Les canaux à suivre pour y être

Guy Gilsoul Journaliste

La Biennale de Venise fait, une fois encore, le plein d’expositions tous azimuts. Nous avons suivi un commissaire belge indépendant tout au long des mois de préparation.

Il faut oser. Il a osé. Antonio Nardone avait connu un beau succès avec l’exposition Wunderkammer qu’il avait imaginée et présentée au Botanique, à Bruxelles, en décembre 2012. Il avait espéré la vendre à d’autres institutions du pays. Sans succès. Qu’à cela ne tienne. Après quelques contacts en Italie et l’ouverture d’une antenne à Turin en septembre 2013, le commissaire bruxellois (par ailleurs galeriste) prend une décision déraisonnable : monter Wunderkammer dans un palais vénitien lors de la Biennale 2013.

Un mois plus tard, il gagne la sérénissime et contacte Arte Eventi qui négocie des espaces d’exposition avec les propriétaires locaux pour des institutions privées ou des pays n’ayant pas de pavillon dans les Giardini. Il reste alors une vingtaine de lieux dont quelques églises qui se négocient autour des 250 000 euros. En novembre, il retourne à Venise et se met à la recherche d’un palais dont les espaces conviennent au propos intimiste de l’exposition. Après cinq jours, il a trouvé. Ce sera le Palais Widmann situé non loin du Rialto. Avec ses plafonds bas et stuqués, ses murs lisses et la discrétion des lumières, il convient à merveille au côté mystérieux propice à un cabinet de curiosités contemporain. Coût : 60 000 euros dont un tiers à verser sur le champ en guise d’acompte. A partir de ce moment, tout va aller très vite.

Et d’abord, obtenir diverses autorisations après soumission de dossiers assez lourds réalisés en collaboration avec un ingénieur local. Cela va de l’accessibilité, les protections incendie, les poids et dimensions des oeuvres à la pose d’un panneau sur la façade de l’immeuble. Très vite, il faut aussi gérer l’acheminement des pièces dans le palais. Car le camion ne peut aller plus loin que l’aire de stationnement de la gare. A partir de là, il faut louer une barge et la choisir en fonction de la largeur des canaux à traverser. Au vu du nombre des expositions en montage au même moment, il s’agit de signer au plus tôt un contrat et, le jour venu, d’être à l’heure au rendez-vous. Ces formalités accomplies, le commissaire revoit alors le choix des oeuvres. La barge réclame en effet des caisses d’une dimension précise. Les oeuvres doivent donc correspondre à certains formats. Il faut aussi compter avec l’accès au palais et tenir compte cette fois des dimensions des portes et des limites de poids à ne pas dépasser. Du coup, le contenu de l’exposition bruxelloise se transforme. De nouvelles pièces, voire de nouveaux noms, apparaissent. Certains sont belges. Quatre sont italiens. Une façon d’attirer le public local. Enfin, il ne faut rien oublier des outils et matériels techniques nécessaires au montage. En effet les magasins spécialisés se trouvent hors de Venise. Or chaque minute est précieuse durant les cinq jours de mise en place. Une fois inaugurée, l’exposition doit encore se trouver une place parmi tant d’autres organisées souvent par de véritables machines de guerre.

D’où l’importance de la communication. Si Nardone renonce à rejoindre la famille officielle de la Biennale et ses  » Eventi Collaterale  » (coût 20 000 euros), il s’associe avec une jeune agence locale (Arteventi) afin d’assurer la promotion de la manifestation et l’organisation de rencontres pour lesquelles il ménage un salon de réception. Son défi : nouer des contacts avec des personnalités, collectionneurs, marchands mais aussi directeurs de musée et commissaires indépendants. Son espoir est double : d’abord, se faire reconnaître comme commissaire au niveau international. Ensuite, promouvoir les artistes. Car il y a bien quelques têtes d’affiche (Jan Fabre et Wim Delvoye), mais d’autres parfois jeunes sont encore totalement inconnus sur la scène internationale. Pour Nardone qui a déboursé près de 200 000 euros, le pari est énorme.

Wunderkammer. Cabinet de curiosités contemporain, au Palazzo Widmann, Calle Larga Widmann, jusqu’au 29 septembre.

www.wunder kammerexpo.com

GUY GILSOUL

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