Le Taser bientôt au ceinturon des forces de l’ordre ?

C’est au détour d’une question d’un parlementaire que le ministre de l’Intérieur, Guido De Padt, a annoncé que les unités d’élite de la police fédérale étaient équipées du Taser, une arme à impulsions électriques. La polémique est lancée.

Deux barrettes viennent s’accrocher sur le torse de l’individu. Son corps se raidit, pétrifié par une décharge de 50 000 volts qui l’immobilise quelques dizaines de secondes. C’est ainsi que fonctionne le Taser, un pistolet à impulsions électriques classé dans la catégorie des armes  » non létales « , comme les gaz lacrymogènes ou les canons à eau. Il ne peut donc pas, en principe, donner la mort. L’objet est loin de faire l’unanimité.

Pour ses défenseurs, il offre une alternative au pistolet traditionnel. Le Taser permet de neutraliser un suspect ou une personne qui aurait des comportements violents sans pour autant attenter à sa vie. Les policiers se sentiraient ainsi moins vulnérables lors d’interventions délicates notamment lorsqu’ils sont menacés avec des armes blanches. Situations dans lesquelles la légitime défense et le recours à une arme à feu conventionnelle ne sont pas évidents à établir. Les policiers de terrain espèrent en être équipés très rapidement. Pour Jean-Marie Hottat, chef de brigade d’une zone de police de Bruxelles, l’arme électrique est l’alternative idéale pour certaines de ses missions :  » Cette arme a de multiples avantages. Elle est très sécurisante pour nous. Face à des personnes violentes, elle peut être un moyen de dissuasion. Si nous devions l’utiliser, le suspect serait très vite immobilisé sans que l’on ait recours à une arme létale. Les dérapages seraient donc moins fréquents. « 

Des victimes malgré tout

Les ONG de défense des droits de l’Homme et des experts en armement sont loin de partager cet avis. En France, la décision de Nicolas Sarkozy d’étendre l’utilisation du Taser à l’ensemble des forces de l’ordre a provoqué un tollé dans le monde des associations.

Luc Mampaey, chercheur au Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité à Bruxelles (GRIP), se dit  » très réticent à l’usage des armes à impulsions électriques par les forces de l’ordre à cause des nombreux risques de dérapages et de bavures « . Pour lui, de plus en plus de cas litigieux viennent entacher la réputation du Taser. Il note que contrairement à son objectif  » non létal « , le Taser est directement ou indirectement responsable de la mort de centaines de personnes. Ainsi, Amnesty International a dénombré aux Etats-Unis 351 personnes décédées, directement ou indirectement, suite à une décharge de Taser. Les victimes sont les personnes les plus vulnérables : jeunes, individus sous l’emprise de stupéfiants ou d’alcool. La dernière victime en date est un adolescent du Michigan qui a succombé à la décharge lors d’une altercation avec la police à la fin du mois de mars.

Luc Mampaey craint aussi que les policiers utilisent de manière abusive leur pistolet électrique :  » L’arme à létalité réduite donne le sentiment aux policiers que dans le doute on peut tirer.  » Pourtant, contrairement aux Etats-Unis, pays où existe une véritable culture de l’arme à feu, les forces belges l’utilisent très peu. La possession d’un pistolet électrique pourrait inciter les policiers à durcir les interpellations en utilisant leur Taser au moindre geste suspect .

Plus largement, les détracteurs de ce type d’armes craignent une banalisation de la violence au sein de la société.  » Nous avons pu constater que des pistolets comme le Taser sont disponibles sur Internet pour des prix allant de 60 à 600 euros « , dénonce Françoise Guillitte, porte-parole d’Amnesty International Belgique, section francophone. Même si l’utilisation de l’arme électrique est interdite par la loi, des citoyens peuvent aujourd’hui s’en procurer facilement. Une étude, réalisée par l’Université de Liège, montre qu’une majorité de pharmaciens et de médecins se sentiraient en sécurité s’ils avaient à disposition, dans le cadre de leur travail, une arme de ce type.  » Il faut à tout prix lutter contre cet état d’esprit « , avertit Pierre Thys, l’initiateur de l’étude ( lire notre encadré).

En Belgique, l’utilisation des armes par les forces de police reste très réglementée et aujourd’hui, seules les unités spéciales dans des contextes bien précis peuvent se servir du Taser. Pour Jean-Marie Hottat, ce ne serait qu’une  » première étape avant que l’ensemble de la police puisse l’utiliser « . Pour qu’une nouvelle arme se retrouve au ceinturon des forces de l’ordre, il faut passer par l’avis de la commission de l’armement policier qui réunit notamment des membres des polices fédérale et locale. Sur la base de cet avis, le ministre de l’Intérieur prend sa décision. Les conditions d’utilisation de la nouvelle arme sont ensuite précisées dans un arrêté royal. Actuellement, la commission enquête sur le Taser. Guido De Padt se refuse à donner le moindre avis avant d’avoir le fameux rapport en sa possession.

Alex Fernandes

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