Le mystère des statuettes du Sablon

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Les amoureux du square du Petit Sablon s’inquiètent. Deux statues des vieux métiers de Bruxelles ont disparu et les autres sont en piteux état. La restauration du parc était prévue en 2005. Cinq ans plus tard, l’attente se prolonge.

Le square n’a rien perdu de son charme ni le jardin de son éclat (1). Rien perdu ? Pas si sûr… Avec le Cinquantenaire, le Petit Sablon est l’un des parcs préférés des Bruxellois et des touristes. On y croise des mamans ou mamies poussant landau, de jeunes couples flirtant sous le regard sombre des comtes d’Egmont et de Hornes, ou des photographes amateurs séduits par l’harmonie des lieux.

Guy, l’un de ces chasseurs d’images, a pris des centaines de clichés des 48 statues des vieux métiers de Bruxelles, patrimoine dû aux meilleurs artistes belges du xixe siècle. Comme d’autres amoureux du square conçu par l’architecte Henri Beyaert en 1880, il s’inquiète de leur sort.  » Le Petit Sablon représente un message humaniste exceptionnel auquel je suis sensible, explique-t-il. Or l’une des statuettes, celle des tailleurs, d’Armand Cattier, a disparu depuis au moins deux ans. Deux autres, celle des passementiers, d’Emile Namur, et celle des ébénistes, d’Auguste Van den Kerckhove, sont manquantes depuis des mois. Et celles qui sont toujours perchées sur leur colonne gothique apparaissent en très mauvais état ! « 

De fait, les statues de bronze sont rongées par les intempéries, et les grilles et colonnes du parc subissent, elles aussi, l’outrage du temps. Le site de Beliris, l’accord de coopération entre l’Etat fédéral et la Région, indique qu’un budget de près de 160 000 euros a été consacré, en 2004,  » aux études et aux sondages pour la remise en état du Petit Sablon « . En juin 2005, un montant de 1 million d’euros était affecté à  » la poursuite de la restauration du square « . En réalité, cinq ans plus tard, le chantier n’a pas encore commencé !

Restauration délicate

 » Le projet est resté longtemps en veilleuse, reconnaît Serge Kempeneers, directeur de la division Espaces verts à Bruxelles Environnement. Mais, depuis un an, il est relancé. La restauration s’avère néanmoins très délicate.  » Concrètement, le bureau d’architectes Arter, chargé des travaux, est confronté à l’instabilité des colonnes qui rythment l’enceinte du parc et supportent les statues.  » Nos sondages ont révélé qu’elles n’étaient pas ancrées dans le sol, signale Johan Van Dessel, fondateur d’Arter. Elles reposent sur des tiges rouillées. La Commission royale des monuments et sites a remis un premier avis favorable au démontage total. Nous avons donc introduit, ce mois-ci, une demande de permis unique. Ce permis de bâtir et l’adjudication devraient être accordés cette année. Les travaux pourraient dès lors commencer en mars 2011.  » A Beliris, on rectifie le timing :  » Le permis est prévu pour la fin de cette année et le chantier à la fin 2011. « 

Estimé initialement à 800 000 euros, le budget des travaux se monte aujourd’hui à près de 1,4 million d’euros.  » L’ampleur et la complexité inattendues du chantier ont donné des frissons à l’administration régionale et à Beliris, d’où les quatre années d’immobilisme « , nous confie l’un des spécialistes du dossier. De nouvelles fondations devront être réalisées, tandis que sont prévus le grattage et le nettoyage des statues. Le débat sur leur aspect futur est tranché. Elles conserveront leur patine et leur teinte verte.  » Dans certaines villes, on s’efforce d’éviter l’oxydation des statues en bronze à coups de vernissages annuels, remarque Serge Kempeneers. Une opération impayable à Bruxelles : nous ne sommes pas au château de Versailles ! « 

Et les statues manquantes, que sont-elles devenues ?  » L’une d’elles est tombée par terre par la faute d’un camion qui a renversé une colonne, raconte-t-il. Il a fallu vérifier l’état de la statuette et concevoir un nouveau système de fixation. Deux autres ont été retirées il y a un an pour tester un traitement de surface. Nous les conservons provisoirement dans nos installations techniques de Woluwe. Les amoureux du square du Petit Sablon peuvent être rassurés. « 

(1) Cf. la phrase magique et poétique du Mystère de la chambre jaune, de Gaston Leroux :  » Le presbytère n’a rien perdu de son charme ni le jardin de son éclat. « 

Retrouvez un diaporama des statues du Petit Sablon

sur www. leVIF.BE

OLIVIER ROGEAU

Le travail de restauration est plus complexe que prévu

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire