Jan Callebaut , spécialiste en communication et marketing. © DR

« Le signe d’une fuite en avant »

Pour Jan Callebaut, spécialiste en communication et marketing, ex-conseiller des ministres CD&V Yves Leterme et Kris Peeters, les partis en quête d’une nouvelle identité font aveu d’impuissance et recherchent une nouvelle crédibilité.

Les partis politiques cherchent manifestement leur salut sous une nouvelle identité. Pourquoi pas?

Tout dépend du contexte culturel. En Flandre, les nombreux changements de nom opérés par les partis s’inscrivent dans un mouvement qui vise à retrouver une identité plus rassurante. Côté francophone, j’y vois plus un problème de confiance en soi, de recherche de crédibilité ou d’authenticité que les recettes actuelles ne permettent plus d’atteindre. Les partis doutent d’eux-mêmes, de leur identité.

En quoi cette quête d’un nouveau départ serait-elle malvenue?

Le problème, c’est que la motivation à la base de ces processus n’est pas bonne ni positive. Non pas qu’un changement d’appellation soit forcément contre-indiqué lorsqu’il vient ponctuer une réforme dans la façon de fonctionner ou de raisonner. Pour bien faire, il faut commencer par bâtir un nouveau bateau avant de le baptiser, ce qui ne se fait pas dans le chef des partis. Prenons les marques Apple ou Google: ce sont des marques simples, qui fonctionnent parce qu’elles offrent une nouvelle façon de penser, il ne faut pas être mathématicien pour comprendre et travailler avec leurs produits. L’appellation Vlaams Blok devenu Vlaams Belang en raison d’ennuis judiciaires dans les années 2000, délivre un message assez simple qui repose sur une constante de la critique. En revanche, le SP.A s’est rebaptisé Vooruit au printemps dernier en s’appropriant l’authenticité d’un autre acteur historique du mouvement socialiste, devenu aujourd’hui le centre culturel gantois bien connu en Flandre. A mon sens, ce n’était pas une bonne idée. Le président du parti, Conner Rousseau, entend montrer par ce changement qu’une nouvelle génération est là, mue par la volonté d’aller de l’avant, mais en réalité la démarche est pauvre et révèle peu d’inspiration et de créativité. Un nouveau nom doit inspirer confiance, si ce n’est pas le cas l’entreprise devient désespérée.

Un nouveau nom doit inspirer confiance, si ce n’est pas le cas l’entreprise devient désespérée.

Les partis se seraient-ils engagés dans une spirale négative?

Le phénomène que l’on observe relève de la fuite en avant, de l’aveu d’impuissance. Comme une manifestation de désespoir qui traduit une faillite du monde politique et de ses pratiques. Le temps du huis clos n’existe plus. La société change, celles et ceux qui se dévouent toute une vie pour un parti sont de moins en moins nombreux, il y a une perte de puissance des militants. Dans sa stratégie de communication, un parti se doit aussi d’inclure des gens qui ne sont pas membres.

Quel peut être le facteur qui décide un parti à franchir le pas, avec les risques que ce pari comporte?

Les changements de nom sont toujours liés à une personnalité du parti, ils sont associés à ses succès personnels comme à ses échecs. Le passage du PVV au VLD est associé à l’effet Guy Verhofstadt, la N-VA à Bart De Wever, la mue du PSC en CDH à Joëlle Milquet, celle du CVP en CD&V à Stefaan De Clerck. C’est donc à long terme que le pari d’un nouveau nom peut devenir risqué pour un parti. Cela dit, je ne vois pas en quoi un « Mouvement des libertés » pourrait inspirer davantage de confiance envers Georges-Louis Bouchez même si sa personnalité est plus « attractive » que celle de Maxime Prévot à la tête du CDH où une nouvelle appellation risque fort de rester sans lendemain.

Jusqu’à nouvel ordre, le Parti socialiste résiste à changer d’emballage…

Le PS reste la marque distinctive d’un parti de pouvoir et de participation au pouvoir, à l’image de ce qu’a été en son temps le CVP en Flandre. C’est quand le parti social-chrétien flamand a vécu une crise existentielle à la fin des années 1990 qu’il s’est retrouvé dans l’obligation de modifier son identité comme sa façon de travailler. A ce stade, tant que le PS reste en Belgique la seule force politique aussi bien outillée en matière d’expertise et de préparation de dossiers, changer de nom serait une erreur de sa part. Un tiers des électeurs opte dans leur choix pour un parti gagnant, influent, qui décide encore dans ce pays et dégage une stabilité. « Parti socialiste » dit toujours bien ce qu’il veut dire.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire