© FRÉDÉRIC RAEVENS

Le pacte et le hara-kiri

En fait, c’était écrit. Que le gouvernement Michel démissionne ou non (la question n’était pas tranchée à l’heure de boucler cette édition) n’y change strictement rien : cet exécutif est le fruit d’une alliance contre nature, depuis l’été 2014 ; il devait bien, fatalement, à un moment ou l’autre, l’admettre lui-même. Et, du coup, ces jours-ci, soit divorcer purement et simplement, soit convenir d’un système de cohabitation honorable pour ne plus trop s’écharper jusqu’aux élections du 26 mai prochain. Avant les dernières législatives, Charles Michel, patron du MR, avait juré qu’il ne convolerait jamais avec la N-VA. Après, il a retourné sa veste, clamant qu’il s’était  » trompé  » sur son nouveau partenaire nationaliste, sa nature, ses objectifs, s’arc-boutant surtout à la garantie qu’ils n’allaient, ensemble, que s’occuper de socio-économique. Pas de communautaire.

C’est la nature même de la N-VA qui provoque le divorce entre des alliés non naturels.

C’était donc écrit aussi : la séparation ne pouvait résulter que d’un comportement naturel, spontané, viscéral de l’un des époux. Et irritant naturellement, spontanément et viscéralement l’autre jusqu’à la séparation, si pas encore dans les faits du moins dans la tête. Quoi qu’il advienne, le ménage MR – N-VA est mort. Parce qu’un engagement solennel, un contrat de mariage, c’est une chose, mais un ADN, un héritage familial, des convictions, c’en est une tout autre. Et qui pèse toujours beaucoup plus lourd que toutes les promesses prénuptiales imaginables. Et donc, après tant de concessions (de l’un comme de l’autre), de rappels à l’ordre (toujours du même), de justifications de plus en plus embarrassées (de l’un) des attitudes et agissements (de l’autre) de plus en plus injustifiables, le couple a explosé sur un dossier pas si éloigné du communautaire. Le pacte sur les migrations. Qui fait s’affronter deux visions de société fondamentalement différentes, selon qu’on soit multilatéraliste ou isolationniste, universaliste ou identitaire, pour des politiques communes ou pour un chacun-chez-soi (et nous d’abord). On sait et on voit où se range tout parti nationaliste, par essence et par logique. Le parti de Bart De Wever ne veut donc pas du pacte (lançant, puis retirant, une campagne s’y opposant relevant clairement de l’extrême droite) alors que Charles Michel s’y est engagé au nom de son gouvernement.

C’est dès lors bien la nature même de la N-VA, de ses principaux dirigeants en tout cas, qui met fin à la romance en trompe-l’oeil qui l’a liée au MR durant quatre ans. Une romance dont la longévité doit beaucoup aux circonstances, aussi (attentats islamistes, thèmes sécuritaires qui s’imposent, crise migratoire surestimée). Une romance à laquelle les communales d’octobre dernier ont tendu un miroir, dans lequel les conjoints se sont vus comme ils étaient : pas top glamour, mine pâlotte, moins d’amis, pas de si grandes perspectives… Quand un couple qui ne s’aime en réalité pas, qui est dans une union de raison ou d’opportunisme, comprend qu’il n’a en fait plus grand-chose à gagner, celui qui depuis le début ne fait que ce qui lui plaît va jouer davantage encore cavalier seul ; et l’autre, qui tente depuis le début de faire bonne figure, en public comme en privé, décide soudain que les simagrées, c’est terminé.

Cela ne garantit ni à l’un ni à l’autre un quelconque gain aux prochains scrutins. Mais démontre, une fois de plus, que les prétendues histoires d’amour finissent toujours mal.

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