Le juste prix

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

A la veille du sommet des ministres européens de l’Education, à Louvain-la-Neuve, les étudiants réclament la gratuité des études. Equitable et possible ?

En 2008, la Fédération des étudiants francophones avait fait son enquête. Pour contribuer au coût de sa formation, l’étudiant et ses parents déboursent, chaque année, de 7 200 à 12 000 euros.  » Trop cher !  » clame l’organisation étudiante. Le 28 avril, elle battra le pavé (ce jour-là, les pays de  » l’espace Bologne  » se réunissent à Louvain-la-Neuve) pour obtenir la gratuité des études supérieures. Un engagement qui avait été pris par la Belgique, il y a vingt-cinq ans, en ratifiant le pacte de l’ONU sur les droits sociaux et économiques : l’article 13 stipule que l’accès à l’enseignement supérieur doit être facilité par  » l’instauration progressive de la gratuité « .  » Nous avons choisi de cibler nos moyens, limités, sur les étudiants les moins nantis. N’est-ce pas la même chose ?  » réplique Marie-Dominique Simonet (CDH), qui, en tant que ministre de l’Enseignement supérieur, a rehaussé les allocations d’études de 10 % (secondaire et supérieur). Pour l’étudiant boursier, ce sont… 100 euros cash, soit une aide annuelle de 1 000 euros en moyenne. Parallèlement, les minervals dans les Hautes Ecoles ont été plafonnés, et on alloue davantage de bourses, puisqu’on a relevé (un peu) les plafonds (97 490 élèves et étudiants supplémentaires). Marie-Dominique Simonet a imaginé, enfin, une catégorie  » étudiant modeste « , entre le boursier et le non-boursier : il paie un minerval réduit de quelque 300 euros…

De son côté, la FEF épingle, sous cette législature, une hausse des droits d’inscription, et pointe le coût de la vie qui a augmenté bien plus vite que les bourses. Entre les deux, décidément, le courant ne passe pas. La FEF et Marie-Dominique Simonet se rencontrent très rarement : les étudiants discutent avec ses collaborateurs.

 » Le secteur public finance l’enseignement à concurrence de 90 %. Parmi les dépenses privées ( NDLR : 10 %, donc), 5 % sont à charge des ménages. Comparé aux pays de l’UE, ce chiffre demeure extrêmement faible « , souligne la ministre. En réalité, mezza voce, la Communauté française ne veut pas entendre parler de gratuité (et les recteurs avec elle).  » Notre minerval est l’un des moins chers d’Europe.  » Qui, surtout, endosserait la disparition des droits de scolarité ? La capacité financière de la Communauté patine. Faut-il alors aller chercher chez le contribuable l’argent qu’elle n’a pas ? Car, au fond, qui supporte aujourd’hui l’essentiel de la charge de l’enseignement supérieur ? Réponse : le contribuable. Chaque francophone paie, via l’impôt, près de 1 350 euros par an pour l’éducation (de la maternelle à l’université). Personne n’y échappe, ni les isolés, ni les moins favorisés : cette charge est prélevée au moyen de la TVA.

A qui profite l’enseignement supérieur ? Les enfants des classes moyennes et surtout aisées y sont surreprésentés. Ainsi, sous couvert de droits de scolarité peu élevés se perpétue dans notre pays une injustice sociale. Aussi d’aucuns à la Communauté française dénoncent-ils, en privé, qu’accorder à tous la gratuité des études supérieures, ce serait faire  » un joli cadeau aux plus chanceux « . Mathias El Berhoumi, président de l’organisation étudiante, dénonce plutôt l’absence d’une politique (régionale et fédérale) de logement, de transports, de nourriture… Et livre des chiffres qui claquent : 20 % des étudiants cumulent études et travail (et leur nombre grossit), le taux de réussite en 1re BAC à l’université ne dépasse pas 40 %, 20 % lâchent leurs études…  » C’est ça, la démocratisation ? « 

Or l’UE, dans le cadre de Bologne, vise 50 % des diplômés du supérieur en 2010, et espère combler son retard, notamment sur les Américains. Avec 21 %, elle ne peut rivaliser avec les Etats-Unis (38 %). Avec ses 20 %, la Belgique, non plus… Alors, que faire ?

SORAYA GHALI

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