Le mur de chicons

Un reporter français a sillonné de pied en cap la frontière linguistique, fixée en 1962. Il y a projeté, en 28 lieux, un autre symbole belge : le chicon. Façon surréaliste de célébrer ce qu’il définit comme  » un divorce inéluctable « .

Ça lui a pris un petit deux mois, sur le terrain. Au printemps de l’année dernière, alors que la Belgique n’avait toujours pas de gouvernement, presque un an après les élections. Comme la situation était inouïe, comme il avait vécu (avant) un an à Bruxelles, comme il avait réalisé en 2005-2006 un travail sur la frontière israélo-palestinienne ( The Green Line) et comme il a  » toujours aimé montrer des conflits, des disputes, par des biais détournés « , Alban Biaussat a sillonné la frontière linguistique belge. En bandoulière : son appareil photo et un projecteur. L’appareil, pour capter,  » à la chambre, 28 lieux emblématiques de cette frontière invisible mais administrativement signifiante, qui détermine les langues, les Régions et l’identité belges, qui nourrit les discours, les cultures, les idéologies » . Le projecteur, pour braquer sur chacun des 28 lieux, un chicon,  » quand le ciel tombait, qu’il ne faisait pas encore trop sombre, sinon le contraste était trop flagrant, on voyait la trame, donc c’était toujours entre 21 et 22 heures « .

Le reporter parisien ramène de son périple des images,  » à l’esthétique que j’ai voulue proche du tableau L’Empire des lumières, de Magritte, très surréaliste « , de Comines, Mouscron, du Mont-de-L’Enclus, Russeignies, Deux Acren, Flobecq, Enghien, Drogenbos, Dworp, Rhode-St-Genèse Linkebeek, Wemmel, Kraainem, Wezembeek-Oppem, la Forêt de Soignes, La Hulpe, Hamme-Mille, Hoegaarden, Corswaren, Houtain-l’Evêque, la Nationale 3, Herstappe, Fouron-Saint-Pierre, Mouland, la forêt en Communauté germanophone et La Calamine.

On y voit une école, un champ, un pâturage, une ferme, une maison, un pont, une chapelle, une station de tram, un monument aux morts, un dessous de viaduc, un carrefour, un café, un restaurant fermé, une place, un ancien moulin, un arbre, un bar à hôtesses, une tour… Chaque fois, grâce  » au projecteur relié à la batterie de ma voiture, et un transformateur « , avec l’image du chicon,  » parce qu’en pleine Révolution belge, face à la pénurie de légumes, un agriculteur de Schaerbeek a planté la racine de scaroles dans sa cave et le chicon en est né. C’est la création de la Belgique qui en est donc à l’origine, et je voulais l’utiliser comme symbole du processus actuel de séparation belge « .

Alban Biaussat, qui n’a rencontré aucun souci durant son travail, estime que,  » même si tout le monde soupire, ici, même si tout le monde a une anecdote à raconter, plus ça va, plus les gens se séparent « . Voici six de ces clichés pris à travers  » le territoire de cette division « , le long  » de cette frontière interne que certains ont nommé « le mur de chicons » « .

Toutes les photos sont visibles sur www.albanbiaussat.com

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