Le juste prix des actions (2)

Nous avons vu la semaine passée, dans cette rubrique, que …

Le graphique en annexe reflète cette modélisation simplifiée. Il compare l’indice boursier américain Standard & Poors 500 avec sa valeur théorique déterminée à partir de trois paramètres : les bénéfices des entreprises, les taux d’intérêt et l’inflation. Pour les férus de mathématique, la valeur théorique est fixée selon le schéma suivant : les bénéfices annuels de l’indice sont multipliés par le rapport cours/bénéfice estimé. Cette estimation est basé sur la formule suivante : l’inverse du rapport cours/bénéfice est égal à : {l’inflation x 0.5} + {le taux réel à 10 ans x 1.25}. Le taux réel est égal au taux nominal des emprunts d’Etat américains dont on soustrait l’inflation. Sur base d’un taux d’inflation de 2.6%, d’un taux d’intérêt à 10 ans de 5%, et d’un bénéfice de 50 dollars pour les actions constitutives de l’indice, le modèle délivre une valeur théorique de l’indice

de 1163 points. A comparer avec un niveau de clôture 2001 de 1160 points.

Incidemment, le rapport cours/bénéfice jugé normal du marché est de 23,25, soit nettement plus que la moyenne déterminée par le modèle de 17,6 sur les 13 dernières années. Ceci pour nuancer les propos des analystes valorisant le marché sur base des moyennes historiques de ce type de ratio et en concluant que les actions restent largement surévaluées.

Le marché bousier anticipe toujours l’avenir.

L’analyse des 10 dernières récessions américaines met en évidence que la bourse anticipe en moyenne de 9 mois le rebond des bénéfices des entreprises postérieur à la sortie de récession. Pour cette raison, la ligne de l’indice théorique du graphique a été avancée de 3 trimestres. Ce faisant trois constations majeures s’imposent : Premièrement, l’envolée de la bourse jusqu’aux sommets jugés par certains vertigineux de l’an 2000 est largement justifiée par le modèle. La dégringolade qui s’en est suivie l’est par ailleurs tout autant.

Constat général maintes fois répété : la bourse est un placement à haut risque et il le restera toujours.

Rien en justifie en effet que le comportement futur des bénéfices des entreprises, des taux d’intérêt ou de l’inflation se démarque du passé.

Deuxièmement, la remontée de l’indice théorique, qui justifie la remontée actuelle du marché bouriser américain, est basée sur des estimations subjectives pour 2002. Dans le graphique, elles sont les suivantes : un maintien de l’inflation et des taux d’intérêt aux niveaux actuels, et une remontée des bénéfices des entreprises en 2002 d’une dizaine de pourcent par rapport au creux de 2001. Cette remontée des bénéfices les ramèneraient à mi chemin entre le sommet de 2000 et le plancher de 2001.

Elle est relativement en ligne avec les attentes moyennes des analystes, avec un biais légèrement plus prudent. Comme mentionné plus haut, ces paramètres sont subjectifs. Le même modèle, alimenté par les données d’un autre analyste, pourra fournir une vision très différente de ce que l’on peut attendre de la bourse en 2002.

Troisièmement, sur base de ces données, l’indice Standard & Poors 500 est aujourd’hui à son juste prix. Il incorpore déjà un rebond des bénéfices des entreprises d’une dizaine de pourcent, dans un contexte d’inflation et taux d’intérêt favorable. Difficile dans un contexte de reprise économique de voir les taux d’intérêt rebaisser. Par conséquent, seule une remontée plus importante des bénéfices pourrait justifier une pousuite de la hausse de l’indice. Ceci est-il exclu ? A court terme, probablement pas. La sortie de récession de l’économie américaine au premier trimestre 2002 amènera probablement les analystes à revoir à la hausse leur prévision de croissance bénéficiaire. Un retour des bénéfices à leur sommet de 2000 justifieraient une hausse supplémentaire de l’indice de 15%, dans la mesure où les autres paramètres restent inchangés. Disons-le de suite, cette vision d’un optimisme béat est indéfendable. Celà étant, le retour d’un climat positif continuera de soutenir le marché dans les prochains mois.

2002 : année positive ?

Comme tous les modèles boursiers, le modèle présenté ci-dessus est loin de constituer la référence absolue. Son historique démontre que le marché peut largement diverger de ce qu’il estime être le juste prix de la bourse. Entre 1994 et 1996, l’indice SP500 s’est ainsi maintenu une vingtaine de pourcent sur sa valeur théorique. L’inverse s’est produit de 1997 à 2000, avec une surévaluation continue de la bourse pouvant atteindre 30%. A long terme toutefois, l’indice théorique fait office de rappel de l’indice réel, les deux lignes tendant à se rejoindre. Il en va ainsi de nombreux modèles ; leur utilité est de servir de point de référence, de  » rappel à l’ordre  » lorsque le marché semble perdre toute raison, ce qui lui arrive fréquemment. Ils permettent aussi d’ y voir plus clair face à des discours d’analystes parfois tellement opposés.

Enfin, beaucoup d’entre nous se poseront la question du juste prix de la bourse européenne. Le manque de données historiques à long terme réduisent les possibilités de modélisation à ce niveau . Toutefois, bien qu’il soit basé sur le marché américain, le modèle évoqué ci dessus reflète en bonne partie ce que l’on peut attendre de notre côté de l’atlantique pour l’année 2002. Les marchés boursiers européen et américain sont en effet de plus en plus corrélés, et la forte synchronisation des deux cycles économiques dans cette première récession du troisième millénaire, ne fait qu’accentuer ce phénomène.

Mentionnons pour être complet que l’Europe apparaît meilleur marché sur base des bénéfices actuels des entreprises mais que leurs perspectives de rebond semblent plus éloignées dans le futur. L’un dans l’autre, le même profil d’évolution peut être attendu des deux côtés de l’atlantique.

D DAOUT

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire