Le sacrifice de Delara

Vendredi 1er mai 2009, personne n’a défilé pour elle. On l’a donc pendue dans la prison de Rasht, dans le nord de l’Iran. Delara Darabi était dans sa vingt-troisième année, mais n’avait que 17 ans lors des faits. Accusée de meurtre lors d’un cambriolage effectué avec son petit ami, elle s’était déclarée coupable, pensant que son jeune âge lui épargnerait la peine capitale, avant d’avouer qu’elle voulait ainsi couvrir son copain, alors âgé de 19 ans et condamnable à mort. Le garçon a écopé de quelques années de prison ; elle n’a eu droit qu’à un pinceau pour peindre en captivité et tenter de sauver sa vie. Ses toiles ont été exposées, en 2007, dans une galerie de Téhéran, soulevant l’émotion de l’intelligentsia iranienne et mobilisant plusieurs organisations humanitaires. En vain. Depuis 1990, au moins 48 mineurs ont été exécutés en Iran, pays pourtant signataire de deux conventions internationales proscrivant l’exécution de condamnés à mort pour des crimes commis avant leur majorité.

Un seul des candidats à l’élection présidentielle iranienne, au mois de juin prochain, s’est publiquement prononcé en faveur de l’abolition de la peine capitale appliquée aux mineurs. Ce n’est qu’un des nombreux conflits internes qui divisent le pouvoir en Iran et lui donnent le pire des visages. Dans son dernier livre, Le monde est un enfant qui joue, Alexandre Adler se livre à un passionnant décryptage de cette dualité entre charia et modernité, inhérente au régime des mollahs. D’un côté, explique-t-il, la volonté de  » remettre la République islamique sur ses bases intégristes initiales  » en suivant une ligne stricte pour permettre la  » réunification de l’islam entre chiites et sunnites « , sous l’égide de Téhéran ; de l’autre,  » une société en incontestable progrès, notamment, étonnant paradoxe, sur le plan de la condition des femmes, qui ont accédé en trente ans à l’éducation et à la promotion professionnelle, sur celui aussi de l’alphabétisation (90 % de la population, contre 45 % sous le chah) « . D’où ce balancement entre la violence des pires traditions et l’impératif de modernisation, balancement qui profite, pour l’heure, surtout à la première. D’où, aussi, ce constat, sur lequel Adler ne se trompe pas :  » La lutte qui se déroule en Iran est décisive pour l’avenir du monde.  » n

Le monde est un enfant qui joue, par Alexandre Adler. Grasset, 294 p.

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