Ce ne sera que le début d’une série de crimes commis pendant trente ans sur des orphelines hispaniques extraites d’un asile et livrées dans une cave aux tortures innommables et aux fantasmes sexuels de Larry. A chaque fois, Gayle, plus experte encore en perversité, passe à la  » punition  » de son mari en massacrant sa proie comme on casse le jouet d’un enfant trop peu docile. Avant de rééditer ce jeu de plomb avec la suivante. Du reste, sa dépravation trouvera d’autres exutoires tout aussi terrifiants. Trente ans après le premier crime, l’enquête alors bâclée – il ne s’agissait après tout que d’une Indienne… – est rouverte officieusement par un ancien shérif, à la demande de la vieille mère de la victime.

Tout le récit reconstitue avec force détails et péripéties l’approche de la vérité et d’un dénouement digne d’un thriller de feuilleton télé. Mais, au delà de cette mécanique bien huilée de l’horreur, l’intérêt du roman réside dans son environnement sociologique. Et dans l’empathie de l’auteur avec la culture indienne qu’elle connaît  » par c£ur  » pour l’avoir pratiquée de près. Sans cacher son amertume face à l’indifférence ou au mépris de ses congénères blancs pour cet héritage ancestral dont elle fait valoir les richesses et les subtilités, non par allusion, mais dans le tissu même du récit. Avec des affleurements de son langage propre et des plongées poétiques dans l’univers de ses légendes fondatrices. En liant aussi au déroulement de l’intrigue – étroitement mais sans artifices – le rôle à la fois émouvant et troublant d’un chamanisme qui survit dans le contexte pragmatique pur et dur du way of life des conquérants blancs.

Le Jour des mortes, par Judith A. Jance. Traduit de l’américain par Véronique Dumont. Télémaque, 415 p.

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