Le théâtre a les boules

Chaque année ça revient, comme la dinde et la bûche, mais avec plus de saveurs, plus de variété et la certitude de plaire à tous les âges. Du 26 au 30 décembre, Noël au théâtre investit les planches bruxelloises pour un nouveau festin de spectacles  » jeune public « . Petite pioche parmi les 22 propositions.

Le plus tendre

Cela fait plusieurs décennies que le théâtre s’adresse aussi aux tout- petits, aux bébés, avant l’entrée à l’école maternelle. Cocon, de la compagnie Zvouki, est destiné aux enfants entre 6 mois et 2 ans et demi. Avec Charlotte Fallon, pionnière dans le domaine, à la mise en scène, on a la certitude d’être entre de bonnes mains, chaleureuses et bienveillantes. La comédienne et conteuse Valia Chesnais et le comédien et musicien Evgeny Makarov y convoquent les magnarelles, ces femmes qui travaillaient en Provence dans l’élevage du ver à soie. Le petit miracle de ces chenilles produisant, pour former leur cocon, un fil de bave qui se durcit et s’étire entre 800 et 1 500 mètres est le pivot d’un pur moment de douceur où les bambins suivent le cycle de la vie du ver à soie, des oeufs à l’éclosion des papillons. Après la représentation, les petits sont invités à entrer dans l’espace de jeu constitué par un tapis de laine et à découvrir les différents accessoires du spectacle.

Le plus historique

Théâtre jeune public de la Communauté germanophone de Belgique, l’Agora Theater, basé à Saint-Vith, a livré bien des pépites : Wanted Hamlet, Le Cheval de bleu, Les Croisés… Il adapte cette fois le livre pour enfants de l’écrivaine et théologienne Marion Muller-Colard : Le Petit Théâtre de Hannah Arendt. L’histoire commence à New York, en décembre 1975, alors que la politologue, journaliste et philosophe allemande est arrivée au bout de son existence. Une petite fille, elle aussi appelée Hannah, lui apparaît et la questionne sur les mots qu’elle invente. Pour lui faire sa démonstration, Arendt, en vraie  » penseuse de terrain « , décide d’emmener la jeune Hannah au théâtre. Elles rencontreront Aristote, un loup, un renard et traverseront le contexte qui força la philosophe, juive, à fuir l’Allemagne.

Le plus lyrique

Habituée aux relectures en théâtre d’objet des grands classiques de la littérature ( Madame Bovary, Les Misérables, Gargantua et Pantagruel), la compagnie Karyatides s’adjoint les services d’un pianiste et d’une soprano pour une version  » mini- opéra  » du Frankenstein de Mary Shelley. Sous un petit toit feuillu d’où descendent des éléments de décor, statuettes et bustes retracent le parcours de Victor, scientifique prometteur désireux de percer les secrets de la vie, inconsolable après la mort de sa mère, et de sa soeur adoptive Elizabeth, jusqu’à la naissance de la monstrueuse créature, aussitôt abandonnée par son géniteur. La tragédie, semée de moments déchirants, n’oublie pas de se parer de traits d’humour, clins d’oeil et anachronismes. A la hauteur du mythe.

Le plus crossgender

Fruits d’une sagesse immémoriale, les contes traditionnels sont inépuisables. La compagnie Dérivation ( La Princesse au petit pois, le concert rock pour enfants Comète) revisite à sa sauce Le Petit Chaperon rouge et n’hésite pas à multiplier les inversions. Ici, le loup a peur du noir et n’a pas très envie de manger des enfants, tandis que le Chaperon a du poil au menton et semble posséder l’étoffe d’un super-héros. Dans cette version fourmillant de références cinématographiques, les deux comédiens, Simon Espalieu et Julien Rombaux, sont accompagnés d’un DJ, Daniel Offermann, que certains reconnaîtront comme le bassiste de Girls in Hawaii.

Le plus ensoleillé

Cette année, Noël au Théâtre propose un focus sur l’Afrique, avec plusieurs créations et des ateliers musicaux. Née de la collaboration entre le Théâtre des 4 Mains, basé à Beauvechain, et le Théâtre Soleil de Ouagadougou, Pinocchio le Kikirga fait partie de cette programmation spéciale. Le conte de Collodi est confié à la griote  » Koné « , à des comédiens et manipulateurs de marionnettes et à deux musiciens-chanteurs burkinabés. Les aventures du pantin de bois désobéissant croisent des personnages traditionnels de l’Afrique de l’Ouest et d’autres, comme un passeur libyen, faisant écho à des désastres contemporains. Un pont jeté entre l’imaginaire de deux continents.