Le  » talon d’Achille  » de la monarchie

Léopold III, roi-boomerang entre les mains de Bart De Wever. Qu’Albert II évoque le danger des années 1930, et l’historien-leader de la N-VA lui renvoie le passé de son père.

Léopold III, qui repose dans la crypte royale de l’église de Laeken, n’est jamais loin du Palais et de son résident actuel. Qu’Albert II, en guise de message de Noël, se hasarde à mettre en garde ses chers compatriotes contre un retour des années 1930, etle souvenir de son père lui est promptement renvoyé au visage.

Piqué au vif par l’allusion royale de décembre dernier, Bart De Wever a tenu à rafraîchir la mémoire du roi :  » A l’époque, nous étions aussi confrontés à un roi qui assumait très librement son rôle de neutralité. Léopold III souhaitait faire des choix politiques, contre le gouvernement s’il le fallait. Il prit même un café pendant la guerre à Berchtesgaden, en provoquant une de nos plus grandes crises institutionnelles qui allait mener le pays au bord de la guerre civile.  »

Le président de la N-VA connaît sa leçon. Entre les mains expertes de cet historien, Léopold III reste une grenade, prête au besoin à être dégoupillée et balancée sous les fondations de l’institution monarchique.

La Flandre aussi a de la mémoire. La Question royale, qui a déchiré le pays de la Libération en 1945 à 1950, n’a pas seulement eu raison de Léopold III. La Flandre, majoritairement favorable au retour du roi sur le trône, a dû aussi se plier aux volontés d’une minorité francophone farouchement hostile. Le nord du pays n’a jamais digéré ce mépris de la loi du nombre. Certains de ses manuels scolaires entretiennent le cuisant souvenir :  » Une voix flamande dans un référendum vaut apparemment moins qu’une voix francophone « , peut-on y lire.

Bart De Wever invite Albert II à s’en souvenir :  » Le trône chancelant de Belgique ne s’est maintenu que par un soutien massif de la partie flamande du pays. Après l’expérience de son père, Albert II devrait mieux le savoir.  »

Léopold III,  » roi des Flamands « . Du temps de son règne, la conviction s’installait parmi les diplomates. Les Français surtout, s’inquiétaient de  » ce premier roi des Belges qui parle à peu près couramment le flamand « , plus  » inféodé aux Flamands  » que ne l’était son père Albert Ier.

L’étiquette a laissé des traces. Aujourd’hui, Léopold III ne s’aborde pas encore de la même manière au nord et au sud du pays. La frontière linguistique divise le personnage.

Net avantage à la Flandre, affirme Herman Van Goethem :  » En Flandre, on peut aujourd’hui discuter de la personne et de l’action de Léopold III, de manière dépassionnée et sereine.  » Les francophones n’en seraient pas à ce stade :  » Ils conservent de Léopold III une image franchement dépassée. Apprendre que Léopold III était prêt à envisager d’installer un régime à la Vichy, laisse encore les francophones bouche bée. Par méconnaissance du sujet. Le constat est cruel : mis à part un ouvrage collectif d’historiens paru en 2001, la connaissance réelle de Léopold III reste proche du néant côté francophone.  »

L’historien anversois en veut pour preuve que sa biographie monumentale sur le roi, co-écrite avec Jan Velaers, n’a jamais été traduite en français.  » Jugée trop coûteuse pour le marché francophone et pour un public peu réceptif.  » Son confrère de l’UCL, Michel Dumoulin, ne lui donne pas tout à fait tort :  » Il subsiste sans doute du côté francophone une vision plus passéiste et manichéenne de Léopold III, influencée par les clivages propres aux querelles de chapelle.  »

Léopold III au beau milieu du fossé nord-sud. Cela n’aide pas à réconcilier les points de vue :  » Il ne faut jamais sous-estimer le risque d’une instrumentalisation à des fins politiques « , avertit Vincent Dujardin. La preuve par Bart De Wever : il garde  » son  » roi dans sa manche.

P. HX

Léopold III,  » roi des Flamands « , et atout de Bart De Wever dans la partie qu’il livre contre la monarchie

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