Le PS, tuteur de la monarchie

Sous la présidence d’Elio Di Rupo, le PS affiche une grande déférence à l’égard du roi. Et s’il était aujourd’hui le meilleur soutien d’Albert II ?

La Belgique a besoin de monarchie comme de pain. La formule n’émane ni d’un nobliau bien en cour à Laeken, ni d’un quelconque membre du gotha. Mais du socialiste brugeois Achille Van Acker, l’une des figures historiques de la gauche belge, par deux fois Premier ministre. Plus d’un demi-siècle après que cette sentence a été prononcée, l’un des héritiers de van Acker, Elio Di Rupo, pourrait bientôt pousser la porte du 16, rue de la Loi. Fait troublant : l’actuel président du PS manifeste à l’égard de la monarchie le même respect que son illustre prédécesseur.

Loin de tout réflexe gauchiste vis-à-vis des ors du Palais, Elio Di Rupo donnerait presque l’impression de surjouer son attachement à la royauté.  » On observe maintenant une sorte de déférence officielle. C’est parfois curieux « , glisse Philippe Moureaux, président de la fédération bruxelloise du PS. Une attitude qui s’explique, selon l’ancien vice-Premier ministre, par les difficultés politiques actuelles.  » La crise d’identité de la Belgique a comme conséquence que ceux qui ne veulent pas qu’on bazarde trop vite ce vieux pays tiennent au rôle modérément fédérateur que le roi joue encore. « 

Son de cloche un peu différent chez Marc Uyttendaele, professeur de droit constitutionnel à l’ULB [voir aussi en page 32]. Qui résume l’équation comme suit : le PS est le premier parti francophone, les francophones sont attachés à la monarchie, donc le PS s’est aligné sur cet état d’esprit majoritaire dans le sud du pays.  » Comme le CVP jadis, le PS est devenu le tuteur de la monarchie, soutient Uyttendaele. En tant que plus grand parti d’une Communauté du pays, il donne à la monarchie une stabilité que celle-ci n’aurait pas sans son soutien. Car il faut bien voir que, désormais, le premier parti politique en Flandre est clairement antimonarchiste. C’est un fait politique majeur ! Si, demain, le premier parti francophone devenait à son tour antimonarchiste, cela aurait des conséquences politiques terribles. « 

Le PS, tuteur de la monarchie ? L’affirmation aurait paru grotesque en 1950. Lors de la Question royale, les socialistes se déchaînent contre le retour de Léopold III, stigmatisé pour son attitude équivoque durant l’occupation allemande. Cependant, cet antiléopoldisme virulent ne les conduit pas à remettre en cause l’institution monarchique en tant que telle. Une option stratégique jamais contredite ensuite. Sous les présidences de Cools, Spitaels et Busquin, aucun ténor socialiste – pas même le rebelle Ernest Glinne – ne s’est déclaré pour une république en Belgique.

Bien sûr, entre le Palais et le Boulevard de l’Empereur, il y aura des anicroches. Au début du règne de Baudouin, surtout.  » Quand Baudouin et Fabiola ont déjeuné avec Franco à bord de son yacht, quelques mois après leur mariage, la presse socialiste s’est déchaînée « , rappelle Vincent Delcorps, auteur d’un ouvrage fouillé sur le sujet (1).

Le passif hérité de la Question royale s’aplanira toutefois au fil des années. A un point tel que cela induira chez les libéraux le sentiment que le roi  » roule  » pour les socialistes. Parallèlement, les relations entre Baudouin et les sociaux-chrétiens se dégradent. Jusqu’à atteindre un point de non-retour au moment de la loi sur l’avortement, en 1990.  » Ce jour-là, j’ai discuté avec le roi pendant une heure et demie, dans le parc de Laeken, se souvient Philippe Moureaux. D’emblée, Baudouin m’a dit :  » Sachez bien que je ne reproche rien ni à Guy Spitaels, ni à vous-même. Vous êtes des gens sincères. Mais je ne comprends pas l’attitude des sociaux-chrétiens.  » D’une façon générale, Baudouin avait une sensibilité plutôt démocrate-chrétienne. Mais sa fibre sociale faisait que ses relations avec les socialistes n’étaient pas négatives. « 

Au terme de ce pas de deux unissant la rose et la couronne se dessine l’autre  » révolution copernicienne « , celle qui a fait passer les socialistes francophones, en cinquante ans, de contempteurs zélés de Léopold III en alliés précieux d’Albert II.

(1) Vincent Delcorps, La Couronne et la rose. Baudouin et le monde socialiste, Le Cri.

FRANçOIS BRABANT

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