Les défis de 2002

La Coupe du monde de football et les Jeux olympiques d’hiver comme événements majeurs. Les performances de Kim Clijsters, Justine Henin et Frank Vandenbroucke comme principales curiosités

La phase finale de la Coupe du monde 2002 de football, qui se déroulera, en juin prochain, à la fois au Japon et en Corée du Sud, sera, sauf événement inattendu, le rendez-vous sportif majeur de l’année. Ce Mondial s’annonce en effet remarquable à plus d’un titre. Grâce à la première participation de la Chine, la compétition concernera une population d’une ampleur inégalée à ce jour. Car d’autres parmi les nations les plus peuplées de la planète se sont également qualifiées: les Etats-Unis, le Brésil et la Russie entre autres. Par ailleurs, tous les anciens vainqueurs, désormais au nombre de sept, seront présents dans la compétition. Parmi eux, la France, détentrice du titre, visera un exploit jamais réalisé: remporter une deuxième Coupe du monde d’affilée, tout en ayant décroché, dans l’intervalle de ces deux conquêtes, le championnat d’Europe, en 2000, à Rotterdam.

Mais un autre défi de taille réside ailleurs: pour la première fois, à l’instar de l’Euro 2000 qui s’est déroulé en Belgique et aux Pays-Bas, la Coupe du monde est organisée conjointement par deux pays. Si la collaboration entre Belges et Néerlandais s’est avérée harmonieuse, le mariage entre Japonais et Coréens comporte davantage de risques. Le premier pays a occupé le second de 1910 à 1945. Un demi-siècle plus tard, toujours séparés par des frontières maritimes, culturelles et politiques, Japonais et Coréens ont voulu, en présentant une candidature commune, aider à leur rapprochement. Mais la différence d’affinités ne facilite guère le travail en commun, rendu de surcroît plus difficile par les multiples normes contraignantes imposées par la FIFA (Fédération internationale de football).

D’autre part, depuis juillet 1996, lorsque la mise sur pied du Mondial a été accordé aux deux pays, plusieurs événements extrasportifs ont sensiblement perturbé les données de départ. La Corée du Sud, dont l’économie semblait l’une des plus florissantes du monde, a dû faire face à une crise financière sans précédent. Pendant plusieurs années, les Sud-Coréens ont dû se serrer la ceinture. Et le jeûne n’est pas terminé. Dans ces conditions, la construction de dix nouveaux stades a semblé une hérésie pour beaucoup. Or, en Corée du Sud, des élections présidentielles auront lieu en décembre 2002. Durant la compétition, leur imminence influera évidemment sur le climat général.

Au Japon aussi, le Mondial ne se prépare pas sur un fond d’allégresse économique. La dépréciation du yen et de la Bourse de Tokyo se font ressentir. Or, tant au Japon qu’en Corée, le football ne jouit pas d’une popularité à toute épreuve, égale à celle qu’il recueille en Europe. Les spectateurs s’y passionnent exclusivement pour leur équipe nationale. Sauf surprises, celles-ci possèdent toutefois peu de chances d’avancer très loin dans le tournoi. De plus, l’éloignement et le coût très élevé de la vie dans les deux pays organisateurs n’attireront pas les visiteurs étrangers, moins nombreux sans doute qu’en France, en 1998. Enfin, les événements du 11 septembre imposeront à la fois une vigilance accrue et des investissements financiers et humains supplémentaires. Bref, des problèmes en cascade à résoudre.

En Belgique, les yeux seront, bien sûr, prioritairement fixés sur nos Diables rouges, qui ont hérité d’un tirage au sort particulièrement favorable: ils figureront normalement parmi l’une des deux équipes lauréates au terme d’un groupe qualificatif qu’ils partagent avec le Japon, la Russie et la Tunisie. Aucune de ces équipes n’a jamais franchi le premier tour d’une phase finale de la Coupe du monde. A la Fédération, les bravades s’empilent également sur les bureaux des nouveaux présidents, Jan Peeters, et secrétaire général, Jean-Paul Houben, qui viennent de prendre le relais du Dr Michel D’Hooghe et d’Alain Courtois. Parmi leurs priorités: le dépoussiérage, le rajeunissement, la santé financière, la protection des jeunes et des arbitres.

