Les coulisses de l’urgence

Des dinosaures de l’industrie belge, la crème de la finance et une poignée de décideurs politiques tiennent entre les mains le dossier économique le moins ordinaire de ces vingt dernières années. A la manière d’un sauve-qui-peut, ils cultivent l’espoir d’une nouvelle compagnie aérienne belge. Fédérale et « patriote ». Récit d’une aventure à hauts risques…

Deux faire-part en trois jours, à la Une des journaux, bigre! Jusqu’au bout, dans le dossier de la défunte Sabena, tout, décidément, aura été inhabituel. Alors que l’encre du faire-part de décès de la compagnie n’était pas encore sèche, la naissance de la nouvelle DAT (Delta Air Transport), filiale de l’ex-Sabena appelée à lui succéder, faisait déjà l’objet d’une annonce très officielle. Depuis le 10 novembre, les avions de la DAT ont, en effet, retrouvé le chemin des nuages, pilotés par deux chevaliers du ciel que personne n’imaginait aux commandes. Etienne Davignon et Maurice Lippens ne sont pourtant pas des as de l’aviation. Mais, appelés à la rescousse par un gouvernement désemparé, ils ont immédiatement répondu présents.

Forts d’un imposant carnet d’adresses, ils ont aussitôt rameuté divers chefs d’entreprises privées, susceptibles d’investir dans la nouvelle compagnie (Dexia, Fortis, KBC, BBL, Electrabel, Tractebel, Smap, P&V, Biac, Bekaert, Interbrew, UCB, Solvay…), ainsi que les trois sociétés régionales d’investissement. Aucune de ces entreprises, dit-on, n’a affiché un enthousiasme délirant pour ce projet. « Je trouve positif que certains investisseurs participent à l’opération, affirme Michel Nollet, président de la FGTB, mais il ne faut pas pour autant leur construire un monument à Zaventem ! »

Ensemble, ces entreprises devraient apporter les 8 milliards de francs (environ 200 millions d’euros) nécessaires au démarrage de la DAT. Plusieurs conseils d’administration ne se sont pas encore prononcés. « Verhofstadt nous emmerde, lâche-t-on chez un industriel. Il nous a prévenus quelques heures à peine avant le prononcé de la faillite et nous demande de décider dans l’urgence, et sans plan opérationnel ! Même si les montants évoqués ne sont pas élevés, ce n’est pas le genre de décision qui se prend en vingt-quatre heures. »

Aussitôt l’appel au privé révélé, les soupçons fleurissent: pourquoi une société investirait-elle dans une aventure aussi risquée, même pour une période limitée, à l’heure où le secteur aéronautique est sinistré, la concurrence sans merci et la conjoncture chancelante ? MM. Lippens et Davignon ont beau jurer qu’elles agissent par pur patriotisme, personne n’y croit vraiment.

« Leurs motivations sont multiples, assure Tony Vandeputte, administrateur délégué de la Fédération des entreprises de Belgique (FEB). Les unes ont à coeur de recréer de l’emploi pour les anciens Sabéniens. Les autres emploient de nombreux cadres qui voyagent beaucoup et souhaitent conserver une compagnie qui travaille au départ de Bruxelles. » Mais il n’y a pas que cela, de toute évidence.

Il peut paraître intéressant, pour l’un ou l’autre des investisseurs pressentis, d’être dans les bonnes grâces du gouvernement. « Les patrons ont aussi intérêt à soutenir un pouvoir qui, a priori, leur est plutôt favorable », explique un observateur. L’instabilité politique n’est jamais bonne non plus pour les affaires: fragilisé à l’extrême, le gouvernement aurait pu être amené à postposer la réforme de l’impôt des sociétés ou l’agenda de la libéralisation du marché de l’énergie, par exemple. Il avait donc besoin d’appui. « Il ne faut pas prendre les gens pour des imbéciles, reconnaît un porte-parole: nous assistons à un subtil donnant-donnant. » Auquel le pourtant inévitable Albert Frère échappe. « Il est malin, lui », persifle un haut fonctionnaire.

