LE MYSTÈRE DONALD TRUMP

Donald Trump est incontestablement dans une dynamique qui peut le hisser à la présidence des Etats-Unis au soir du 8 novembre 2016. Au début de la campagne, en juin 2015, son ambition était regardée avec condescendance. Au fil des succès contre ses rivaux des primaires républicaines, elle a été redoutée telle une sentence. Aujourd’hui, elle est analysée comme une évidence. Son adversaire, Hillary Clinton, sort affaiblie de la bataille inattendue livrée à Bernie Sanders, la véritable révélation des primaires démocrates, et peine tou- jours à afficher ce supplément d’âme censé modifier son image stéréotypée de créature de l’establishment.

Les sondages nationaux qui le laissent encore à distance raisonnable de l’ancienne Première dame démontrent cependant que, pour Donald Trump, le plus dur reste à faire : façonner un programme qui séduise au-delà du camp républicain, qui plus est divisé. Il dispose pour cela de deux atouts. Magnat de l’immobilier, il se joue des règles de l’argent qui phagocytent la marge de manoeuvre d’un candidat en fonction des attentes de ses donateurs. Electron libre du Parti républicain tout en s’étant imposé à lui, il peut s’émanciper de ses lignes directrices traditionnelles (lire page 68). Le démontre à suffisance sa dernière proposition visant à augmenter les salaires des plus pauvres en même temps que l’imposition des plus riches.

D’ici au 8 novembre, quelques trouvailles surprenantes de Donald Trump viendront encore agrémenter la campagne. Mais au bout du compte, ses chances de l’emporter face à l’expérimentée Hillary Clinton dépendront de sa capacité à convaincre de sa crédibilité. Une autre bataille s’engage donc pour le trublion républicain. Et il est difficile de déterminer à ce stade de quelle manière le sprint final vers la Maison-Blanche et l’équipe qu’il va constituer vont changer et façonner l’atypique prétendant.

Une certitude, en revanche, ses premiers pas de politicien scandalisent et effraient. Insultes sexistes et racistes (à l’opposé du message envoyé par l’élection du nouveau maire de Londres, Sadiq Khan), attaques personnelles, propositions fantasques, incompétences affichées… : en Europe, qui recommence pourtant à expérimenter quelques leaders à la parole  » décomplexée « , l’homme politique aurait déjà été disqualifié ou marginalisé. Peut-être une conséquence – pour combien de temps encore ? – du souvenir vivace, chez beaucoup, de l’horreur absolue à laquelle des discours aux ressorts étonnamment similaires ont conduit entre 1940 et 1945. Il suffit, à l’aune de l’actualité, de revisiter l’ascension, sur la forme et la méthode, du rexiste Léon Degrelle en Belgique en mai 1936 pour s’en persuader (lire page 40).

Se réjouir que les contextes soient diamétralement différents ne doit cependant pas nous exempter d’écouter les questionnements et les cris de citoyens que les Donald Trump et consorts (à l’instar de l’inquiétant nouveau président philippin Rodrigo Duterte) portent et exploitent. Cet  » anti-intellectualisme qui nourrit une profonde méfiance à l’égard de l’érudition intellectuelle et du raffinement culturel « , selon les termes du sociologue américain Bart Bonikowski. Des réponses qu’Hillary Clinton et les autres pourront leur donner, là-bas et ici, dépendra la survie de la démocratie.

Gérald Papy

 » En Europe, Donald Trump aurait déjà été disqualifié ou marginalisé. Sans doute la conséquence du souvenir vivace de l’horreur absolue de 1940-1945  »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire