l'idée d'altérer le matériel génétique fait toujours peur, même si c'est pour y apporter des modifications extrêmement ciblées. © istock

Le système CRISPR-Cas

Une nouvelle technique permettant de modifier le code génétique, le CRISPR-Cas, fait parler autant ses fervents partisans que ses tout aussi ardents détracteurs. Mais comment fonctionne-t-elle exactement ?

L’histoire commence au début des années 1990, lorsqu’un scientifique espagnol découvre dans le matériel génétique de bactéries de curieux fragments d’ADN : ces séquences comportent des codes de petite taille répétés à plusieurs reprises et qui semblent correspondre à l’ADN de divers virus. Baptisé CRISPR ( Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats), cet ensemble de séquences constitue en fait toute une bibliothèque de codes d’ADN provenant de virus susceptibles d’attaquer les bactéries… et que celles-ci ont, au fil des années, stockés dans leur propre matériel génétique. L’intérêt ? En  » retenant  » ces codes, la bactérie est capable de réagir très rapidement à une attaque virale. Elle dispose pour ce faire non seulement de cette bibliothèque mais aussi d’une enzyme, Cas9 (Cas étant l’acronyme de CRISPR associated system), capable de sectionner l’ADN à certains endroits bien précis. Concrètement, lorsqu’un virus agresse une bactérie, celle-ci va l’identifier grâce à sa bibliothèque CRISPR. Le fragment d’ADN qui correspond à celui du virus sera ensuite copié et couplé à l’enzyme Cas9, qui pourra ainsi reconnaître l’ennemi et le mettre hors d’état de nuire. CRISPR-cas9 est donc en quelque sorte le système de défense qui permet aux bactéries de combattre les virus.

Copie artificielle

Des scientifiques ont toutefois eu l’idée d’utiliser ce même système pour modifier le matériel génétique d’organismes supérieurs, d’autant qu’ils sont parvenus à déterminer l’endroit où couper la chaîne d’ADN. Leurs travaux ont débouché en 2012 sur le lancement de la technique CRISPS-Cas, qui consiste à réaliser une copie artificielle du matériel génétique visé pour le coupler à l’enzyme Cas9 et y exposer ensuite un gène pathogène (mutation) afin de l’éliminer. Des études sur des modèles de souris ont révélé que les cellules s’efforcent de réparer l’ADN ainsi modifié… et si on leur propose à ce moment précis un fragment de matériel génétique sain, c’est celui-ci qu’elles utiliseront pour réparer l’ADN. Cette nouvelle technique offre de formidables possibilités : en théorie, il est en effet possible de retirer très précisément un gène pathogène pour le remplacer par une version saine.

Un peu partout dans le monde, des chercheurs s’attachent à imaginer de nouvelles applications qui ont de quoi faire rêver. La technique soulève toutefois aussi un certain nombre de questions éthiques, en particulier lorsque l’intervention porte sur l’ADN d’un embryon : l’idée d’altérer le matériel génétique fait toujours peur, même si c’est pour y apporter des modifications extrêmement ciblées. Le débat autour de la désirabilité, des risques, des bénéfices et des limites de cette nouvelle technique revêt donc une importance cruciale… et il commence par une connaissance précise de ses possibilités.

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