Le laborieux lifting de la Wallonie industrielle

Michel Delwiche
Michel Delwiche Journaliste

L’assainissement des sites industriels désaffectés est une priorité wallonne maintes fois répétée. Mais le travail n’avance pas très vite pour dépolluer les sous-sols, rendre des terrains à l’activité économique, redorer l’image de la Wallonie, et améliorer la qualité de vie des riverains.

Toute activité industrielle a disparu en 1961 – il y a près d’un demi-siècle ! – du site de Chimeuse, situé sur les communes de Liège et de Saint-Nicolas (pas très loin du stade du Standard), entre les voies ferrées, la colline, et deux rues composées de petites maisons mitoyennes. Et pourtant, actuellement, des bulldozers chargent d’énormes camions qui vont et viennent dans un manège à première vue incompréhensible.

 » Sur les 9 hectares qui font pour l’instant l’objet de travaux, le sol pollué est creusé sur une profondeur d’un mètre à un mètre et demi. Les matières sont criblées. Les plus gros morceaux de maçonnerie, qui sont inertes, sont concassés sur place et servent à directement remblayer les zones déjà analysées « , explique Virginie Lansival, ingénieure à la Spaque (Société publique d’aide à la qualité de l’environnement), responsable du chantier. Pour le reste, les matériaux qui peuvent être aisément décontaminés le sont sur place, par procédés physico-chimiques, tandis qu’une bonne partie des terres et poussières, 30 % des  » fines « , est envoyée par bateau vers l’Allemagne pour y être traitées.

Près d’un siècle d’activités polluantes

A la fin du xixe siècle, des fours à coke ont constitué la première occupation industrielle des lieux. Dans les années 1930, le terrain a été rehaussé de deux à trois mètres, avec des remblais divers, des déchets de charbonnage et de construction principalement. S’y sont alors installées des usines chimiques, dont la société Engrais et produits chimiques de la Meuse qui a donné son nom à l’endroit.

En 1993, les usines sont démantelées par la Sorasi, la société chargée de l’assainissement en province de Liège. Mais, à l’époque, elle se contente d’abattre les bâtiments, sans trop se soucier de ce qu’il y a dessous.

En 2006, la Spaque, chargée dans le cadre du plan Marshall de la décontamination des sites pollués, rachète Chimeuse. Le CHU de Liège est chargé d’une expertise toxicologique qui fait apparaître que le sol de nombreuses maisons du voisinage présente de trop fortes concentrations en métaux lourds. Les riverains sont invités à ne plus consommer les légumes de leurs potagers, et à se soumettre à des tests sanguins et urinaires. Rien de grave n’est toutefois constaté, précise la Spaque.

Les premiers travaux sont entrepris à l’automne 2007. Ils consistent à ramasser les tonnes de déchets, de ferrailles, de pneus, de carcasses de voitures. Deuxième étape, le déboisement, car la nature, même en des endroits pareils, reprend vite le dessus et cache les misères. Mais il a fallu convaincre les riverains du bien-fondé de cette opération.

Ensuite les équipes se sont attaquées au démantèlement des dalles de sols, puis à ce qu’il y avait dessous.  » On a trouvé de tout dans ce sous-sol, poursuit Virginie Lansival : des cyanures, des métaux lourds, des hydrocarbures. On a mis au jour des anciennes cuves, des canalisations, et même des obus… « 

100 000 m3 de déblais

L’extrémité du terrain où se situait la cokerie a été dépolluée en premier, car les terres recelaient une forte teneur en cyanures. Dans la phase actuelle, le sol a été maillé en parcelles de 20 x 20 mètres. Des sondages sont effectués jusqu’à une profondeur de quatre mètres. S’ils ne font pas apparaître de difficulté particulière, les parcelles sont excavées l’une après l’autre sur une profondeur de plus d’un mètre. Plus de 100 000 mètres cubes de déblais ! Les fonds et les parois sont alors à nouveau analysés, et une excavation plus profonde peut être décidée si une pollution persiste.

Le chantier actuel, soutenu financièrement par le Feder (Fonds européen de développement régional), aura coûté la bagatelle de 7,5 millions d’euros, hors TVA. A terme, le terrain devrait accueillir une zone d’activité économique réservée aux PME, ainsi que de 25 à 30 logements. Sans cave, et avec interdiction d’y cultiver des potagers…

MICHEL DELWICHE

De futurs logements sans cave ni jardins potagersà

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire