Les couleurs de l’hiver

Guy Gilsoul Journaliste

Tour d’horizon des meilleures expos hors frontières, à découvrir à l’occasion des escapades de fin d’année

Musée d’Art moderne. 1, allée du Musée. Jusqu’au 6 janvier. Tél.: +33-3-20 19 68 68.

FRANCEVilleneuve-d’Ascq

Voici un véritable trésor, découvert il y a à peine dix ans dans une petite ville de l’Ouest américain: 190 photogrammes et photomontages réalisés entre 1922 et 1945 par le maître hongrois du Bauhaus, Laszlo Moholy-Nagy: « La photographie, écrivait ce dernier dans un de ses nombreux articles théoriques, est une image lumineuse qui doit répondre au sentiment profond de vie intérieure ». Notons, dans le même musée, les oeuvres de quatre jeunes artistes de Budapest qui abordent la question de l’image et de son évocation narrative à travers les techniques du story-board et les manipulations informatiques.

Valenciennes

A partir de 130 pièces, parmi les plus belles du musée de Tervuren, l’exposition Congo, l’itinéraire noir propose, par thèmes, une véritable exploration de la fonction et du sens des objets africains. Par une mise en scène soignée, via le son et l’image cinématographique, la rencontre est active avec la vie quotidienne, les rituels, le pouvoir.

Musée des Beaux-Arts. Boulevard Watteau. Jusqu’au 27 janvier. Tél.: +33-3-27 22 57 20.

Caen

Antonio Saura (1930-1993) fut, dans l’Espagne de Franco, l’un des agitateurs les plus fameux. Son expressionnisme douloureux autant que violent appartient à la famille de Goya. Ses noirs et ses blancs éblouissent autant qu’ils déclament le monstrueux, le convulsif ou l’intense. Cette fois, à travers l’estampe et le livre.

Musée des Beaux-Arts. Le Château. Jusqu’au 4 mars. Tél.: +33-2-31 30 47 70.

Chantilly

Deux expositions attireront ici les amateurs de dessins anciens et de manuscrits fameux. La première, consacrée au dessin hollandais, présente la collection du duc d’Aumale, riche, entre autres, d’oeuvres signées Adriaen Van Ostade, Albert Cuyp et même Rembrandt. La seconde, tirée des collections du même amateur bibliophile du XIXe siècle, offre à voir 21 manuscrits de la Renaissance réalisés entre le XVe siècle et la fin du XVIIIe.

Musée Condé. Château de Chantilly. Jusqu’au 7 janvier. Tél.: +33-3-44 62 62 61.

Paris

Il y a d’abord les grandes machines, presque obligatoires. Raphaël (musée du Luxembourg, jusqu’au 27 janvier), L’Orient de Saladin (Institut du monde arabe, Jusqu’au 10 mars), Paris-Barcelone, de Gaudi à Miro (Galeries nationales du Grand Palais, jusqu’au 14 janvier), L’Or des Scythes (au même endroit, mais jusqu’au 31 décembre), Picasso sous le soleil de Mithra (musée Picasso, jusqu’au 4 mars) ou, encore, les présentations monographiques de quelques classiques du XXe siècle comme Giorgio Morandi (musée d’Art moderne, jusqu’au 6 janvier), Jean Dubuffet (au Centre Pompidou, jusqu’au 31 décembre) ou, côté photographie, l’Américain Hans Namuth (Hôtel Sully, jusqu’au 6 janvier) et le Mexicain Manuel Alvarez Bravo (Maison de l’Amérique latine, jusqu’au 4 janvier).

Puis il y a les découvertes-émotion: Arnold Böcklin (1827-1901). N’aurait-il peint que L’Ile des Morts, il serait déjà éternel. L’image est saisissante, la manière, glacée. Une première en France, où le peintre suisse qui influença, entre autres, De Chirico et Max Ernst, est mal connu. Marqué par le romantisme germanique, pompéien par passion, fasciné par Rubens autant que par Poussin, Böcklin développe un symbolisme aussi sulfureux que fantastique (musée d’Orsay, 62, rue de Lille, jusqu’au 13 janvier. Tél.: +33-1-40 49 49 20). Notons, dans le même musée et jusqu’aux mêmes dates, une deuxième découverte, tout aussi fascinante: la Brahmsphantasie, une partition de 26 mètres de long, gravée en vingt ans par l’écrivain allemand Max Klinger, dont l’admiration pour Böcklin n’avait d’égal que celle qu’il vouait à Brahms. Et, toujours à Orsay (mais jusqu’au 27 janvier), la première exposition monographique en tant que peintre et photographe de l’écrivain suédois August Strindberg: 130 pièces égrenant, de 1872 à 1907, la passion de l’homme de théâtre pour le choc visuel: « Je me moque de mon apparence, écrira-t-il, mais je veux que les gens voient mon âme. »

