Le  » vredestoerisme  » cher au combat flamand

Comment la vision pacifiste de la guerre 14-18 sert aussi la lutte du Mouvement flamand contre l’Etat belge.

Le plan de bataille échafaudé par l’ex-ministre N-VA Geert Bourgeois veut tirer profit de la Grande Guerre sur les seuls plans touristique et diplomatique. Sans s’aventurer, jusqu’ici, sur le terrain plus glissant de la connotation historique à apporter à cette commémoration. Ce ne sont pas les spécialistes de la Première Guerre mondiale qui s’en plaindront. Dans le nord du pays comme au sud, on les sent partagés entre l’embarras, une pointe d’agacement et la résignation. Côté francophone, c’est la surprise qui domine :  » J’ignorais ce projet, j’en tombe des nues !  » lance Francis Balace, historien à l’université de Liège. Mis davantage au parfum, les historiens flamands se refusent à tout procès d’intention. Ou se disent dans l’expectative. Piet Chielens, coordinateur du musée In Flanders Fields, à Ypres, assure qu’à ce stade  » l’approche historique n’a pas encore été débattue. Mais je n’imagine pas que l’on puisse faire l’impasse sur la totalité du déroulement du conflit. 14-18 reste une histoire belge avant d’être flamande « . Le risque qu’il en soit autrement existe-t-il ?  » Le risque de confiscation existe toujours. La Première Guerre mondiale a été une guerre belge, livrée par une armée belge. Mais elle représente aussi une étape importante dans la construction de l’identité flamande « , rappelle Bruno De Wever, spécialiste du Mouvement flamand à l’université de Gand.  » Va-t-on commémorer la « brave little Belgium » ou « In Flanders Fields »  » ? résume un historien flamand perplexe. That’s the question, en effet…

Le concept de  » vredestoerisme « , très en vogue en Flandre et cher au N-VA Geert Bourgeois, qui en faisait la pierre angulaire de sa vision de la Première Guerre, prend ici tout son relief. Le vocable a de quoi intriguer le profane, surtout francophone. Mais son usage n’est pas tout à fait innocent dans le chef du Mouvement flamand, comme le fait remarquer l’historienne Laurence van Ypersele, spécialiste de la Première Guerre mondiale à l’UCL.  » Ce concept de « vredestoerisme » renvoie à la vision pacifiste de la guerre, liée à l’esprit de Locarno (NDLR : les accords de Locarno de 1925 garantissaient les frontières fixées après la guerre), et qui se développe dans l’entre-deux-guerres. Il faut se souvenir de la guerre pour promouvoir la paix, faire la guerre à la guerre.  » Ce message porteur cadre mal avec l’exaltation de l’amour de la patrie, assimilée à la haine de l’ennemi. Le combat flamand va donc l’intégrer pour le recycler contre son principal adversaire : l’Etat belge, jugé oppresseur.  » Si l’ennemi n’est plus l’Allemagne mais la guerre, on peut dé-signer un autre responsable des souffrances du peuple flamand. Le méchant n’est plus l’Allemand, mais peut donc être la Belgique, qui a permis ce sacrifice dont a été victime le peuple flamand.  » CQFD.

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