Le mythe, une leçon d’écologie

Guy Gilsoul Journaliste

Puissance sauvage et force apaisée, le Nil raconte des histoires d’eaux révélant comment, dans l’Egypte ancienne, les hommes avaient conclu un pacte avec la nature. A découvrir au musée de Mariemont.

L’eau sera un des problèmes majeurs du futur. Que des archéologues se penchent sur la manière dont, en Egypte, les anciens, et ce depuis le IIIe millénaire, ont abordé la question, ne peut donc que nous réjouir. Et si l’exposition de Mariemont présente de très beaux objets archéologiques (de petites tailles), elle se veut aussi pédagogique. A grands renforts d’explications de maquettes, photos, bornes interactives et livres anciens, le parcours évoque la civilisation égyptienne, de l’Antiquité à nos jours, sous l’angle inédit de ses rapports au Nil. Si elle révèle l’inventivité des Egyptiens, elle montre surtout une manière de vivre en empathie avec une nature aussi menaçante que généreuse. Car en Egypte, toute la vie – son origine et son destin – se met au diapason de la personnalité d’un fleuve qui, sur son seul territoire court de la Basse Nubie au Delta, sur une distance de plus de 1 200 kilomètres. Entremêlant l’imaginaire (les mythes), le quotidien des fêtes et des rituels ainsi que les inventions pratiques, l’expo rend compte tout à la fois de l’importance de l’observation de la nature et de la pertinence des réponses données.

Le visiteur découvre d’abord les représentations de divinités liées au récit mythique de L’ oeil de Rê. Via les allégories, il raconte comment la puissance sauvage et incontrôlée des eaux tumultueuses du Nil (au niveau des Cataractes) peut se transformer en une force apaisée. Sur fond de révolte puis d’une réconciliation, les héros en sont un roi et sa fille. Tout les opposait. Il est associé au soleil dont la course d’est en ouest traverse le fleuve. Elle, dont le nom est Hathor, est une déesse du ciel, voire même de la voie lactée, qui est perçue comme une chute d’eau. On la représente avec une tête de vache. Un jour, elle se rebelle, quitte le palais et rejoint le Nil sauvage. Elle devient Sekhmet (à tête de lion). Sa puissance effraie. Mais elle finira par retourner chez son père (qui est aussi son amant) et s’associe à lui sous les traits d’une déesse à la tête de chat (Bastet). Le message est clair. Le fleuve est dangereux. Ses crues redoutées. Mais il est possible de transformer la menace en alliée. Car les crues signifient aussi l’apport en limon. Donc, l’enrichissement des sols et l’harmonie entre les hommes et leur milieu. Le Nil sera donc sacralisé et le premier jour des crues sera fêté comme jour de l’An. A cette occasion, on s’échange une gourde, souvent très finement gravée remplie d’eau du fleuve.

L’ingéniosité des inventeurs

L’importance prise par l’eau dans les rituels funéraires, voire dans la fête des morts, est un point fort de l’expo. On voit aussi combien l’invention d’un bestiaire fabuleux rend hommage aux habitants des rives comme l’hippopotame, le crocodile ou encore l’anguille, le brochet, le barbeau, la grenouille ou la mangouste que l’on momifiait. On admire aussi des temples comme celui de Philae, construit en hommage à Hâpy, le génie des crues. En Haute Egypte, à Dendérah (dans la région de Karnak, de Thèbes et de Louxor), voilà, imaginé au IIIe millénaire, un tout premier barrage long de plus de 100 mètres. Peu à peu, on traverse ainsi la Moyenne Egypte (Amarna, Hermopolis) et bientôt Memphis, Gizeh, le Delta pour rejoindre enfin Alexandrie dont Jean-Yves Empereur, à la base de l’expo, explora et avec quel succès, les fonds marins en quête du fameux phare.

Mais de nombreux visiteurs se passionneront aussi pour l’ingéniosité des inventeurs. Cette fois, l’accent est mis sur l’époque grecque de l’Egypte avec deux réalisations très spectaculaires : le percement d’un canal long de plus de 100 kilomètres d’une part et le creusement de galeries souterraines (les hipponomes). Celles-ci, selon des procédés attentifs aux caractères particuliers du sous-sol, pompaient l’eau nécessaire au bien-être des habitants. Via maquettes et vidéos explicatives, le visiteur fait aussi la connaissance des machines et outils plus anciens comme le chadouf (un appareil à bascule venu du IIIe millénaire) ou plus sophistiqués comme le sakieh (toujours utilisé de nos jours), la vis d’Archimède ou encore la pompe à piston. Enfin, toute une salle est consacrée aux célèbres citernes d’Alexandrie dont les plus impressionnantes datent des époques romaine et surtout byzantine.

Du Nil à Alexandrie, Histoires d’eaux, Musée royal de Mariemont, 100, chaussée de Mariemont, à Morlanwelz. Jusqu’au 29 septembre. Tous les jours, sauf le lundi, de 10 à 18 heures. www.musee-mariemont.be

GUY GILSOUL

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire