Dans les jardins du musée van Buuren, les sculptures de Caro semblent lancer un défi à la pesanteur. © Thierry Balasse

Le vide et le plein

Les énigmatiques sculptures de l’Anglais Anthony Caro s’invitent dans l’écrin exceptionnel des jardins du musée van Buuren, à Bruxelles. Un événement.

Anthony Caro (1924-2013) fut d’abord l’élève de Henry Moore avant de devenir son assistant et de subir son influence. Ce n’est qu’après un voyage à New York en 1959 (il y rencontre notamment le sculpteur David Smith et le peintre Kenneth Noland) que l’Anglais opèrera un changement radical dans son oeuvre, abandonnant alors le travail de la terre au profit de l’acier. Acier auquel s’ajouteront bientôt le bronze ou l’acier galvanisé : Caro prend ces matériaux à bras-le-corps, les découpe par plaques qu’il assemble souvent à la verticale, en ne cachant rien du processus de fabrication : soudures, rivets, boulons, charnières et autres systèmes d’assemblage sont bien visibles. Assembleur compulsif, l’Anglais n’aura de cesse d’intégrer des objets de récupération, toujours métalliques, glanés ou achetés de-ci de-là, uniformisant ses sculptures en choisissant des matériaux d’une même gamme chromatique ou en les recouvrant d’une même couleur. En résulte des objets énigmatiques, difficilement identifiables, mais d’où ressortent particulièrement les qualités d’équilibre et de rapports d’échelle.

Sans recto ni verso

Si les sculptures abstraites de Caro produisent ce sentiment de défi à la pesanteur, donc de liberté, c’est qu’il abandonne le socle, du moins pour les sculptures monumentales telles qu’on les découvre à Bruxelles : leur disposition sur les pelouses, sous les frondaisons ou sur les terrasses des jardins met en avant non seulement leur liberté formelle mais aussi leur rapport particulier à l’espace. A la différence d’un Henry Moore par exemple, les sculptures de Caro ne sont pas pleines, mais ouvertes. Elles intègrent de ce fait leur environnement, qui les intègre à son tour. Structures sans recto ni verso, donc sans sens de lecture, elles se donnent à voir sous différents points de vue. Certaines, qu’il appelait lui-même  » sculpitectures « , sont de véritables constructions architecturales.

Si l’exposition au musée van Buuren (1) aborde toutes les périodes de son travail, depuis l’historique et avant-gardiste Second Sculpture datant de 1960 jusqu’aux pièces en acier galvanisé de 2009, offrant ainsi un véritable parcours rétrospectif sur l’oeuvre, les travaux plus récents d’Anthony Caro sont, quant à eux, exposés au même moment à la galerie Templon (2). Ceux réalisés en perspex (un dérivé du plexiglas aux propriétés de transparence à la lumière exceptionnelle) manifestent le souci d’expérimentation et de renouvellement constant dont a toujours fait preuve le sculpteur. Tout comme ces curieuses petites Table-Pièces en matériaux divers, auxquelles la galerie consacre une salle, point d’orgue de cet hommage bruxellois à un grand artiste anglais.

(1) Anthony Caro dans les jardins du musée van Buuren, à Bruxelles (Uccle), jusqu’au 8 octobre prochain. www.museumvanbuuren.be

(2) Anthony Caro, Table Pieces and Late Sculptures, à la galerie Daniel Templon, à Bruxelles (Saint-Gilles), jusqu’au 22 juillet prochain. www.danieltemplon.com

Par Bernard Marcelis

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