Avec Lucette, au Danemark, à la fin des années 1940. © sdp

Les deux danseuses de Céline

Indirectement, elle est celle par qui le scandale est arrivé. En autorisant la réédition des pamphlets antisémites de son époux, Louis-Ferdinand Céline, Lucette Destouches, 105 ans, n’imaginait sans doute pas déclencher une telle tempête médiatique. Il sera dit qu’être l’épouse puis la veuve de l’auteur de Mort à crédit n’est pas une sinécure. Mais quel destin de femme ! Le célinien David Alliot a eu l’excellente idée d’écrire sa biographie. Née en 1912, Lucette Almansor est avant tout une danseuse, une  » race  » de femme que Céline a toujours admirée, voyant en elles des fées des temps modernes. C’est d’ailleurs à un cours de danse qu’ils se rencontrent, en 1936. Dès lors, Lucette suivra fidèlement cet époux, des pentes de Montmartre aux ruines de Berlin, sans oublier l’exil au Danemark et les dernières années à Meudon, où l’écrivain s’éteint, en 1961. Cela vaudra à Lucette Destouches d’être, sous l’affectueux surnom de  » Lili « , l’une des héroïnes de la saisissante  » trilogie allemande « . Mais c’est surtout le récit détaillé de son joyeux veuvage de cinquante-sept (!) ans qui fait tout le sel de cette biographie. David Alliot a rencontré la centenaire, exhumé sa correspondance inédite avec son père, confessé nombre d’habitués de la maison de Meudon. Et rend un bel hommage à  » Mme Céline « .

Avec Elizabeth Craig,   dans les Alpes, en 1931.
Avec Elizabeth Craig, dans les Alpes, en 1931.© collection gibault/fonds L.-F. CÉLINE/ARCHIVES IMEC

Mais attention, une danseuse peut en cacher une autre ! Hasard du calendrier éditorial, une biographie romancée de l’autre grand amour de Céline, Elizabeth Craig, paraît également ces jours-ci. Nul mieux que Jean Monnier pouvait s’acquitter de cette tâche. Pendant des décennies, Elizabeth Craig n’est qu’un nom mystérieux, celui d’une Américaine à laquelle le romancier avait dédié Voyage au bout de la nuit. Et puis, en 1988, Monnier et un autre universitaire retrouvaient miraculeusement la trace de cette vieille dame en Californie et l’interrogeaient longuement sur ses huit années passées avec l’écrivain avant guerre. Cette gracieuse danseuse y raconte donc sa période délurée avec Céline, éternel voyeur toujours prêt à favoriser des  » combinaisons sexuelles  » à trois. Surtout, le passionnant ouvrage de Jean Monnier revient en détail sur les conditions dramatiques de la séparation des deux amants, en 1934. La danseuse avait un nouvel homme dans sa vie, un Américain du nom de Ben Tankel.  » Un gangster de la mafia !  » avait éructé Céline. On mit cela sur le compte du dépit amoureux. Or, l’ouvrage de Jean Monnier semble bien donner raison au romancier sur ce point. Céline est également convaincu que ce Ben Tankel est juif. Trois ans après avoir perdu sa belle danseuse américaine, il publie Bagatelles pour un massacre, son premier pamphlet antisémite.

Madame Céline, par David Alliot, Tallandier, 432 p.

Elizabeth Craig, une vie célinienne, par Jean Monnier, Robert Laffont, 264 p.

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