Le vote électronique condamné avec sursis

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Les oliviers wallon et bruxellois sonnent le glas du très controversé vote automatisé. Mais sans décréter le retour en grâce du bon vieux vote papier. Casse-tête : la troisième voie rêvée, mi-électronique, mi-traditionnelle, est impayable en temps de crise budgétaire.

Le paragraphe, perdu dans la volumineuse  » bible  » qui va guider l’action du nouveau gouvernement wallon, débute par un arrêt de mort :  » Mettre fin à l’expérimentation actuelle du vote électronique en Wallonie afin de renforcer le contrôle démocratique sur l’organisation des élections communales et provinciales.  » La sentence, inédite dans une déclaration de politique régionale, se perd ensuite en une formule plus alambiquée :  » Le gouvernement favorisera les types de vote traditionnels et étudiera la possibilité d’expérimenter des alternatives électroniques qui permettent de conserver les bulletins de vote papier.  » C’est consigné, noir sur blanc : les jours du vote automatisé, sous sa forme actuelle, sont comptés dans le sud du pays. Son avenir paraît aussi compromis en Région bruxelloise, même si le nouveau gouvernement formule ses intentions plus sobrement :  » Améliorer le contrôle citoyen en ce qui concerne le vote électronique pour les élections communales, voire supprimer ce dernier.  » C’était le minimum que pouvaient promettre les oliviers plantés en Wallonie et à Bruxelles. Les partenaires PS – Ecolo – CDH ont tous exprimé leurs réticences ou leur aversion, pour le vote par PC qu’ils souhaitent bannir des isoloirs. Les verts en faisaient encore un point explicite de leur programme électoral en juin dernier. Le PS en a fait l’objet d’un projet de résolution déposé à la Chambre.

Le vote électronique est mort, vive le vote papier intégral au scrutin communal de 2012 ?  » Doucement ! On dit objectif 2012, comme on dirait Objectif Lune !  » tempère le nouveau ministre wallon des Pouvoirs locaux, Paul Furlan (PS). Ce serait trop simple, en effet. On ne se débarrasse pas aussi facilement d’une habitude ancrée depuis dix-huit ans dans nos m£urs électorales. Encore que de manière fort inégale : s’il s’est totalement imposé aux Bruxellois depuis 1998 et a conquis 49 % du corps électoral flamand, le vote automatisé n’a fait qu’une timide percée auprès de 22 % d’électeurs wallons et de 15 % des communes sudistes, essentiellement en province de Liège. Depuis ses premiers pas , le vote électronique éveille les soupçons parmi de nombreux francophones qui s’en passeraient volontiers. Le passage à l’acte s’annonce cependant délicat. C’est surtout vrai en Région bruxelloise, où la perspective d’un retour complet du vote papier donne des sueurs froides : on se souvient encore des bulletins de vote d’une longueur kilométrique à déplier dans les isoloirs. Tant à Bruxelles qu’en Wallonie, les nouvelles coalitions régionales se raccrochent à l’espoir d’une troisième voie, qui puisse enfin garantir transparence et contrôle démocratiques. Celle que recommande un consortium d’universités : la procédure électronique, assortie d’un dispositif de contrôle par bulletin papier (Le vote sur écran serait  » confirmé  » par un print, contrôlable par l’électeur et utilisable en cas de contestation). Le hic, c’est que cette formule de compromis s’avère financièrement inabordable. Son coût (13,6 euros par vote) décuplerait pratiquement la facture du vote papier (1,50 euro), qui est déjà trois fois moins cher que le vote électronique actuel (4,50 euros). Déraisonnable à assumer pour les communes, qui doivent acheter le matériel de vote. Mais tout aussi difficilement soutenable pour les Régions, compétentes pour organiser les élections communales et provinciales. Voire même pour l’Etat fédéral, en charge des scrutins fédéraux et régionaux, pourtant chaud partisan de la technologie à des fins électorales. La disette budgétaire généralisée pourrait bien avoir partout raison du vote électronique, devenu un luxe superflu. Et ne laisser le choix qu’au vote traditionnel.

PIERRE HAVAUX

à bruxelles, la perspective d’un retour du vote papier donne des sueurs froides

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