Par ailleurs, il est indéniable que des « arguments » fiscaux ont été avancés pour convaincre les indécis. Ce n’est pas un hasard si, en présence des banquiers et du premier lot d’investisseurs privés, la réunion décisive du 6 novembre a été pilotée par le ministre des Finances, Didier Reynders (PRL). Son expérience des entreprises d’Etat – le Liégeois a notamment présidé la SNCB et la Régie des voies aériennes – n’explique pas tout. Reynders a indiqué aux investisseurs le type d’avantages fiscaux dont ils pourraient bénéficier en créant une nouvelle compagnie (la formule classique des déductibilités des pertes, par exemple). Du reste, il est bien connu des milieux financiers que le grand argentier du royaume dispose d’un pouvoir d’injonction sur une série de dossiers en litige avec l’administration fiscale. « Pour ces fleurons de notre industrie et les grandes banques de la place, le ministre des Finances peut être un allié de premier plan », dit-on dans un cabinet ministériel, avec une pointe de cynisme. Une bienveillance qui peut rapporter des millions, sous forme d’économies d’impôts.

Reste l’arme de persuasion la plus perverse: l’image. « Nous soutenons le projet de MM. Davignon et Lippens, mais libre à chaque entreprise de décider si elle y adhère ou pas », assure Tony Vandeputte. Voilà pour le principe. Dans les faits, la direction du groupe Delhaize se souviendra longtemps de sa très relative liberté de choix. Pour avoir décidé de ne pas se joindre aux investisseurs de la DAT, l’enseigne s’est vu publiquement reprocher sa « mentalité d’épicier » par Maurice Lippens, dans les colonnes des journaux.

Tout se passe désormais comme si les chefs d’entreprise pouvaient être classés en bons et en mauvais, selon qu’ils soutiennent ou non le projet de nouvelle compagnie aérienne. « Mais nous ne sommes pas là pour faire de la philantropie, s’emporte un investisseur pressenti et… ennuyé. Comment justifier un tel investissement devant nos actionnaires et comment l’expliquer à notre personnel, soumis à des limitations de budgets en raison de l’affaiblissement de la conjoncture ? « 

Autant de questions dont le gouvernement, arc-bouté sur une vague patriotico-émotionnelle qui chavire la population, n’a cure. « Il semble que le sentiment très fort d’appartenance des ex-Sabéniens à leur entreprise déborde sur les citoyens, alimentant largement cet élan patriotique, analyse Marc Lits, directeur de l’Observatoire du récit médiatique. Au point que cet attachement affectif à la compagnie, relayé de façon très homogène par l’ensemble des médias, occulte le reste des débats et rend quasi impossible toute remise en cause de l’opération de sauvetage. »

48 heures chrono

Dans l’urgence, le plan social, concocté par les organisations syndicales – sans les représentants des pilotes – et les envoyés du gouvernement, a été élaboré en quarante-huit heures. Du jamais-vu. « Il fallait faire vite pour éviter que toutes les filiales du groupe tombent en faillite, explique Michel Nollet. Le gouvernement a sauvé, au plus vite, ce qui pouvait l’être. Il a renvoyé à plus tard la recherche de solutions pour tous les problèmes à venir. »

De toute évidence, le gouvernement a eu peur. Peur d’un séisme social, peur d’une image ruinée à l’étranger, alors que la Belgique assure la présidence de l’Union européenne. « Le remède proposé par Verhofstadt semble fait pour retarder les échéances et calmer le personnel, analyse Anne Vincent, du Crisp (Centre de recherche et d’information sociopolitiques).

