Le grand bazar

Belgique (mais aussi Wallonie et Flandre !), Etats-Unis, Chine, Europe., chacun y va de son plan de soutien à l’économie. Si l’utilité de telles mesures fait l’unanimité, leur portée et leurs conséquences prêtent à discussion.

Quand les faits changent, je change d’avis. Pas vous ?  » La citation de Keynes est à la mode. Tout comme son auteur : pour atténuer la violence de la crise, les plans de relance, préconisés par l’économiste britannique, fleurissent un peu partout dans le monde. La Commission européenne s’est fendue d’un plan de 200 milliards d’euros. Le dispositif égrène les propositions (développement des infrastructures de transport, amélioration de l’accès à Internet à haut débit), lance quelques pistes d’action (supplément de revenu pour les catégories les plus modestes, baisse temporaire de la TVA), mais manque cruellement de lignes directrices : unis sur le principe, les pays européens demeurent divisés sur l’ampleur et les modalités des mesures à adopter.

Alors que la plupart des pays voisins ont déjà annoncé leurs médications anticrise, la Belgique accuse un petit retard à l’allumage. Mais, rassurez-vous, c’est imminent : notre pays aura, bientôt, son propre plan de relance. Un plan fédéral, s’entend. Car la Wallonie et la Flandre, elles, ont déjà présenté le leur. Le plan wallon pèsera en principe 1,5 milliard d’euros, soit autant que le plan Marshall. Que prévoit-il ? En gros : l’accélération des investissements dans le réseau routier et autoroutier régional, un soutien aux emplois  » durables  » et à la formation, la poursuite de la simplification administrative. Sans oublier, bien entendu, la création, au printemps prochain, d’une Caisse wallonne d’investissements, à laquelle les citoyens seront invités à souscrire.

 » En Wallonie, on ne tergiverse pas, on décide, on avance. Aujourd’hui, on est clairement le niveau de pouvoir le plus offensif « , s’est félicité Rudy Demotte (PS), ministre-président wallon et de la Communauté française. Cette allusion aux  » tergiversations  » du niveau fédéral n’a pas dû plaire beaucoup aux ministres socialistes du gouvernement Leterme. Mais le gouvernement fédéral aura, en effet, mis du temps à sortir son propre plan. Il lui fallait, d’abord, se pencher sur le coût réel de l’accord interprofessionnel, et tenter de le réduire d’un chouia. C’est ce à quoi il s’est occupé ces derniers jours. Non sans peine, car le PS et l’Open VLD, pour ne citer qu’eux, n’étaient pas précisément sur la même longueur d’onde : le premier était davantage convaincu que le second de la nécessité de payer la facture. Histoire de ne pas laisser la Belgique s’enfoncer trop gravement dans la récession. Ce qui est sûr, c’est qu’en 2009 on n’y coupera pas : la croissance sera négative, de l’ordre de – 0,2 %. Au moinsà

L’accord interprofessionnel (qui concerne les salariés du secteur privé, soit 2,6 millions de personnes) prévoit une hausse forfaitaire des salaires en 2009 et 2010, au-delà de l’indexation (5,1 %), ainsi qu’une baisse du précompte professionnel. L’une et l’autre financées par l’Etat fédéral. Au menu, également : une augmentation des allocations de chômage dans les premiers mois de l’inactivité, lesquelles baisseraient ensuite. Il aura donc fallu étudier soigneusement toutes les répercussions sur le budget de l’Etat avant que Leterme n’annonce  » ses  » propres mesures pour augmenter le pouvoir d’achat et doper l’économie. Mais Dieu que tout ceci fait désordre !

Ailleurs dans le monde : des plans en ordre dispersé

Bien entendu, les situations diffèrent. Des pays sont touchés de plein fouet par l’éclatement de leur bulle immobilière, comme l’Espagne, d’autres pâtissent de la baisse de leurs exportations, comme l’Allemagne. Certains, enfin, comme la Grande-Bretagne, sont très exposés au retournement de la conjoncture américaine. A chacun, donc, de trouver les solutions les mieux adaptées.

Faut-il encourager prioritairement la consommation des ménages ou l’investissement des entreprises ? La première solution présente l’avantage d’avoir un effet immédiat – comme les chèques aux ménages distribués en début d’année par l’administration américaine, ou la baisse de 2,5 points de TVA décidée par la Grande-Bretagne. La seconde peut être un levier pour améliorer durablement la compétitivité du pays. Faut-il se concentrer sur les secteurs en difficulté ? Allemands et Français se sont au moins mis d’accord sur le sauvetage de l’industrie automobile. Mais ces aides sectorielles ne sont pas sans inconvénients : pour que l’économie reparte, il faut encourager les activités susceptibles d’être les moteurs du redémarrage, plutôt que de différer la réforme de celles qui, de toute façon, devront être restructurées. Faut-il, enfin, cibler des catégories particulières de population ? C’est le pari du plan italien (5 milliards d’euros), largement focalisé sur les ménages à faible revenu.

Ces plans ne feront toutefois pas de miracle. Les problèmes de fond – secteur financier laminé, crédit bancaire gelé, consommateurs et entreprises américaines surendettés – demeurent. Le but des plans de relance est de passer 2009 en évitant une casse majeure, comme des faillites de grosses entreprises ou le décrochage violent des classes moyennes.

Une fois l’orage passé, il faudra aussi payer la facture : pour les pays les plus endettés, cela signifie un accès de plus en plus difficile, donc de plus en plus coûteux, au refinancement sur les marchés. Dernier risque : que les milliards déversés sur les systèmes financier et économique ne finissent par alimenter une nouvelle bulle. Les plans de relance, pour être vraiment utiles, devraient aller de pair avec une réflexion de fond sur la régulation financière. Là encore, l’accord parfait entre les Etats sera difficile à obtenir.

Benjamin Masse-Stamberger, avec Isabelle Philippon et Laurence van Ruymbeke

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