Le goûter, une valeur sûre

Peut-on perdre du poids, ou plutôt ne pas en gagner, en mangeant plus souvent? Cette idée, un tant soit peu burlesque, repose sur une base scientifique: les bienfaits du fractionnement de l’alimentation

On dit souvent que la bonne santé de nos voisins français n’est pas étrangère à leur consommation quotidienne d’un verre de vin rouge. Mais de nombreuses études cliniques et épidémiologiques (1) suggèrent également que le goûter, dont la tradition reste vivace dans l’Hexagone, serait aussi profitable à la santé de nos artères, contribuerait à lutter contre l’adiposité et permettrait de réduire le risque de diabète.

L’étude Suvimax (Suppléments en vitamines et minéraux antioxydants), menée en France, montre ainsi que le « goûteur » régulier (soit 1 homme sur 5 et 1 femme sur 3, mais près de 7 enfants sur 10) présente un poids corporel plus faible que le « non-goûteur » ou le « goûteur » occasionnel. Est-on dès lors moins « gros » si l’on goûte plus souvent ? Oui, cela semble parfaitement probable, d’après les récents travaux menés par le Dr Didier Chapelot (laboratoire de Physiologie du comportement alimentaire, UFR Léonard de Vinci, à Bobigny). L’absence du goûter au cours de la journée, en d’autres mots, le classique « trois repas », semble favoriser la prise de poids à très court terme. En effet, la suppression du goûter pendant vingt-huit jours, chez des sujets accoutumés à prendre quotidiennement ce repas, conduit à une augmentation significative du poids, directement au profit de la masse de graisse. A l’opposé, l’introduction du goûter vers 16h30 chez des « non-goûteurs », avec une réduction concomitante de 30 % de l’apport énergétique au repas de midi, se solde, après le même laps de temps, par le maintien du poids corporel.

Quatre fois par jour, six fois par semaine

Il y a cependant goûter et goûter. En effet, avant de considérer le repas préféré des écoliers comme un « quatrième repas », il convient de lever toute ambiguïté quant à la définition même d’un repas. Selon le Dr Chapelot, « il s’agit d’un apport alimentaire motivé par la faim, qui apparaît lorsque la glycémie et l’insulinémie sont basses. Le snack n’entre pas dans cette définition. En effet, il répond à une exigence de plaisir plutôt qu’à un besoin métabolique et cette prise alimentaire se déroule donc dans un état de satiété. Après avoir mangé un tel aliment, les taux d’insuline et d’acides gras libres présents dans le sang sont favorables, d’une part, au stockage de graisses plutôt qu’à leur utilisation et, d’autre part, à une réapparition plus rapide de la sensation de faim ». D’où la conclusion du chercheur : « Nos études montrent que le goûter devient physiologiquement un « quatrième repas » à part entière lorsque sa fréquence atteint les six jours par semaine. »

Selon le Dr Jean-Luc Volatier (AFFSA Maisons Alfort), les résultats de l’étude INCA (une étude nationale sur la consommation alimentaire des adultes français en 1999-2000) montre que le goûter « à la française » diffère cependant des snacks habituels. Chez les grands goûteurs, la collation de l’après-midi représente environ 10 % de l’apport énergétique journalier. Elle est généralement composée de 2 ou 3 catégories d’aliments. Les groupes les plus fréquemment représentés sont, dans l’ordre décroissant, les céréales (dans 80 % des cas), les boissons non alcoolisées comme le thé ou l’eau (75 %), les produits laitiers (41 %) et enfin, les fruits ou jus de fruits (35 %). Par rapport aux autres repas des adultes, le goûter apporte donc plus de glucides et moins de lipides. Par voie de conséquence, l’apport glucidique journalier des goûteurs est plus élevé et celui des graisses l’est moins, ce qui est une bonne chose. Par rapport aux scacks, l’énergie provenant du goûter aurait donc bien une influence sur un indice de masse corporelle plus faible.

Enfin, on estime aussi que quatre repas valent mieux que trois pour d’autres raisons. Selon les travaux de David Jenkins (faculté de médecine, université de Toronto), l’augmentation du nombre de repas permet une épargne de l’insuline chez le patient diabétique, ce qui améliore à long terme l’équilibre glycémique et donc le pronostic de la maladie. Enfin, des résultats préliminaires permettent de penser que le fractionnement de l’alimentation et la réduction sous-jacente de la sécrétion d’insuline diminuent aussi les lipides sanguins, en particulier la synthèse du cholestérol. Autant de signes qui remettent ce « bon vieux goûter » au goût du jour.

(1) Citées lors du 17e congrès international de nutrition, à Vienne.

Nicolas Rousseau

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