Les cartouches de Tim Kretschmer

Après la tragédie de Winnenden, en Allemagne, il apparaît urgent de réglementer le stockage des armes à feu et des munitions, détenues par les civils, ainsi que leur marquage.

Juste avant son raid meurtrier, le 11 mars, Tim Kretschmer a farfouillé dans la table de nuit de son père. Il s’est emparé de son Beretta 9 mm et d’une centaine de munitions. Ensuite, habillé de noir, l’adolescent de 17 ans s’est rendu dans son ancien collège de Winnenden, près de Stuttgart (Allemagne), où il a assassiné quinze personnes, dont neuf élèves. Décrit comme un garçon tranquille, Tim semblait avoir un passé psychiatrique. Il était également passionné, voire obsédé par les armes à feu, auxquels son père l’avait initié en l’inscrivant à un club de tir. Tim se vantait de connaître les codes des placards de la maison où étaient enfermées, en toute légalité, 14 armes à feu et 4 500 cartouches.

Ce bain de sang aurait-il pu être évité ? L’accessibilité des armes et des munitions pour des jeunes comme Tim suscite, en tout cas, beaucoup de questions, une fois de plus lorsqu’on en est à décompter les victimes innocentes. L’Allemagne a pourtant durci à deux reprises sa législation sur les armes. Cela n’a pas suffi. Est-il normal de détenir chez soi 15 armes, dont une dans le tiroir de sa table de nuit, ainsi que 4 500 cartouches ?

Qu’en est-il en Belgique ? Notre petit pays, on l’a vu récemment à Termonde, n’est pas épargné par ce type de criminalité. Lorsqu’il s’est attaqué à la crèche Le Pays des fables, Kim De Gelder était armé de couteaux. Que se serait-il passé, si ce meurtrier déterminé avait eu accès à l’arsenal du père de Tim ? Il y aurait eu, sans doute, bien plus que trois morts.

Aucune règle, aucune loi ne préviendra toutes les tragédies. Il n’en est pas moins important de prévoir une réglementation stricte pour le stockage des armes à feu et des munitions. En Belgique, on attend toujours un arrêté royal en la matière, alors que la nouvelle loi sur les armes a été adoptée en 2006. Le ministre de la Justice pourrait s’inspirer du modèle législatif canadien. Celui-ci stipule que les armes détenues par des civils doivent être entreposées non chargées dans une chambre forte ou un coffre-fort construit expressément à cet effet et que les munitions doivent être entreposées sous clé dans un autre endroit sécurisé. Seul le détenteur des armes et donc du permis de les détenir peut avoir accès à ces coffres-forts.

En Belgique, avant que le ministre prenne un arrêté, c’est le Conseil consultatif sur les armes qui prépare le terrain pour ce type de réglementation. Mais, depuis 2006, le conseil, qui doit se pencher sur une vingtaine d’arrêtés, s’est réuni régulièrement pendant trois mois et puis, quasi plus rien.

Réglementer les munitions : une nécessité complémentaire

On en parle peu, mais réglementer les munitions est une nécessité complémentaire à toute législation en matière de détention d’armes. Cela signifie qu’il faut aussi les enregistrer, circonscrire rigoureusement leur vente, contrôler leur utilisation et les marquer, pour assurer leur traçabilité. Ces dispositions, demandées par le Grip (Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité), paraissent d’autant plus nécessaires que la loi de 2006, telle qu’elle a déjà été révisée en juillet 2008, permet de conserver des armes pour lesquelles il ne fallait pas d’autorisation auparavant, pour autant qu’on ne dispose pas de munitions. Cela concerne beaucoup de détenteurs. Le lobby des armes s’est battu bec et ongles pour obtenir cet amendement législatif, l’année dernière. Le problème est que les possibilités de se procurer des munitions de manière légale ou non sont nombreuses.

Il suffit d’aller en France ou en Suisse où celles-ci sont en vente libre. Il est possible d’en acheter sur Internet ou, sous le manteau, dans les bourses d’armement, comme la Bourse Militaria de Ciney. Des blogs sur Internet expliquent également comment confectionner ses propres munitions, moyennant l’acquisition d’une presse que les chasseurs connaissent bien et un matériel (poudre noire, amorces, douilles…) dont la possession est permise par la loi. Il est surtout aisé d’en recevoir d’un ami tireur et détenteur d’un permis, bien que ce dernier engage sa responsabilité pénale.

Difficile de comprendre pourquoi le marquage des munitions se heurte à tant d’obstacles, alors que l’origine des composants d’un jouet d’enfant peut être identifiée à tous les stades de la chaîne de production. Le Brésil est le seul pays au monde qui marque les munitions (numéro de série et numéro du lot) et, encore, uniquement les munitions militaires pour éviter que celles-ci ne fassent l’objet d’un trafic entre policiers et malfrats. C’est une société wallonne qui a équipé la Companhia brasileira de cartuchos. Basée à Louveigné-Sprimont, la EDB Engineering a mis au point un procédé de marquage au laser très performant, qui n’augmente pas le temps de production. C’est donc bien de volonté politique qu’il s’agit…

Thierry Denoël

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