Le trou noir des libéraux flamands

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Karel De Gucht et ses démêlés avec le fisc, Annemie Turtelboom aux prises avec Dame Justice, De Croo junior en ballottage à la tête d’un Open VLD en très petite forme dans les sondages. Les libéraux flamands poursuivent leur mortelle randonnée.

Il ne manquait plus que ça. La cerise sur un gâteau déjà plus très appétissant. Karel De Gucht, commissaire européen, est aux prises avec un dossier de fraude fiscale (1,2 million d’euros) que lui colle aux basques l’Inspection spéciale des impôts (ISI).

Comme on dit dans ce cas-là, cela fait mauvais genre. Même si l’intéressé crie au  » harcèlement politique « . Même si la Commission européenne ne fronce aucun sourcil devant cette  » question privée « . Même si l’Open VLD n’a pas attendu les ennuis fiscaux d’une de ses figures de proue pour toucher le fond.

Cela fait une paye que les libéraux flamands n’ont plus eu droit à une véritable bonne nouvelle.

La santé et le moral au plancher. Rien ne va plus au jeu de la roulette électorale. La mécanique libérale flamande patine depuis le catastrophique scrutin régional de 2004 qui a ramené l’Open VLD au niveau qu’il atteignait quinze ans plus tôt. Elections 2007, 2009, 2010 : la descente aux enfers s’est poursuivie (voir l’infographie). Les derniers sondages accordent à l’Open VLD le bénéfice d’un léger frémissement. Mais trop maigre pour revenir à la hauteur de ce qui était son plus… mauvais score, enregistré en juin 2010.

Voilà qui relègue les libéraux flamands à la quatrième place dans le paysage politique flamand, au coude-à-coude avec un Vlaams Belang lui aussi en chute libre. Pointé autour des 10 %, l’Open VLD n’est plus que l’ombre de ce qu’il a été : un parti qui captait encore 24,4 % des voix en 2003.

Il faut avoir l’optimise à tous crins d’un vieux briscard qui en a vu d’autres, comme Herman De Croo, pour croire qu’il ne s’agit là que d’une mauvaise passe. Et qu’après la pluie viendra fatalement le beau temps (voir son interview).

Le buzz loupé d’Alexander De Croo. A peine élu président, De Croo junior faisait sensation. Au printemps 2010, il fait faire la grande culbute au gouvernement Leterme II. Electoralement, l’Open VLD n’a rien gagné aux 500 jours de chaos politique. Si ce n’est la réputation d’un parti imprévisible, aux mains d’une génération de têtes brûlées dont il faut toujours se méfier.

Trois ministres bien exposés. L’Open VLD a décroché trois postes ministériels bien en vue dans le gouvernement fédéral Di Rupo Ier. Vincent Van Quickenborne en  » numero uno  » avec les Pensions, Annemie Turtelboom à la Justice, Maggie De Block à l’Asile et à la Migration.

 » Il s’agit de départements a priori porteurs électoralement, notamment sur le terrain sécuritaire qu’apprécient les libéraux. Les ministres Open VLD sont d’ailleurs assez populaires « , décode Dave Sinardet, politologue à l’université d’Anvers et à la VUB. Mais, car il y a un grand mais :  » L’Open VLD ne réussit pas à vendre vers l’extérieur ce qu’il obtient au gouvernement. A force de toujours donner l’impression de ne pas avoir ce qu’il veut, à force de réclamer toujours plus, il passe pour un parti qui n’obtient jamais rien. Ce n’est pas très intelligent. « 

Un présidentfragilisé. Alexander De Croo tarderait à entrer dans son personnage et à imprimer une ligne claire au parti. Les sombres prévisions alimentent la contestation interne, et des langues se délient chez les poids lourds du parti.

Vanhengel, ministre bruxellois du Budget et opposant affiché à De Croo junior, suggère ouvertement de changer d’entraîneur. Van Quickenborne, pourtant proche du président, ou encore ce bavard impénitent de De Gucht, doutent tout aussi publiquement de l’avenir des Bleus en Flandre. En clair : ça grenouille, ça s’énerve, ça panique.

Révolution de palais en vue ? L’élection à la présidence du parti, programmée fin de l’année, devrait inciter les comploteurs potentiels à patienter. A moins qu’une raclée électorale en octobre ne précipite la curée.

Verhofstadt, l’homme providentiel du passé. Le Grand Bleu parti pour l’Europe reste crédité dans les sondages d’une étonnante popularité, mais curieusement chez les seuls francophones.

Guy Verhofstadt, le retour du messie à l’Open VLD ? Pas gagné en Flandre. Dave Sinardet :  » Son passé d’homme de compromis ne plaide plus en sa faveur auprès d’une droite libérale « , plus encline à l’intransigeance. La relève pourrait s’incarner dans le député Mathias De Clercq. A 31 ans, le poulain de Verhofstadt n’a pas encore entamé de grand galop.

L’Open VLD : stop ou encore ?  » Prudence. On a déjà prédit le même sort au CD&V « , conclut Sinardet. Et si Herman De Croo avait raison ?

PIERRE HAVAUX

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