Les contre-escrocs s’amusent

Les arnaques par courriers électroniques interposés pullulent. Certains ont décidé de réagir en jouant avec les pieds des arnaqueurs

C’est arrivé à la quasi-totalité des personnes qui possèdent une adresse e-mail : un jour arrive un courrier trop beau pour être vrai. Originaire le plus souvent d’Afrique (Nigeria, Côte d’Ivoire, Bénin…), une personne inconnue, veuve ou orphelin d’un puissant local, souhaite entrer en possession de plusieurs millions de dollars. Pour y arriver, elle sollicite l’aide d’une personne bienveillante, située hors de son pays.

Il existe trois façons de réagir à ce type de courrier. La plus prudente consiste à effacer le message sans y répondre. La plus naïve – et dangereuse – est de jouer le jeu des escrocs en remplissant les formulaires et en acceptant les courriers venant de vrais-faux avocats, et ceux émanant de sites de banque montés de toutes pièces… C’est, bien entendu, la plus sûre façon de ne jamais revoir l’argent dépensé, car il est, en effet, indispensable de payer la location imaginaire de coffres imaginaires à une banque imaginaire, par exemple.

Enfin, il existe une troisième façon de répondre : le scambaiting. Cette approche consiste à faire perdre le plus de temps possible aux escrocs. Dans ce jeu pas comme les autres, tous les moyens sont bons, tous les coups sont permis.

Une communauté de contre-escrocs

Une véritable communauté s’est créée autour du site www.419eater. com. Fondé il y a presque deux ans par Mike (il ne souhaite pas communiquer son nom de famille), un ingénieur informatique de la région de Manchester, ce site réunit 2 000 membres, qui tentent d’occuper le plus possible les escrocs. Les adeptes du scambaiting partagent et échangent les méthodes les plus efficaces pour tromper l’ennemi. Cette communauté, qui comprend plusieurs membres des forces de l’ordre (présents à titre privé), évolue dans un no man’s land légal. Si le but recherché est diamétralement opposé à celui des escrocs, les outils des  » scambaiters  » sont les mêmes que ceux des escrocs : multiples adresses e-mail fournies par des services gratuits, sites bidon d’Eglises charitables ou de bonnes £uvres étonnamment généreuses, destinés à tromper l’ennemi, etc. Heureusement, selon Mike, aucun scambaiter ne s’est encore lancé dans une carrière d’escroc.

En maniant le bâton et la carotte, les scambaiters obtiennent tout ou presque de leurs  » victimes « . L’imagination tordue des scambaiters est, en effet, sans limites. Pour les plus expérimentés, il est possible, en montant un scénario suffisamment crédible, d’envoyer l’escroc en  » safari « . De lui faire effectuer le voyage le plus long, le plus ardu et le plus inutile possible. Un escroc a ainsi envoyé deux complices au fin fond d’une forêt inhospitalière de l’Ouganda, à la recherche d’une caisse de dollars enterrée là par un scientifique américain soi-disant présent sur place pour y étudier les gorilles. La plupart des scambaiters consacrent une à deux heures par jour à ce passe-temps insolite. Mais, sauf si vous avez beaucoup de temps libre et de l’imagination à revendre, la façon la plus sûre de traiter ce type de courrier reste donc de ne pas tomber dans le panneau et de ne pas y répondre.

Baudouin Van Humbeeck

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