» Le roi est l’horloger qui met de l’huile dans les rouages « 

Plus la crise politique est longue et profonde, plus la fonction royale révèle son utilité, estime le sénateur CDH.

Le Vif/L’Express : La majorité de la classe politique s’est montrée, voici quelques mois, résolue à débarrasser la Couronne de son rôle politique. Où en est ce projet de monarchie protocolaire, à la scandinave ?

Francis Delpérée : Ce n’est vraiment pas à l’ordre du jour. Si la fonction royale a une utilité, c’est bien en période de crise politique. Plus la crise est longue et profonde, comme c’est le cas aujourd’hui, plus le rôle du roi apparaît important. Quand il y a blocage, Albert II peut jouer un rôle de facilitateur. Le roi apparaît comme l’un des éléments qui participent au règlement de la crise. Avec les moyens qui sont les siens et la discrétion indispensable, il aide à rendre possible ce qui est réalisable. Il est l’horloger qui met de l’huile dans les rouages. Même un républicain comme Bart De Wever a insisté sur le fait qu’il répondait à l’invitation du Palais.

Lors de ces négociations, le roi a-t-il réellement une marge de man£uvre ou subit-il les événements ? Son rôle est-il fictif, ne fait-il qu’officialiser un consensus obtenu entre les partis concernés ?

Bien sûr, ce n’est pas Nostradamus et ce n’est pas lui qui dit aux présidents de parti de faire ceci ou cela. Il a une mission limitée à remplir. Mais si la négociation tombe dans une impasse, il peut faire office de joker.

Ceux qui, au sein des partis, plaident pour transformer la monarchie en une institution purement cérémonielle estiment que le président de la Chambre et, éventuellement, celui du Sénat pourraient être chargés de la désignation des formateurs et informateurs du gouvernement. Que pensez-vous de cette suggestion ?

Qui choisirait-on pour remplacer le roi dans ses fonctions politiques ? Un francophone ? Un Flamand ? Voilà déjà une source de tension. Une certitude, on soupçonnera toujours la personne ainsi désignée d’agir dans le sens souhaité par son parti. En tout cas, je ne pense pas que les nouveaux présidents de la Chambre et du Sénat aient le profil de l’emploi. Le socialiste André Flahaut et Danny Pieters, de la N-VA, sont tous deux politiquement très  » colorés « . Et si les perchoirs étaient toujours occupés par l’Open VLD et le MR, il serait malvenu de les voir jouer un rôle de médiateur dans la crise actuelle, alors que les libéraux sont tenus à l’écart des négociations.

Une monarchie à la mode suédoise, dépourvue de sa  » mission politique « , cela ne vous inspire pas !

Je suis ouvert à un débat sur le rôle que joue le roi dans la sanction des lois. Mais quelle serait l’utilité d’un roi  » pot de fleur  » ? Aucune ! Le pays a besoin d’un chef de l’Etat, même si le roi n’agit jamais seul, intervient sous la responsabilité d’un ministre et doit surtout interpréter les préoccupations du monde politique.

La présidente du SP.A, Caroline Genez, décrit le roi comme un blagueur, un homme qui aime la vie. N’est-ce pas le capital de sympathie du souverain qui atténue la pression politique pour une monarchie protocolaire ?

C’est quelqu’un d’assez  » rond « , qui met assurément une bonne ambiance lors des discussions. Et, jusqu’à nouvel ordre, n’a pas commis de gaffe.

Le roi est-t-il un ciment pour une Belgique menacée de désintégration ?

Si la Belgique ne tient qu’à cela, elle est morte ! Le roi peut symboliser et encourager l’unité du pays par ses discours, ses contacts et les messages qu’il fait passer. Mais il doit intervenir avec retenue et discrétion pour préserver sa fonction. Ceux qui, lors de la formation d’un précédent gouvernement, ont révélé à la presse la teneur des audiences royales n’ont pas rendu service à la monarchie.

ENTRETIEN : OLIVIER ROGEAU

 » Qui choisirait-on pour remplacer le roi ? « 

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