Le précieux héritage de Lula

Près de 80 pour cent de ses concitoyens lui font encore confiance et une majorité d’entre eux s’apprêtent à pérenniser ce contrat en élisant sa dauphine désignée à la tête du pays, si pas au premier tour de l’élection présidentielle ce dimanche 3 octobre, vraisemblablement lors du second, à la fin du mois. Quel autre dirigeant d’un pays démocratique peut-il s’enorgueillir d’une telle popularité après huit années d’exercice du pouvoir ? Aucun. Or Luiz Inácio Lula da Silva, l’ouvrier devenu chef d’Etat, l’a fait. Et l’élection annoncée de Dilma Rousseff, la candidate du Parti des travailleurs, est déjà perçue comme la consécration de son £uvre, elle qui s’est engagée à la poursuivre (voir en page 62).

Quelques chiffres décrivent l’ampleur du bilan du président syndicaliste depuis son élection en 2002 : quelque 20 millions des 200 millions de Brésiliens sont sortis de la pauvreté ; la classe moyenne a grimpé de 37 % à 51 % de la population ; 14 millions d’emplois ont été créés et le pays aura maintenu, selon les prévisions, une croissance de 6 % en 2010. Certes, de Rio de Janeiro à Boa Vista, ce n’est pas tous les jours carnaval pour tout le monde. Le pays traîne la réputation d’être le  » champion mondial des inégalités sociales « . La pauvreté qui continue à frapper nombre de favelas en témoigne. Et le fléau persistant de l’insécurité en est le reflet le plus tragique.

Mais l’héritage de Lula n’en constitue pas moins un saut qualitatif majeur pour le plus grand pays d’Amérique du Sud, frontalier de 10 des 12 Etats du sous-continent. Carlos Ghosn, le patron franco-libanais de Renault natif du Brésil et peu suspect de gauchisme, qualifiait le chef d’Etat sortant, dans une interview récente au Monde, de  » grand président « .  » Lula a fait attention à ce que les couches les plus défavorisées de la population touchent leur part du gâteau « , créant de la sorte un  » cercle vertueux « , une association fructueuse entre des dirigeants de gauche responsables et une population dynamique et dynamisée.

Sous l’ère de Lula, le Brésil a rejoint le cercle restreint des grandes puissances, devenant la dixième économie mondiale. Il a été aidé en cela par un contexte général propice à l’essor des nations émergentes. Mais, au contraire de la Chine, c’est en s’appuyant sur une véritable démocratie qu’il a forgé sa réussite, un atout supplémentaire, y compris au plan économique. Un déficit en infrastructures, la corruption et, malgré tout, la persistance de poches de misère constituent les handicaps d’aujourd’hui et les défis de demain.

Autre défi pour Dilma Rousseff, Lula a échoué à jouer le rôle politique international qu’il ambitionnait pour un Brésil dopé par ses succès économiques. Il a marqué des points dans sa quête d’un siège de membre permanent au Conseil de sécurité de l’ONU, en assumant notamment le commandement de la Mission des Nations unies pour la stabilisation d’Haïti. Mais sa diplomatie alternative, en particulier sur le dossier nucléaire iranien, l’a plutôt isolé que servi. Sans doute parce que le pouvoir d’influence politique ne se mesure pas, comme en économie, au seul énoncé implacable des chiffres. Peu importe sans doute pour le futur ex-président brésilien. Il sait déjà que, demain, son pays, hôte du Mondial de football en 2014 et des Jeux olympiques deux ans plus tard, ne pourra que davantage rayonner – et peser – au firmament mondial.

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Sous Lula, 20 millions de Brésiliens sont sortis de la pauvreté

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