Les 10 défis de Bruxelles

2012, année charnière pour Bruxelles. Les élections communales d’octobre permettront d’y mesurer l’évolution des rapports de force politiques après l’accord au fédéral sur la sixième réforme de l’Etat. La Région-Capitale devra aussi mettre en ouvre les réformes censées améliorer le fonctionnement de ses institutions. Elles répondent à certains des dix défis que nous avons choisi d’épingler.

C’est un peu le monstre du loch Ness rapporté au bois de la Cambre. Tout le monde en parle, chacun a sa petite idée sur ce à quoi il devrait ressembler (ou pas) mais personne ne l’a jamais aperçu. Et voici qu’aujourd’hui nombreux sont ceux qui s’attendent à le voir bientôt surgir – ou plutôt advenir. Le Nessie de Bruxelles-Capitale, c’est la réforme de ses institutions. Comprenez : la rationalisation des compétences respectives de la Région et des communes, pour en améliorer le fonctionnement.

Venues de Flandre, portées par le vent de tensions communautaires qui empoisonnent le pays depuis 2007 et au-delà, des voix se sont élevées pour réclamer une meilleure gouvernance à Bruxelles, gage selon elles d’une gestion plus efficace de la Région-Capitale dans une série de domaines clés, allant de la mobilité à l’emploi, en passant par l’urbanisme, la sécurité ou… la propreté publique. Certains allaient jusqu’à exiger la fusion des 19 communes, censée rimer avec économies et efficacité, ce que contestent en ch£ur les francophones du cru. Didier Gosuin, chef de groupe FDF au parlement bruxellois, démontrait encore récemment le contraire, chiffres à l’appui, dans les colonnes du Soir. Le quotidien en a profité pour reposer la question à l’ensemble des partis et, surprise : hormis la N-VA, plus aucune formation nordiste ne réclame la fusion (1).

Le débat est donc redevenu (un peu) plus serein. C’est qu’entretemps la sixième réforme de l’Etat a été ficelée. Et qu’elle intègre un volet bruxellois non négligeable, qui a le mérite de mettre tout le monde d’accord sur un point :  » C’est un bon début !  » concèdent en ch£ur tous les partis. Reste à le faire advenir.

Accord intrabruxellois

Premier volet : le transfert à Bruxelles des nouvelles compétences cédées aux Régions par l’Etat fédéral. Là, le calendrier est assez serré puisque la réforme doit entrer en vigueur d’ici à 2014. Le gouvernement bruxellois est à l’£uvre. Fin janvier, il adoptait une  » méthodologie d’accueil des compétences transférées par l’autorité fédérale « . Dans la foulée, le ministre-président, Charles Picqué (PS), annonçait la mise en place de six groupes de travail chargés d’organiser très concrètement le transfert, dossier par dossier. De l’emploi et de la politique économique à la mobilité, en passant par l’énergie, l’environnement, la justice, le logement, l’aménagement du territoire et, bien sûr, les  » compétences fiscales transférées « . C’est sur les rails.

Le second volet, c’est une autre paire de manche : la fameuse réforme intrabruxelloise dont les francophones ont dû finir par concéder le principe à leurs partenaires flamands. Un  » groupe des sages « , composé de représentants bruxellois de chaque parti, avait déjà tenté de débroussailler le terrain début 2010, mais il s’était arrêté à l’ébauche de quelques pistes de travail, prétextant qu’il ne servait à rien de jouer plus vite que la musique fédérale. De fait, c’est dans la foulée du compromis intervenu entre les négociateurs fédéraux sur BHV, en septembre 2011, qu’un  » accord intrabruxellois  » a été ficelé sous l’égide du socialiste Philippe Moureaux.

On est loin du fantasme flamand de fusion des communes. Mais un certain nombre d’avancées sur la voie de la rationalisation suffit, cette fois, à mettre tout le monde d’accord – au moins temporairement. Car ces réforme(tte)s doivent encore être mises en £uvre. Un nouveau groupe de travail rassemblant les partis de la majorité bruxelloise plus le MR et le SP.A, dans l’opposition à Bruxelles mais signataires des accords fédéraux, doit commencer ses travaux au sein du parlement bruxellois.

Parmi les décisions qu’il devra faire advenir, on retiendra le transfert de compétences des communes vers la Région en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire, de circulation ou de tourisme ; le renforcement des politiques de sécurité, dont la gestion des zones de police, sous la responsabilité du ministre-président ; la réduction du nombre de sociétés de logement social et le transfert aux communes de la responsabilité… d’entretenir les voiries régionales – c’est une vieille revendication des édiles. Il n’est en revanche plus question, à ce stade, d’harmoniser les différentes taxes communales, comme l’avait pourtant préconisé le défunt  » groupe des sages « .

Forger l’identité

Pas de quoi révolutionner la gestion bruxelloise ? Sans doute. Mais cela permettra peut-être à la Région de relever certains défis posés depuis longtemps. Ecolo, par exemple, note qu’elle sera désormais compétente pour l’élaboration d’un plan régional de mobilité.  » De quoi permettre d’enfin mener des politiques globales de mobilité sur l’ensemble du territoire bruxellois « , espèrent les verts. Qui se réjouissent pareillement de  » l’avancée décisive  » que constitue la prérogative de délivrer les permis de bâtir pour les grands projets immobiliers, bientôt cédée par les communes à la Région.

Tels sont quelques-uns des domaines où les chantiers sont énormes, à Bruxelles. Il y en a beaucoup d’autres qui ne sont pas, à ce stade, concernés par les réformes. Dans les pages qui suivent, nous en avons épinglé dix dont les enjeux sont importants. En les abordant par l’exemple pour coller aux préoccupations concrètes des Bruxellois plutôt qu’à leurs aspects institutionnels.

Ainsi, en matière de mobilité, les plans successifs – Iris 2 est le dernier en cours – négligent délibérément la voiture électrique, contrairement aux choix posés par d’autres grandes villes européennes. A l’inverse, au rayon développement durable, la Région a lancé l’ambitieux pari d’imposer le passif, dans l’immobilier, à un rythme pionnier.

Deux défis majeurs, ceux de l’emploi et de l’enseignement, paraissent toujours aussi insolubles. Le premier, parce que le taux élevé de création de postes ne suffit pas à répondre aux besoins d’une démographie galopante, le second parce que la compétence est toujours communautaire, même si, désormais, le débat de la régionalisation paraît tout doucement s’amorcer.

Nous sommes encore allés interroger l’identité d’une ville métissée, dont 30 % de la population est d’origine étrangère et où les clivages sont aussi bien culturels que sociaux. C’est aussi pour cela qu’un certain nombre d’artistes ont lancé un vaste plan censé donner à Bruxelles une véritable identité culturelle, qui tarde à advenir. Et, cerise sur le gâteau en cette  » Année de la gastronomie bruxelloise « , nous sommes partis en quête des héritiers d’une époque, pas si lointaine, où Bruxelles occupait une place enviée sur la carte mondiale du bien manger. Bonne nouvelle : la relève est assurée. Sur ce plan-là au moins, le défi est relevé.

(1)  » Exit la fusion des communes « , Le Soir du 2 février 2012.

UN DOSSIER DE PHILIPPE BERKENBAUM, VINCENT DELCORPS, ANNABELLE DUAUT, RAFAL NACZYK ET FANNY VILLEDI

Fusion des communes : le débat est redevenu serein

Parmi les décisions à prendre : réinventer l’aménagement du territoire, la circulation et le tourisme

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