Le football belge souffre non seulement du vieillissement de ses cadres – l’âge moyen des sécrétaires des 2 000 clubs dépasse 65 ans -, mais il pâtit également de son fonctionnement et de ses règlements archaïques. En aval, ces derniers freinent considérablement le pouvoir de décision. On s’appliquera, donc, à attribuer au comité exécutif, organe suprême de la fédération, un pouvoir de décision à la fois plus souple et plus rapide. Sur le plan financier, une rude bataille est engagée par la Fédération et la Ligue professionnelle contre les chaînes de télévision pour la cession respective des droits de retransmission télévisée des matchs de l’équipe nationale et de la Coupe de Belgique, d’une part, et des rencontres de championnat, d’autre part. De nouveaux contrats devront être établis pour juillet 2002.

Autre souci, permanent celui-là: la santé financière des clubs, maladivement dépensiers. Certes, la « licence professionnelle », annuelle, introduite la saison dernière, a été obtenue par tous les clubs de première division. Mais personne n’est dupe: dans la majorité des cas, l’endettement, interdit, existant envers les organismes publics a glissé vers le secteur privé. L’an dernier, en vue d’un premier examen, la majorité des cercles en difficultés ont encore trouvé les bailleurs de fonds souhaités. Mais il en va tout autrement aujourd’hui, à l’élaboration des dossiers de la nouvelle demande, qui doit être introduite pour le 1er mars prochain. Déjà, en fonction d’échecs et de refus redoutés, la fédération élabore diverses formules de championnat de 1ere division, réduite de 18 à 14 clubs.

Rester au sommet ou y revenir

Après une campagne de conquêtes, de progression et de distinctions, qui ont fait de 2001 l’année la plus exceptionnelle du tennis belge, quels défis peuvent encore se lancer Kim Clijsters et Justine Henin ? Le dicton est connu: il est souvent plus aisé d’atteindre le sommet que d’y rester. Dès lors, comme l’ont éprouvé, avant elles, d’autres champions de la trempe d’Ulla Werbrouck, de Gella Vandecaveye, de Frederik Deburghgraeve ou de Jean-Michel Saive, se maintenir, à moins de vingt ans, dans le top 5 mondial devrait être pour nos jeunes championnes un objectif sage et raisonnable. Une chose, en tout cas, est sûre: désormais, sous peine de dévaluation, le public, impitoyable dans ce domaine, exigera qu’elles répètent des performances égales à leurs aventures passées à Roland-Garros, à Wimbledon ou en Fed Cup. Et ce sera, sans doute, sur le plan exclusivement sportif, le défi le plus difficile à relever.

La roche tarpéienne n’est, en effet, pas très éloignée du Capitole. Qui mieux que le cycliste Frank Vandenbroucke pourrait en témoigner ? Champion adulé, il y a un peu plus de deux ans, promis à tous les succès, il s’est subitement retiré des pelotons, brisé physiquement et mentalement. Sous le vernis de la star, l’homme avait craqué. Un moment, on a cru que son adieu à la compétition était définitif. En proie aux affres du doute existentiel, parfois jusqu’au dégoût de lui-même, il a toutefois entrepris la reconquête de son estime perdue. Au terme d’une errance de deux saisons, récupéré dans l’équipe Domo, dirigée par Patrick Lefevere, jadis à la base de son épanouissement, Vandenbroucke travaille, à 27 ans, à son retour en 2002.

Y réussira-t-il ? Le sport est riche d’exemples de champions revenus au plus haut niveau après une absence de quelques années. A la joueuse de tennis Monica Seles, poignardée dans le dos par un déséquilibré, lors d’un tournoi à Hambourg, il a fallu vingt-sept mois d’isolement, une thérapie très soutenue et beaucoup de courage pour surmonter la profonde dépression provoquée par cette agression. Dans le peloton même, Vandenbroucke a côtoyé celui qui est sans doute le plus étonnant miraculé du sport: l’Américain Lance Armstrong, ancien champion du monde, a vaincu un cancer, avant de devenir le meilleur coureur de sa génération, invaincu depuis trois ans dans le Tour de France, la plus prestigieuse épreuve cycliste du monde.

Une différence, toutefois: revenus au sommet de la hiérarchie, ni Monica Seles, ni Armstrong, ni beaucoup d’autres sportifs blessés ou malades, n’avaient interrompu volontairement leur carrière. En revanche, comme le coureur belge, plusieurs champions se sont offert une trêve plus ou moins longue. Le plus souvent à leurs dépens. Car, contrairement aux apparences, malgré l’absence de traumatisme, le retour s’avère souvent beaucoup plus difficile. En effet, s’il renonce, même provisoirement, à son activité, ont observé des « psys » du sport, c’est que l’athlète éprouve une certaine lassitude ou un manque d’intérêt, sinon les deux à la fois. Dès lors, il lui manque aussi très souvent l’énergie et la motivation nécessaires à la réalisation de son retour. Il s’agit alors d’atteindre un objectif dévalué avec des moyens diminués. D’où souvent l’échec. Exemples: les tennismen John McEnroe et Björn Borg. Le premier avait interrompu sa carrière pour accompagner les premiers pas de son fils. De retour sur les courts, il n’allait toutefois plus cesser d’osciller entre le statut de champion déclinant et l’espoir jamais satisfait de remporter à nouveau un tournoi majeur. Quant au Suédois, champion hors du commun, qui a tenté, à 34 ans, un retour, après sept années d’absence, il a dû immédiatement se rendre à l’évidence. Dans un sport aussi pointu, tout était contre lui: l’usure physique, les progrès techniques et la jeunesse de ses adversaires. Pas de tels écarts pour Vandenbroucke, mais, sur le plan humain, le défi de cette forte personnalité sera, sans doute, l’un des plus intéressants à suivre de l’année.

La sécurité des Jeux

Les Jeux olympiques d’hiver à Salt Lake City, aux Etats-Unis, constitueront la première grande manifestation du sport international. Un instant menacés de report, à la suite des événements du 11 septembre, ils auront finalement bien lieu. Après avoir mené, sur place, les consultations qui s’imposaient auprès des autorités et organisateurs américains, Jacques Rogge, le nouveau président du CIO (Comité international olympique) a estimé les mesures de sécurité suffisantes. Il relèvera, de la sorte, lui aussi, le premier grand défi de son mandat. Depuis les attentats anti-israéliens à Munich, en 1972, la sécurité entourant les Jeux a toujours été l’objectif numéro un du CIO. Salt Lake City n’a pas échappé à cette règle prioritaire. L’enquête effectuée dans la perspective des prochains Jeux d’hiver s’est donc révélée positive. « Il ne faudra rien modifier, affirme Rogge. Les mesures de sécurité prises étaient maximales. » Leur coût est d’ailleurs à la hauteur: 320 millions de dollars (8 millions d’euros).

L’onde de choc qui a secoué le monde entier depuis le 11 septembre n’a, bien sûr, pas épargné le sport. Et elle se répercutera encore, sous diverses formes, en 2002: champions qui renoncent à se déplacer, épreuves annulées ou reportées, contrats d’assurance revus à la hausse ou sponsors qui se désistent. Dans ce dernier domaine, le CIO conserve ses privilèges. Aucun de ses 10 partenaires majeurs, dont 8 sont pourtant américains, n’a diminué son adhésion à la cause olympique. Sur ce plan, le CIO est couvert jusqu’aux Jeux de Pékin, en 2008.

En revanche, le prochain rendez-vous d’été, en 2004, à Athènes, suscite des inquiétudes. En septembre dernier, une commission du CIO avait tiré le signal d’alarme devant le retard pris par les travaux de construction et d’aménagement en vue de l’événement. A moins de mille jours du début des Jeux, une dizaine de sites accusent un retard alarmant. D’ici à la cérémonie d’ouverture, le défi des organisateurs s’annonce herculéen: exécuter en un peu plus de deux ans des travaux dont la durée était programmée sur un laps de temps pratiquement double.

Le double objectif du COIB

Si le CIO ne souffre donc pas du désistement de ses sponsors, le COIB (Comité olympique et interfédéral belge), lui, ne peut en dire autant. D’année en année, et tout spécialement à la suite du piètre bilan sportif belge obtenu, en 2000, aux Jeux de Sydney, des parraineurs se sont retirés. Et ils n’ont pu être remplacés. Motif: le return s’avère insuffisant. En effet, hormis la participation de ses athlètes à des Jeux olympiques, qui ne se déroulent que tous les quatre ans, le COIB n’offre plus, comme jadis, d’autres événements à ses parraineurs. Résultat de ces défections: un bilan déficitaire de 500 000 euros (20 millions de francs) et l’obligation, en 2002, de puiser dans ses réserves.

Le défi du COIB n’est donc pas mince: dans un contexte économique défavorable, il lui faudra trouver de nouvelles sources de revenus. Parallèlement, il devra impérativement réaliser ses objectifs sportifs en vue d’une meilleure représentation aux Jeux d’Athènes. Dans cette perspective, il a augmenté, malgré ses soucis financiers, son budget destiné au sport d’élite de 2,5 millions à 3 millions d’euros. Et il a revu sa politique de préparation selon un nouveau principe: plus d’argent pour moins d’athlètes. A l’avenir, l’option se portera donc sur une classification plus pointue, une élite limitée, choisie avec plus de rigueur, mieux surveillée, mais qui bénéficiera de moyens accrus. A Sydney, en effet, la trop grande indulgence dont avait témoigné le COIB dans sa sélection n’a pas payé. Une délégation forte de 69 athlètes – la plus importante depuis 1976, aux Jeux de Montréal – n’avait recueilli que 3 médailles, dont aucune d’or.

Enfin, il n’existe pas d’année sportive sans qu’on lance de défi au dopage. Les prochains mois n’échapperont pas au phénomène, car il reste encore beaucoup à faire. L’unification des réglementations et des méthodes de contrôle et d’analyse n’existe toujours pas. Créée dans ce but, en novembre 1999, l’AMA (Agence mondiale antidopage) devait voler de ses propres ailes en 2002. Mais son financement, jusqu’à présent assuré par le seul CIO, a du plomb dans l’aile. L’Union européenne, qui devait y contribuer à hauteur de 47 %, a renoncé, estimant sa contribution trop importante par rapport à celles d’autres institutions. L’AMA restera ainsi au centre de différentes polémiques: outre son conflit financier avec l’Union, elle est accusée de dépenser trop d’argent en frais de fonctionnement, au lieu de l’attribuer à la recherche antidopage. Inopérationnelle, elle laisse la voie libre aux dopeurs qui, eux, ne s’arrêteront pas.

S’activera-t-on de même en Wallonie ? Un décret antidopage a été voté l’année dernière. Mais, à défaut de budget et à cause de lenteurs administratives, la Communauté française n’a toujours pas procédé au moindre contrôle. Dès lors, le défi est lancé: enregistera-t-on enfin, en 2002, le premier contrôle antidopage en Wallonie, émanant de l’institution publique, vingt-cinq ans après que la matière a été communautarisée et plus de dix ans après que ces contrôles s’effectuent couramment en Flandre ?

Emile Carlier

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