Ce plan social, qui, contrairement à une convention collective, n’a pas à être approuvé ou refusé par le personnel, permettra à 90 % du personnel de la Sabena de bénéficier des mêmes conditions de départ que si la compagnie n’avait pas été déclarée en faillite. Le gouvernement a donc fait un geste d’environ 4 milliards de francs (100 millions d’euros) pour financer des indemnités supérieures à celles du seul Fonds de fermeture des entreprises. Dont coût global: 15,6 milliards de francs, à charge du Fonds, de l’ONSS et du gouvernement, si 5 000 travailleurs de la Sabena se retrouvent finalement sur le carreau.

Le gouvernement n’a certes pas donné tout ce qu’il pouvait. Il aurait pu, murmure-t-on dans les rangs syndicaux, bloquer la réforme fiscale pour dégager de nouveaux moyens. Mais l’équipe de Guy Verhofstadt était déterminée à ne pas dépasser une enveloppe prédéterminée. En outre, elle ne voulait pas s’attirer les foudres du personnel victime de fermetures d’autres entreprises, et moins « chanceux », dans son malheur, que les ex-Sabéniens. On pense notamment aux 675 emplois perdus chez City Bird.

Et pourtant, ce plan n’a pas été jugé suffisant par nombre d’employés de la Sabena, qui ne se sont pas privés de le faire savoir à leurs organisations syndicales. Dans ce dossier, les syndicats traditionnels ont d’ailleurs subi un revers sans précédent, dans une entreprise généralement considérée comme l’un de leurs bastions.

Soucieux de sauver un maximum d’emplois et d’obtenir les indemnités les plus élevées possible, ils ne disposaient plus, pour y parvenir, d’aucun moyen de pression pour exiger davantage d’efforts de la part du gouvernement. Leur position était, pour le moins, inconfortable.

Critiqués par des troupes désemparées et sensibles aux prises de position des pilotes, très actifs, bousculés par l’extrême gauche (PTB), absents de l’aéroport, en journée, pour cause d’interminables négociations nocturnes, et écartelés entre diverses centrales syndicales aux intérêts parfois divergents, ils ont cumulé les handicaps et les erreurs. « Nous étions coincés, admet un syndicaliste: nous devons avoir le sens de l’Etat alors que plus personne ne l’a. Dans un contexte comme celui-là, les syndicats, quoi qu’ils fassent, sont toujours critiqués. »

Dans les divers états-majors syndicaux, l’affaire Sabena laisse, et laissera encore longtemps, un goût amer. « Nous avons fait preuve de rigidité et de manque de souplesse par rapport aux pilotes, rassemblés dans une organisation non reconnue, au lieu de profiter de leurs forces, reconnaît un syndicaliste. La différence nous fait peur. C’est terrible de voir avec quelle lenteur nous intégrons les changements ! »

Mauvaise humeur socialiste

Le coeeur n’est d’ailleurs pas à la fête dans les autres entreprises publiques: ils sont quelques-uns, désormais, à pronostiquer de sérieuses difficultés à La Poste, chez Belgacom et à la SNCB, dans les prochains mois. Comment s’assurer, en effet, qu’elles ne risquent pas, chacune, de connaître, à terme, le même sort que celui de la Sabena ?

« La Poste semble la plus menacée, analyse un expert européen. C’est l’entreprise publique qui est la moins avancée dans un processus de restructuration. Son personnel est pléthorique et sous-qualifié. Belgacom, en revanche, a déjà procédé à de sérieux ajustements. Quant à la SNCB, elle constitue un cas à part: le rail représente une nécessité économique absolue. S’il était mis en difficulté, l’Etat trouverait toujours de l’argent pour l’en sortir. »

Quelle que soit l’issue finale du dossier Sabena-DAT, le séisme politique et économico-social provoqué par cette faillite aura fait surgir bien des interrogations et révélé bien des fragilités. La question essentielle, pour l’avenir, porte sans nul doute sur la manière dont l’Etat envisage, désormais, d’endosser ses habits d’actionnaire. Une question qu’il ne s’est, semble-t-il, jamais posée.

