Les deux anomalies

Christian Makarian

Derrière le tohu-bohu surgit une des dernières passions françaises. La décision de réintégrer pleinement le commandement militaire intégré de l’Otan, annoncée par Nicolas Sarkozy, n’a pas fini de faire couler de l’encre. Tous les arguments s’affrontent dans un précipité de mythes, de peurs et de restes de grandeur. La rationalité est la principale victime de cette nouvelle querelle des Anciens et des Modernes.

La problématique n’est pas tant militaire. De nombreux experts ont souligné, à juste titre, que la France, quatrième contributeur de l’Alliance en termes de forces engagées sur le terrain, est d’ores et déjà un pilier indispensable de l’Otan. Or sa situation actuelle apparaît franchement comme une  » anomalie  » : avec 2 800 hommes en Afghanistan et 1 800 au Kosovo, elle fournit à peine 1 % des quartiers généraux de l’Otan. Un inconvénient majeur qui restreint l’influence française sur les grandes orientations stratégiques de l’Alliance ; alors que l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Italie fournissent ensemble plus de 4 000 officiers aux quartiers généraux – soit près de deux fois plus que les Américains. D’un point de vue strictement fonctionnel, dont on parle peu, il est difficile de reprocher à Nicolas Sarkozy de vouloir clarifier le positionnement français.

C’est sur le terrain idéologique que le débat fait rage. Même si le président a tenu à rappeler que la force de dissuasion nucléaire restera hors de tout contrôle atlantique, il est et sera attaqué sur le thème du recul de l’indépendance nationale. Le non-alignement français, c’est l’autre  » anomalie « , celle-là positive, voulue par de Gaulle et qui faisait jusqu’ici consensus. Pour compenser sa disparition, Sarkozy doit maintenant obtenir de sérieux gages. Or son argumentation  » de secours « , mettant en avant une plus forte européanisation de l’Alliance grâce au retour de la France, est fragile : on sait que les Européens voient leur défense commune uniquement comme une coopération entre Etats placée sous l’autorité (et l’effort budgétaire) des Américains. En réalité, la ligne Sarkozy repose sur l’espoir d’un changement profond dans les relations franco-américaines, d’un rapprochement inédit, sorte de tournant historique qu’on souhaite idéalement voir coïncider avec le phénomène Obama. Ce désir d’un partnership optimisé est, quoi qu’on en dise, un point de pure idéologie. ntoutes les chroniques de christian makarian sur WWW.LEVIF.BE

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