A la recherche de son âme, l’Afro-Cubain Wifredo Lam (1902-1982) le fut à sa manière. Au musée Dapper (35, rue Paul Valéry, jusqu’au 20 janvier. Tél: +33-1-45 00 01 50), ses toiles sont entourées par leurs inspiratrices: des oeuvres exceptionnelles, venues d’Afrique et d’Océanie, et qu’il découvrit la première fois en 1938, lorsqu’il entra dans l’atelier de Picasso. Ami d’André Breton, protégé par Fidel Castro, le peintre, initié aux rituels vaudou, emplit le musée d’une étrange et pénétrante impression d’universel.

Toute autre ambiance avec Savignac (né en 1907), le « Doisneau de l’affiche », l’inventeur de quelques perles sans âge: la vache Monsavon, la Pointe Bic, les Gitanes. En un trait et deux couleurs, un crayon et un pinceau, les idées Savignac font tilt à chaque fois. Un régal (Bibliothèque Forney, 1, rue du Figuier, jusqu’au 12 janvier. Tél.: +33-1-42 78 14 60).

Et puis, il y a le merveilleux, l’étourdissant spectacle virtuel proposé par Serge Salat et Françoise Labbé. Il s’agit d’un labyrinthe lumineux, où l’oeil se noie dans les jeux de lumières et de miroirs qui nous entraînent, via le dépassement des lois de l’optique, vers une appréhension des structures instables et aléatoires de l’espace-temps: vertiges garantis pour cette exposition Les Mondes Lumières! Dans d’autres salles, un film en stéréoscopie évoque des architectures de lumière (Fondation Electra, 6, rue Récamier, jusqu’au 17 février. Tél.: +33-1-53 63 23 45).

Nostalgies coréennes rassemble 27 paravents et 100 peintures créés entre le XVIIe et le XIXe siècle et réunis par un seul homme, l’artiste contemporain Lee U-Fan: une des deux grandes collections du genre et la plus profondément sensible (musée Guimet, 6, place d’Iéna, jusqu’au 14 janvier. Tél.: +33-1-56 52 53 45).

Côté images, enfin, pourquoi ne pas rejoindre l’univers des Kannibals et Vahinés au Musée national des arts d’Afrique et d’Océanie (293 avenue Daumesnil, jusqu’au 18 février. Tél.: +33-1-43 46 51 61)? Une suite d’images nées à la suite des grands récits d’explorateurs à la fin du XVIIIe siècle, et véhiculées par un XIXe siècle avide à la fois de chocs exotiques et de supériorité. Par thèmes, voici, venus des mers du Sud, la menace du cannibale, la beauté de la vahiné, mais aussi le voyage vers l’Enfer ou vers l’Eden, l’ailleurs absolu, le blanc « encanaqué » ou encore le noir blanchi.

Enfin, à l’Hôtel Sully (62, rue Saint-Antoine, jusqu’au 5 janvier. Tél.: +33-1-42 74 47 75), ce sont les représentations du Christ en tous ses états qui sont à l’honneur, via une très particulière histoire de la photographie qui va de Julia Margaret Cameron à Andres Serano en passant par Frantisek Drtikol, Man Ray ou Mapplethorpe.

Strasbourg

Asger Jorn incarne, à lui seul, l’esprit fondamental de Cobra. Le peintre fut animateur, tête chercheuse et immense provocateur. La rétrospective (accompagnée par un ouvrage paru chez Adam Biro) révèle toutes les facettes de son art d’être et de le dire. Aux mêmes dates, une rétrospective du célèbre illustrateur de livres pour enfants, Tomi Ungerer.

Musée d’Art moderne et contemporain, 1, place Hans-Jean Arp, jusqu’au 13 janvier. Tél.: +33-3-88 23 31 31.

GRANDE-BRETAGNELondres

Pisanello (1394-1455) est souvent éclipsé par ses contemporains florentins. Au service des Gonzague, à Mantoue et des Este, à Ferrare, il développe un art d’une précision graphique éblouissante qui fait la part belle à la chevalerie et à la curiosité pour la nature et l’héritage littéraire antique. Autour des principales peintures, médailles et dessins authentifiés, l’exposition recrée l’univers des cours italiennes du XVe siècle (National Gallery. Trafalgar Square. Jusqu’au 13 janvier. Tél.: +44-71 839 33 21)

La Royal Academy of Arts (Piccadilly, jusqu’au 17 février. Tél.: +44-20-73 00 80 00) présente, avec The Dawn of the Floating World, une collection privée d’ estampes japonaises des XVIIe et XVIIIe siècles, réunies par un physicien et offertes en 1928 au musée de Boston, d’où elles ne sont jamais sorties. Les thèmes vont des paysages (Uki-e) aux scènes érotiques (Shunga).

Japon, encore, avec trois visions photographiques que le temps sépare, au Victoria and Albert Museum (Cornwell road, jusqu’au 3 février. Tél.: +44-20-79 42 20 00). Felice Béato est né en 1830, Masahisa Fukase, un peu plus d’un siècle plus tard et Naoya Hatakeyama, en 1958. On passe ainsi de l’ère des premiers photojournalistes (au moment où le Japon s’ouvre) aux effets d’un premier mixage culturel (avec une étonnante série de vues de corbeaux prises dans la région d’Hokkaïdo), alors que, avec le plus jeune, on découvre un Tokyo souterrain et polymorphe.

Dans le même musée, deux autres expositions consacrées, l’une, à l’histoire des arts décoratifs anglais de 1500 à 1900, l’autre, aux nouvelles relations entre artistes plasticiens et stylistes contemporains: Radical Fashion (jusqu’au 6 janvier).

ALLEMAGNEBonn

Hisarlik est le nom d’une cité ancienne située dans les Dardanelles, et qui aurait pu rester ignorée du monde entier si un archéologue allemand du XIXe siècle ne l’avait associée (en rêve) à la célèbre Troie de l’Iliade. Sous le coup des truelles et des pioches, Heinrich Schliemann d’abord, tant d’autres ensuite, révélèrent des trésors dont les plus anciens remontent au IIIe millénaire. Outre des prêts venant de Berlin et, surtout, du musée Schliemann d’Ankershagen, l’essentiel du parcours est ponctué par des pièces sorties pour la première fois des musées turcs (Kunst-und Austellungshalle der Bundesrepublik Deutschland.Friedrich-Ebert-Allee, 4. Jusqu’au 17 février. Tél.: +49-228 91 71 200). A la même adresse (jusqu’au 6 janvier), ce ne sont pas moins de 7000 ans d’ art perse qui ont quitté Téhéran et ses trois plus importants musées. Points forts: les oeuvres en or du premier empire achéménide et le génie décoratif des artisans de l’époque sassanide. Entre la naissance du néolithique et les fastes de Persépolis, entre l’influence grecque après les conquêtes d’Alexandre le Grand, puis celle des Parthes et, enfin, de l’islam, l’Iran a produit d’innombrables chefs-d’oeuvre.

Düsseldorf

Jean-Hubert Martin, aujourd’hui à la tête du nouveau Museum Kunst Palast, a convoqué des moines, des chamans, des sorciers et des artistes afin de construire, dans les salles, un tour du monde des autels. Soit 68 ensembles en provenance de 38 pays! Sans doute la meilleure et la plus pertinente de toutes les expositions de cette fin d’année. Du Togo au Tibet, en passant par le Brésil, la Chine, le Pérou, la Nouvelle-Calédonie, les Etats-Unis et même la France. Un must.

Museum Kunst Palast. Ehrenhof, 4-5. Jusqu’au 6 janvier. Tél.: +49-211-89 29 252.

Mönchengladbach

Le Städtlisches Museum Abteiberg (Abteibergstr., 27, jusqu’au 6 janvier. Tél.: +49-216-12 52 631) joue la carte de la science-fiction et du rêve dans une exposition à vivre sur le thème Futureland. Une quinzaine d’artistes y ont imaginé des parcours et des tunnels. Des univers où virtuel et réel se rejoignent. Au rendez-vous, par exemple, Aernout Mik, Raymond Petitbon ou encore Daniel Roth.

Francfort

Deux musées se partagent une exposition (jusqu’au 27 janvier) sur un des plus grands tabous culturels: le sang. Le sang du Christ, celui des martyrs et des offrandes, le sang menstruel, celui de la viande, mais, aussi, le sang politiquement trop chaud… Bref, à partir d’éclairages scientifiques, ethnologiques et esthétiques, une saga qui va droit… au coeur et au corps. Des pratiques Maya au théâtre d’Hermann Nitsch ou au sida, le rouge crie!

Museum für Angewandte Kunst. Schaumainkai 17. Tél.: +49-69-212 34 037, et Schirn Kunsthalle. Römerber. Tél.: +49-69-299 88 20).

Aix-la-Chapelle

Après la nouvelle génération d’artistes chinois, voici cette autre, venue d’ Indonésie. Peintures, installations, vidéos et performances. Spectaculaire!

Ludwig Forum. Jülicher Strasse, 97. Jusqu’au 12 janvier. Tél.: +241-18 07 104.

PAYS-BASAmsterdam

Eye Infection rassemble cinq artistes récalcitrants aux manières plus convenues de décrire la vie quotidienne. Parmi eux, l’inénarrable Robert Crumb, le père de Félix le Chat et de Mr Natural. Ou, plus provocants encore, les dessins de Mike Kelley, qui convoqua, pour la bonne cause, un serial-killer. Les trois autres sélectionnés, Peter Saul, Westermann et Jim Nutt sont tout autant décalés… (Paulus Potterstraat, 13, jusqu’au 20 janvier, Tél.: +31-20-573 29 11). Au Tropenmuseum (Linnaeustraat, 2, jusqu’au 3 mars. Tél.: +31-20-568 82 00), une exposition confronte les formes non figuratives imaginées par trois cultures différentes: l’Océanie, l’Asie du Sud-Est et l’Australie.

Utrecht

Le Museum Catharijneconvent (Lange Nieuwstraat, 38, jusqu’au 3 mars. Tél.: +31-30-231 38 35) a réuni un ensemble de miniatures chrétiennes réalisées en Arménie et conservées à la Bibliothèque d’Etat de Jerevan, riche de quelque 15 000 manuscrits. D’autres aspects de la culture arménienne sont présentés dans la ville voisine de Leyde.

ESPAGNEBilbao

A travers six chapitres et un choix de peintures, sculptures et dessins, voici un panorama quatre étoiles de la créativité depuis l’impressionnisme jusqu’à aujourd’hui. On y découvre d’abord les oeuvres du collectionneur Thannhauser (une première européenne) avec des toiles signées Cézanne, Degas, Gauguin, Kandinsky ou encore Van Gogh et Matisse. Modern City évoque ensuite la fascination des artistes du XXe siècle pour le paysage citadin (de Delaunay à Chagall ou Georges Grosz). Plus près de nous, voilà une confrontation entre deux des plus grands créateurs espagnols de la seconde moitié du XXe siècle, Tapiès et Chillida. Côté contemporain, une monumentale oeuvre multimédia signée Fabrizzio Plessi (qui illumina cet été Venise lors d’une rétrospective au Museo Correr), sept nouvelles peintures de Jeff Koons et un ensemble de sculptures et dessins de Louise Bourgeois.

Guggenheim Museum, Abandoibarra Et.2. Jusqu’au 20 janvier. Tél.: +34-94-435 90 00.

Barcelone

Hans Arp (1887-1966) participa, aux côtés de Max Ernst, au mouvement Dada de Cologne. Ses reliefs découpés et colorés vont l’amener au constructivisme, puis à des sculptures-nuages.

Fondation Joan Miro. Parc de Montjuic. Jusqu’au 24 février. Tél.: +34-93-329 19 08.

SUISSELausanne

Le musée de l’Art brut (11, avenue des Bergières. Tél.: +41-21-647 54 35) est habité jusqu’au 3 février par les sculptures textiles de Judith Scott. On dirait des poupées d’envoûtement, des cocons de fils tendus et noués. Ce sont des prisons, au centre desquelles on trouverait des objets du quotidien comme un ventilateur, un parapluie ou, encore, des fragments de plastique. Germination et désintégration se croisent sans mot dire.

Le Musée olympique (1, quai d’Ouchy, jusqu’au 7 avril. Tél.: +41-21-621 65 11) explore, quant à lui, l’univers des Indiens Navajos de l’Utah.

Guy Gilsoul

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