En attendant, deux capitaines d’entreprise, « belgicains » et pointés parmi les hommes les plus puissants du pays, ont assurément sauvé le gouvernement Verhofstadt d’une démission peu glorieuse. Maurice Lippens a été contacté, le 29 octobre – soit huit jours avant la faillite -, par le Premier ministre. Il était fort tard pour réagir à la banqueroute de la Sabena, mais, dès ce jour-là, les deux hommes ont livré – côte à côte – une étonnante course contre la montre. Les conséquences sociales, économiques et politiques d’un « clash » auraient été redoutables: grogne sociale historique, reprise par la concurrence des lignes desservies par la compagnie belge, âpres règlements de comptes politiques. Entre la faillite et l’annonce du plan DAT, il ne fallait pas tergiverser. Pas même un jour. Pour le gouvernement fédéral, la situation aurait été rapidement intenable.

Malgré cette épée de Damoclès, les ténors du gouvernement et les partis de l’arc-en-ciel sont restés étonnamment sereins durant cette huitaine de jours stressante. De manière implicite, chacun a cautionné le scénario qui se tramait en coulisse. Paradoxalement, les tracasseries politiques ont commencé… le jour de la délivrance. Nullement déconcerté par le surréalisme de la situation – l’establishment financier un peu ringard au secours des hérauts d’une nouvelle Belgique -, Guy Verhofstadt s’est fendu d’un vibrant cocorico, dès l’après-midi du 7 novembre, le jour même du prononcé de la faillite. A plusieurs reprises, le libéral gantois s’est félicité de la prise de responsabilités du secteur privé, insistant lourdement sur les carences de l’Etat dans la gestion du dossier aéronautique.

Ces propos, un peu trop manichéens, ont avant tout piégé les précieux investisseurs, venus sur la pointe des pieds à l’appel du tandem Lippens-Davignon. Contrairement à ce qu’a déclaré le Premier ministre à la Chambre, le mercredi 7 novembre, les « quinze groupes participants » n’avaient pas totalement franchi le pas – le « memorandum of understanding » signé le jour même ne comptait que six signatures! Et voilà que Verhofstadt leur faisait brusquement endosser une responsabilité inattendue… Mais cette sortie bruyante allait surtout ulcérer le PS d’Elio Di Rupo. Jamais, depuis la formation des gouvernements, en juillet 1999, la tension n’aura été aussi forte entre le parti à la rose, leader en Wallonie, et les libéraux flamands, n° 1 au nord du pays. Ces derniers jours, à l’initiative de Guy Verhofstadt, les deux « partenaires » ont envisagé d’enterrer provisoirement la hache de guerre. Mais la rancune socialiste semble tenace. Quoi qu’il advienne, cet incident n’a fait qu’envenimer une relation déjà fort tumulteuse, en particulier depuis la rentrée politique de septembre.

Côté socialiste, on suspecte le VLD d’avoir exploité l’affaire à des fins idéologiques, voire électoralistes. Le PS n’est pas loin de penser comme… l’opposition PSC: le gestionnaire du dossier, Rik Daems (VLD), n’aurait rien fait pour stopper la descente aux enfers de la Sabena, histoire d’assurer le désengagement de l’Etat auprès de ce canard boiteux. Face à l’électorat libéral flamand, ce « trophée » devrait aisément compenser la désagréable impression laissée par la vague de licenciements entamée ces jours-ci. Officieusement, Di Rupo souhaitait le retrait du fusible Daems. Pour toute réponse, il n’a eu droit qu’au discours « froid » et « préparé » du Premier ministre, perçu, à ses yeux, comme le chef de bande du VLD.

