Le magicien du temps

Baptiste Liger

Le dernier roman du maître de la SF Christopher Priest est un étonnant voyage : des guerres mondiales d’hier à une Grande-Bretagne au futur… islamiste.

Christopher Priest compte parmi les ténors de la science- fiction britannique. On lui doit La Séparation, Le Prestige (adapté au cinéma par Christopher Nolan).

L’action de l’Adjacent, son chef-d’oeuvre, se déroule en Angleterre, dans un futur proche et sans autre précision. Plus rien ne tourne rond au royaume de Sa Majesté : dérèglements climatiques, bandes armées sillonnant la campagne, monarchie remplacée par la RIGB – comprendre République islamique de Grande-Bretagne – Michel Houellebecq se serait-il inspiré de ce roman pour écrire Soumission ? Toujours est-il que Tibor Tarent, photographe indépendant et veuf récent, doit errer dans ce décor, en proie à d’étranges décisions. Ainsi, les appareils photo  » à lentille quantique  » sont prohibés. Cette interdiction aurait-elle un rapport avec le CAP (Champ adjacent perturbatif « ), présenté comme  » l’arme qui mettra fin à la guerre  » en déroutant la matière vers un espace différent ?

Sur le front, un certain H. G. Wells…

A peine ces questions posées, Christopher Priest transporte le lecteur au temps de la Grande Guerre, sur un champ de bataille français, aux côtés d’un lieutenant anglais au profil bien particulier, puisque Tommy Trent est magicien. Et que quelques-uns de ses supérieurs l’imaginent capable de rendre un avion invisible.

Dans ce contexte belliqueux, le prestidigitateur a pour compagnon d’infortune l’écrivain H. G. Wells – oui, l’auteur de La Guerre des mondes et de La Machine à explorer le temps. Ce labyrinthe spatio-temporel entraîne ensuite le lecteur dans la Seconde Guerre mondiale – un as de l’aviation, Mike Torrance, tombe amoureux d’une jeune Polonaise -, puis sur l’île de Prachous, une société féodale où le bidonville a été baptisé Adjacente…

D’une rare ambition, ce roman mêle avec un brio inouï science, histoire, sociologie, géopolitique, philosophie, considérations environnementales et littérature. Ce maelström n’oublie jamais sa fonction initiale : un roman-feuilleton à la mécanique bien huilée. Mieux, L’Adjacent finit de secouer le lecteur lorsqu’il révèle, sans trop le dire, sa véritable nature : un grand roman d’amour. Un sentiment qui n’a a priori pas de rapport immédiat avec la physique quantique. Encore que…

L’Adjacent, par Christopher Priest.

Trad. de l’anglais par Jacques Collin. Denoël/ Lunes d’encre, 560 p.

Baptiste Liger

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