Au sein même de la coalition arc-en-ciel, toutefois, on donne d’autres explications à la rogne socialiste. Depuis quelques mois, le PS trouve le temps long. A l’instar de la réforme fiscale, les libéraux ont, petit à petit, imposé leur empreinte bleue au gouvernement fédéral. Cornaquée par des ministres PRL et VLD, la présidence de l’Union européenne leur offre de surcroît une belle tribune médiatique. Résultat: en septembre, le PS a accusé le coup dans les sondages et la cote de popularité d’Elio Di Rupo a pâti des succès du duo Michel-Verhofstadt. La nouvelle conjoncture politique donnait l’occasion aux ténors socialistes de se refaire quelques couleurs. Ces dernières semaines, en effet, les ennuis se sont accumulés sur le front international: les grands pays européens ont fait de l’ombre au tandem belge, l’Israélien Shimon Peres a ouvertement critiqué le manque de préparation d’une réunion diplomatique assurée par notre pays et rien ne garantit que la fin de la présidence sera couronnée de succès – attendue en décembre, la fameuse déclaration de Laeken pourra-t-elle réellement aider l’Europe à réfléchir à son avenir? En Belgique, les errements du dossier Sabena constituaient un autre prétexte pour faire la leçon au partenaire libéral, au VLD en particulier.

Moins de deux ans avant les prochaines élections, en tout cas, les uns et les autres fourbissent leurs armes. Ainsi, la nervosité des derniers jours n’est pas étrangère à la perspective d’un vaste débat sur les responsabilités historiques dans l’échec de la Sabena. Ici aussi, le PS et le VLD s’affrontent à fleurets mouchetés. Sans remonter plus loin que l’époque Swissair, les deux partis sont impliqués dans le mariage caduc avec l’opérateur suisse (les socialistes Di Rupo et Daerden ont assumé la tutelle sur la Sabena de 1995 à 1999; le libéral Daems a pris le relais en 1999). Arguments à l’appui, le PS justifie l’alliance de 1995: le monde politique et la communauté financière l’avaient applaudie des deux mains. Le VLD, lui, explique ses déboires récents par le poids d’un héritage trop lourd (une compagnie sous-capitalisée, mal gérée pendant des années et livrée au bon vouloir de 400 délégués syndicaux). Arguments convaincants, vraiment? Une commission d’enquête parlementaire s’intéressera prochainement à quelques choix controversés ou anomalies embarrassantes. Comme l’achat d’une flotte pléthorique d’Airbus, en 1997. Ou comme la confiance aveugle à Swissair, poussée à son paroxysme en août dernier.

Tout a été fait pour élargir la période sous enquête – on remontera à 1975! – afin de « mouiller » également les partis chrétiens. Seuls les écologistes semblent sereins. Sur ce dossier de la Sabena, ils marquent actuellement des points. Sans esbroufe, les Verts dénoncent une crise de régime: excès de particratie, clientélisme et confusion des rôles entre opérateurs privés et publics. « Logique qu’il soit difficile de mener une réelle politique de mobilité! » dit-on chez Ecolo.

Encore heureux, pour la majorité, que l’épineux dossier aéronautique n’ait pas tourné au pugilat communautaire. Portée sur les fonts baptismaux par des chefs d’entreprise ouvertement patriotes et des hommes politiques qualifiés de régionalistes – comme le chef du gouvernement wallon, Jean-Claude Van Cauwenberghe (PS) -, l’aventure ne manque pas de piquant. Aux yeux des spécialistes, la nouvelle compagnie promet d’être davantage encore sous influence flamande. D’où l’empressement des leaders politiques des Régions bruxelloise et wallonne, appelés à cofinancer le projet: pas question d’abandonner tous les leviers de pouvoir! Paradoxalement, la Flandre s’est fait prier. La semaine passée, le ministre-président Patrick Dewael (VLD) a même renoncé à une conférence de presse commune avec ses collègues. Il craignait d’être trop associé à un accord dit de « solidarité fédérale ». Trois Régions, trois vitesses.

Philippe Engels et Laurence van Ruymbeke

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